Trait d’union entre l’entreprise et les marchés, le responsable des relations investisseurs a vu ses prérogatives s’étendre au cours des dernières années sous l’effet notamment de nouvelles exigences réglementaires et de marchés financiers plus volatils. De quoi tirer vers le haut les salaires proposés.
Engie, Verallia, Publicis, Spie, Solocal… Evoluant dans des secteurs d’activité variés, ces groupes de tailles diverses n’en présentent pas moins un point commun : le fait d’avoir recruté, au cours des derniers mois, un responsable des relations investisseurs (RI). En France, les entreprises disposant de ce type de compétences sont peu nombreuses. «Seules sont concernées certaines entreprises cotées, soit moins de 500 groupes en France», explique Olivia Jacob, manager au sein d’équipe finance chez Robert Walters. A ce panel s’ajoutent également quelques sociétés non cotées mais dont certains titres de dette (obligations, etc.) le sont. «En outre, des entreprises externalisent la communication financière auprès de sociétés spécialisées en la matière, notamment lors d’événements particuliers de la vie de l’entreprise comme une ouverture de capital ou une opération de croissance externe, ajoute Olivia Jacob. De ce fait, la profession compte moins de 1 000 postes en entreprise en France, juniors compris.»
Des expériences éprouvées en finance
Il n’empêche que, face notamment au développement des réseaux sociaux ou à la propagation rapide de fausses informations sur Internet, la fonction tend à se développer, au travers soit de la création de départements dédiés au sein d’émetteurs, soit d’une évolution du périmètre du poste. Logiquement, l’essentiel des prérogatives concerne des enjeux de communication financière : assurer la cohérence et la conformité de l’ensemble des informations financières relatives à l’entreprise, aider la communauté financière à mieux comprendre la stratégie de l’entreprise, etc.
«En interne, les relations investisseurs contribuent également, grâce aux retours des marchés financiers, à alimenter la réflexion stratégique de la direction générale et sa compréhension du positionnement marché de l’entreprise, de son évolution et de sa performance, notamment par rapport à la concurrence», insiste Olivier Psaume, responsable des relations investisseurs chez Sopra Steria et président du CLIFF (Association française des professionnels de la communication financière). A ce titre, la mission des responsables RI va au-delà de la communication financière dans un certain nombre d’entreprises. «Au sein du groupe Lagardère, ma mission consiste également à communiquer sur les sujets de gouvernance : les organes et structures permettant la gestion de la société, le rôle du conseil de surveillance qui représente les actionnaires, etc.», illustre Florence Lonis, directrice des RI et de la communication en gouvernance du groupe Lagardère.
La variété des missions auxquelles sont confrontés les responsables RI requiert donc chez eux diverses compétences (finance, communication, stratégie, opérationnelle). De ce fait, l’accès à cette fonction requiert le plus souvent une certaine maturité et une expérience dans le secteur de la finance. «Les entreprises cherchent avant tout des profils de financiers, issus de grandes écoles ou universités (Science Po, Dauphine, HEC, Essec, Sorbonne, etc.) ou de formations certifiées auprès de la SFAF (Société française des analystes financiers) et ayant déjà eu un parcours professionnel en M&A, en contrôle de gestion, en analyse financière ou audit, confirme Olivia Jacob. Ce background est notamment nécessaire pour expliquer au marché, investisseurs et actionnaires, les résultats et les opérations financières ainsi que leurs impacts sur les finances de l’entreprise.» Patrice Lambert de Diesbach, directeur RI au sein du groupe Orange, a par exemple débuté sa carrière en qualité d’auditeur, avant de passer par la suite 17 ans comme analyste financier, puis de migrer vers la communication financière. «Mon parcours professionnel me permet aujourd’hui de bien comprendre les besoins des analystes financiers, de mieux appréhender ce qu’ils attendent de nous en matière de communication», témoigne-t-il.
Les profils internationaux recherchés
Si le socle financier est souvent recherché, certaines entreprises privilégient cependant d’autres parcours, avec généralement une composante internationale. C’est le cas chez Lagardère, où les instances dirigeantes ont fait évoluer Florence Lonis du poste de directrice juridique déléguée à la communication, gouvernance et compliance à celui de directrice des relations investisseurs et de la communication en gouvernance. «Après une formation de juriste à l’international, j’ai occupé des postes de directrice juridique dans des sociétés américaines de nouvelles technologies comme Sun Microsytems Europe du Sud ou Apple Computer EMEA avant de rejoindre Lagardère Active puis le corporate du groupe Lagardère, détaille-t-elle. Une expérience et un profil internationaux que j’ai complétés d’une formation certifiante en communication financière et relations investisseurs, délivrée par l’Université Paris-Dauphine et le CLIFF.» D’après le CLIFF, le passage à l’international est de plus en plus fréquent dans les parcours des responsables RI. «Cette expérience à l’étranger permet notamment de comprendre la culture d’investisseurs issus de tous les continents et de maîtriser plusieurs langues, ce qui, dans le cadre de leurs missions, est indispensable», abonde Olivia Jacob.
Pour autant, quelle que soit l’expérience professionnelle du candidat, sa personnalité fera la différence, assurent les intéressés. «Les soft skills sont indispensables, souligne Patrice Lambert de Diesbach. Chez Orange, l’équipe de “front” est composée de cinq personnes en plus de moi-même. Nos recrutements se font en premier lieu sur la personnalité des candidats et non leur parcours professionnel. Il est important qu’ils sachent faire preuve d’empathie et travailler en équipe. C’est uniquement ainsi que nous pouvons construire une équipe solide, solidaire, partageant en réfléchissant à haute voix ensemble pour vendre et défendre l’equity story à l’extérieur, en faisant face à toutes sortes de pressions.» Des qualités également importantes vis-à-vis du management. «Il faut faire preuve de toute la rondeur nécessaire afin de faire remonter vers l’interne les messages du marché – parfois brutaux – et être une vraie force de proposition auprès de la direction générale», poursuit Patrice Lambert de Diesbach. En d’autres termes, le responsable RI se doit d’être diplomate en interne comme en externe. Autant de qualités de nature à justifier les niveaux de salaires proposés. Selon le cabinet de recrutement Robert Walters, ceux-ci peuvent aller jusqu’à 100 000 euros par an pour un responsable RI bénéficiant de plus de dix ans d’expérience.
Le portrait-robot des professionnels des relations investisseurs
Selon l’Association française des professionnels de la communication financière à laquelle adhèrent 200 RI (soit plus de 80 % de la capitalisation boursière de Paris), près d’un quart d’entre eux sont d’anciens analystes financiers. 40 % ont déjà exercé le métier dans une autre société, tandis qu’un tiers d’entre eux évoluaient dans des fonctions financières ou d’audit et de communication corporate.
A la différence des directeurs en charge de la communication, les directeurs relations investisseurs seraient plus fidèles à leur poste qu’à leur entreprise : ils progressent le plus souvent en passant d’une entreprise à l’autre, même si certains évoluent par la suite vers des postes dans la finance, les fusions-acquisitions ou la stratégie.