Processus de recrutement

Les banques sortent des sentiers battus

Publié le 5 avril 2019 à 17h15

Anne del Pozo

Malgré des difficultés dans leurs activités de détail et d’investissement, les banques continuent d’afficher d’importants besoins en termes de recrutement, en particulier dans les domaines commercial et informatique. Leur tâche tend toutefois à devenir de plus en plus complexe, le secteur ayant perdu en attractivité ces dernières années. Pour y remédier, les établissements bancaires n’hésitent plus à innover dans leurs processus de recrutement, de manière à surprendre, et surtout à attirer, les profils idoines.

Avec plus de 42 000 recrutements par an, les acteurs du secteur bancaire s’imposent parmi les premiers employeurs du privé en France, se félicite la Fédération bancaire française. Malgré les difficultés rencontrées dans les activités de banque de détail et de banque de financement et d’investissement (BFI), cette dynamique à l’embauche devrait se poursuivre en 2019. Par exemple, Société Générale prévoit d’engager cette année plus de 2 000 personnes en contrats en durée indéterminée, 3 000 jeunes en stage ou en alternance ainsi que 300 collaborateurs au travers du «volontariat international en entreprise» (VIE). Le Crédit Agricole d’Ile-de-France, pour sa part, envisage de recruter plus de 1 000 salariés, dont 360 en CDI. «Le marché de l’emploi sur le secteur bancaire est très actif, voire sous tension sur certains profils experts en matière de conformité (compliance), de réglementation mais aussi d’informatique, constate Solène Bonduelle, consultante senior en recrutement, practice finance au sein du cabinet Taste. La digitalisation du secteur a en effet généré un besoin en nouvelles compétences articulées par exemple autour des data ou de l’intelligence artificielle.»A cela s’ajoutent également des besoins en ressources humaines toujours aussi prononcés dans les fonctions supports (juristes, fiscalistes, etc.) et du côté des commerciaux, qui représentent plus de la moitié des effectifs du secteur. Problème : les offres peinent parfois à trouver preneurs. «Si les banques avaient auparavant le monopole sur un certain nombre de ces profils, et représentaient par ailleurs la voie royale pour les jeunes diplômés, ce n’est plus le cas aujourd’hui, observe Solène Bonduelle. Ce changement de paradigme est notamment dû à la concurrence des fintechs et insurtechs notamment pour certains profils de commerciaux et d’informaticiens, ainsi qu’à l’évolution des attentes des candidats, aujourd’hui plus sensibles à la marque employeur et aux valeurs de l’entreprise.»

Créer le buzz pour attirer les jeunes diplômés

Pour attirer les candidats idoines, les banques doivent donc se réinventer et innover dans leur processus de recrutement. «Pour nous différencier auprès des candidats, nous devons proposer des processus de recrutement plus modernes et rapides que ce que nous faisions jusqu’à récemment, par exemple lors des forums de l’emploi», explique Vanessa Morin, chargée de recrutement au Crédit Agricole d’Ile-de-France. Dans le cadre de cette démarche, les banques organisent par exemple de plus en plus des «after work» en particulier pour le recrutement de commerciaux et chargés de clientèles. «Ces soirées sont l’occasion pour la banque de rencontrer dans un cadre informel une quarantaine de profils qualifiés que nous présélectionnons parmi notre réseau de plus de 500 000 adhérents mais aussi grâce à un important travail de sourcing, de leur présenter leurs équipes, les postes à pourvoir et les valeurs de l’entreprise, puis d’échanger en toute convivialité avec eux, explique Suzy Aboulkheir, talent acquisition specialist chez DogFinance, réseau social professionnel en finance, banque, assurance, audit et IT.

A l’automne dernier, Crédit Agricole d’Ile-de-France est allé jusqu’à organiser un after work articulé autour d’une séance de cinéma à l’UGC Bercy.«Cette soirée nous a permis de rencontrer environ 70 candidats, dont une cinquantaine ont été retenus pour passer les tests de recrutement, détaille Vanessa Morin. Au final, une dizaine d’entre eux ont intégré le Crédit Agricole d’Ile-de-France. Lors d’un tel événement, la notion de relation humaine est importante et nous permet de découvrir des facettes de la personnalité d’un candidat que nous n’aurions pas forcément pu repérer à travers la lecture de son CV. Un processus de recrutement qui, par ailleurs, nous permet d’élargir notre visibilité au-delà des traditionnelles annonces sur LinkedIn et grâce auquel nous avons créé le buzz.»

Les profils confirmés également concernés

Pour mieux capter les jeunes profils, notamment en informatique, Société Générale n’hésite pas à organiser pour sa part des «hackathons» en partenariat avec des écoles d’ingénieurs.

«L’objectif est de travailler par équipe sur un projet commun pendant plusieurs heures à l’issue desquelles un jury décerne le prix du meilleur projet, explique Hélène Krief, directrice recrutement et mobilité chez Société Générale. Cette approche permet aux étudiants de valoriser leurs compétences techniques mais également leur capacité à travailler en équipe. Les gagnants peuvent gagner, entre autres, une offre d’emploi au sein de notre banque». Toujours dans le domaine informatique, le groupe BPCE a enfin organisé en octobre dernier un «speed meeting», au cours duquel candidat et recruteur ont dix minutes pour se présenter, discuter, et plus si affinités…

Mais l’innovation dans le recrutement vaut également pour des postes plus confirmés, hors IT. A ce titre, elle ne vise cependant pas forcément à susciter des vocations. C’est le cas, par exemple, pour le concours de l’inspection générale organisé par les banques. Très convoité, il attire chaque année de nombreux candidats. «En 2018, nous avons reçu plus de 2 245 candidatures à ce concours pour 40 postes seulement, illustre Hélène Krief. Pour mieux départager les 300 candidats arrivés en tête de liste à la suite des premières étapes de présélection, nous organisons depuis deux ans un escape game. Nous détectons ainsi les candidats les plus curieux et logiques dans leurs démarches de réflexion tout en identifiant ceux capables de collaborer avec leurs coéquipiers.» Autant d’initiatives qui ont vocation à se généraliser. Car les banques l’assurent : elles n’ont pas fini de surprendre les candidats.

Des processus en voie de digitalisation

  • De plus en plus, les banques recourent aux solutions digitales pour présenter leurs métiers, dépoussiérer leur image, développer leur présence sur les réseaux sociaux ou encore accélérer leurs processus de recrutement.
  • Ainsi, 40 collaborateurs de Société Générale consacrent deux heures par mois de leur temps à tchater avec des candidats sur la plateforme «My Job Glasses» pour échanger sur leurs missions. Sur le site «Welcome to the Jungle», la banque présente également six de ses métiers au travers de petites vidéos.
  • Le Crédit Agricole d’Ile-de-France s’appuie pour sa part sur la plateforme «Golden Bees» qui, grâce à une nouvelle technologie utilisée dans le marketing client, envoie en «push» aux candidats des propositions d’emploi susceptibles de les intéresser. La banque a également digitalisé une partie de son processus de recrutement via sa nouvelle plateforme Numen, ou encore mis en place un test prédictif en ligne, développé par Infor, lui permettant d’identifier des profils cibles en fonction de la personnalité des candidats.

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