Rémunération

Les BSPCE, un «incentive» prisé des start-up

Publié le 4 octobre 2019 à 10h58    Mis à jour le 4 octobre 2019 à 16h24

Thomas Feat

Afin de retenir ses talents dans un contexte international ultra-concurrentiel, la French Tech a très largement adopté l’actionnariat salarié. Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), dont les caractéristiques sont adaptées au profil financier des jeunes pousses, sont devenus des instruments de fidélisation de premier choix pour les start-up.

Attirer des talents et les retenir est devenu, au fil des ans, un enjeu de premier plan pour les start-up et scale-up françaises du numérique. Ceci alors même que la compétition nationale et internationale ne cesse de se durcir dans le secteur technologique et que les établissements d’enseignement supérieur peinent à former des experts en nombre suffisant.

Pour y parvenir, ces entreprises se sont largement saisies de l’actionnariat salarié : selon l’édition 2019 du baromètre «Performances sociales et économiques des start-up digitales françaises» de EY et France Digitale, plus de 85 % des 71 acteurs de la French Tech interrogés disposaient, à mi-2019, d’un programme d’intéressement au capital.

De tous les instruments permettant de mettre en place un tel «incentive», les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont aujourd’hui les plus plébiscités par les jeunes pousses de la French Tech, «loin devant les bons de souscription d’actions (BSA), les stock-options et les actions gratuites», indique Marianne Tordeux, directrice des affaires publiques et européennes de France Digitale. Une assertion confirmée par l’étude précitée : à mi-2019, près des deux tiers de son panel avaient recours à ces instruments, une proportion tombée à 10 % pour les stock-options et 4 % pour les actions gratuites.

Une exonération de charges patronales

Non seulement ce dispositif séduit un nombre croissant de «techs», mais, autre manifestation de son succès, il se diffuse également au sein des organigrammes. «Jusque récemment, les BSPCE étaient plutôt réservés aux comités de direction ou top managers des start-up. Aujourd’hui, dans de nombreuses structures comme Payfit, Alan ou La Ruche qui dit Oui, les plans sont étendus à tous les salariés dans la limite de 3 % à 10 % du capital final selon des spécificités ayant trait, par exemple, aux postes occupés ou au temps passé dans l’entreprise», précise Florent Artaud, CEO d’Ekwity, conseil spécialisé dans la mise en place de plans d’actionnariat salarié dans les start-up.

Ce plébiscite s’explique par certaines caractéristiques de l’instrument, particulièrement adaptées au profil de jeunes pousses en hyper-croissance mais disposant de ressources de cash limitées et qui ne sont pas toujours rentables, voire le sont rarement.

«La stabilité salariale est encouragée car l’imposition de la plus-value de cession est moindre après trois ans de présence dans la structure. Dans le même temps, des conditions de vesting (voir encadré) peuvent réduire les probabilités de décaissements à court terme pour la société, indique Pierre Karpik, associé chez Gide Loyrette Nouel.Enfin, contrairement à ce qui peut se produire en présence d’actions gratuites ou de stock-options, l’attribution de BSPCE est exonérée de charges patronales.»

Les BSPCE ne manquent pas non plus d’atouts pour séduire leurs détenteurs, d’où leur déploiement massif par les start-up. Par exemple, «alors qu’un taux d’imposition réduit sur les plus-values de cessions mobilières s’applique dès lors que le propriétaire des bons est resté plus de trois ans dans l’entreprise, le bénéfice de taux privilégiés ne s’applique souvent, dans le cadre d’autres dispositifs d’intéressement au capital, qu’un certain temps après l’attribution de l’actif, ce qui induit moins de flexibilité», souligne Pierre Karpik.

Un risque de dilution

De l’avis d’Index Ventures, société de capital-risque anglo-saxonne, les BSPCE constituent aujourd’hui l’un des dispositifs d’intéressement au capital les plus attrayants d’Europe, voire du monde. «A rebours des jeunes pousses anglaises, françaises ou estoniennes, les start-up du numérique allemandes, autrichiennes ou belges ne bénéficient pas de dispositif préférentiel ou allégé d’incentive basé sur les capitaux propres», note le gestionnaire d’actif dans une récente étude baptisé Rewarding Talents.

Pour autant, les BSPCE ne sont pas exempts de critiques. «Ce dispositif est davantage à la portée des start-up qui ont déjà levé des fonds et qui peuvent, de ce fait, se référer à leur dernier tour de table pour déterminer la valeur attributive du bon, le strike price, souligne Caroline Pailloux, fondatrice et CEO d’Ignition Program, entreprise spécialisée dans la mise en rapport de talents et de start-up. De surcroît, les dirigeants ne doivent pas négliger le risque d’une dilution trop importante du capital en cas de distribution à tous les salariés de l’entreprise, et doivent veiller à ce que celle-ci soit continuellement en mesure de financer la revente des titres.»

Un élargissement de périmètre

Depuis plusieurs mois, les représentants de l’écosystème eux-mêmes, France Digitale en tête, plaident pour que soient enrichies ou assouplies certaines des caractéristiques des BSPCE dans le cadre de la loi de finances pour 2020. «Lorsqu’une décote est consentie sur le cours de l’action lors de l’attribution du bon, il existe un risque que l’administration fiscale ne la considère comme un avantage assujetti à l’impôt sur le revenu. Nous souhaiterions faire inscrire dans la loi que, quelle que soit son ampleur, une telle décote ne peut s’apparenter à une rémunération», indique Marianne Tordeux. Parallèlement, l’écosystème appelle à ce que le dispositif soit étendu aux entités françaises détenues par des entreprises étrangères dont les plans d’actionnariat salarié ont pour sous-jacent leurs propres parts de capital.

Une dernière requête de la French Tech vise enfin à instituer un délai de tolérance de cinq ans durant lequel les entreprises dont les caractéristiques ne seraient plus couvertes par le champ des BSPCE pourraient continuer à bénéficier du dispositif. «Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent plus recourir à ces instruments dès lors qu’elles ont plus de 15 ans ou que leur capital est détenu à moins de 25% par une ou des personnes physiques. Permettre temporairement l’emploi de BSPCE au-delà de ces différents seuils faciliterait la transition vers l’adoption d’autres dispositifs», précise Marianne Tordeux. Autant de mesures qui permettraient, estiment les représentants de la French Tech, de rendre l’écosystème encore plus attractif.

Le Vesting encourage la fidélité

  • La plupart des entreprises ayant mis en place des programmes de BSPCE font aujourd’hui le choix de leur associer des conditions de vesting qui déterminent les montants que leurs salariés peuvent débloquer selon un échéancement prédéterminé. Dans ce cas, c’est généralement la méthode des quarts qui s’applique : un salarié qui quitte l’entreprise un an après l’attribution de ces BSPCE ne touche que 25 % du produit de cession, deux après 50 %, trois ans après 75 % et quatre ans après l’intégralité.
  • Une pratique de plus en plus courante consiste également à associer des conditions de performance à ces programmes, qui peuvent se superposer aux conditions de temporalité évoquées précédemment. «Dans ce cas, un salarié ne touchera l’intégralité de ces BSPCE que si ces objectifs sont atteints», précise Pierre Karpik, associé chez Gide Loyrette Nouel.

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