Mettre à jour un curriculum vitae reste un exercice incontournable pour tout professionnel à la recherche d’un emploi. Pour un financier expérimenté, quelques règles spécifiques doivent être suivies, comme la concision, la sobriété et la mise en avant de réalisations chiffrées.
«Lors de la publication récente d’une offre pour un poste de secrétaire général en charge des finances pour une belle PME française, nous avons reçu plus de 600 réponses, indique Christophe Laville, consultant chez Hudson. Si le CV doit sortir du lot pour nous interpeller, il ne doit pas pour autant en perdre ses codes.» Face à la forte concurrence sur le marché de l’emploi, de nombreux financiers expérimentés ont tendance au fil des années à oublier les principes mêmes du curriculum vitae. «Un recruteur ne consacre que 10 à 15 secondes maximum pour effectuer une première analyse d’un CV et décider s’il le conserve ou non dans sa liste de candidats potentiels», rappelle Romain Boisnard, associé chez Tillerman Executive Search. Ce document doit donc être facile à lire et répondre rapidement aux interrogations d’un futur employeur. Or ce n’est pas toujours le cas. «Si 70 % des CV que nous recevons sont de bonne facture, 20 % mériteraient d’être remaniés et 10 % devraient même être complètement revus», estime Romain Boisnard. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les financiers à la recherche d’une nouvelle opportunité professionnelle doivent donc bien travailler leur CV tant sur la forme que sur le fond.
Un support à la discussion
Concernant le format, de l’avis unanime des chasseurs de têtes, le CV doit être concis. «Il doit seulement servir de support à une discussion à venir, commente Romain Boisnard. Il vaut donc mieux y mettre des idées et des points clés plutôt que de rédiger des phrases.» En règle générale, les recruteurs préfèrent d’ailleurs que ce document tienne sur une seule page.
«Même pour des personnes ayant 20 ou 30 ans d’expérience, le CV ne doit pas excéder une page, témoigne Odile Couvert, cofondatrice du cabinet Amadeo Consulting.Il vaut mieux éliminer quelques expériences moins significatives que de faire trop long.» Dans le cas contraire, cela peut être mal interprété. «Pour les CV qui font trois ou quatre pages voire davantage, cela montre souvent un manque de recul et d’esprit de synthèse de la part du candidat», explique Christophe Laville. L’autre point clé dans la forme d’un CV réside aussi dans sa sobriété.Ce constat est d’autant plus vrai dans les métiers financiers où la fantaisie n’a pas sa place. La couleur ou encore les infographies sont à proscrire. Cette sobriété doit aussi se retrouver dans la photo. «Elle doit de préférence être prise par un photographe pour mettre le candidat à son avantage ou tout au moins être réalisée dans de bonnes conditions», précise Romain Boisnard. Les photos issues du cadre privé sont en tout cas à proscrire. «Je suis toujours surpris quand je reçois un CV avec une photo d’un candidat dans sa salle de bain, sur son lieu de vacances ou même au volant de sa voiture, illustre Christophe Laville. Or cela arrive encore trop souvent.»De nombreux financiers préfèrent d’ailleurs ne pas mettre de photo sur leur CV. «Mettre une photo peut exposer à une forme de discrimination car l’apparence physique peut parfois susciter des a priori», indique Romain Boisnard. Néanmoins, elle peut aussi constituer un atout. «Même si ce n’est pas une obligation, je préfère un CV avec une photo car cela me permet de me rappeler plus facilement d’un candidat», nuance Odile Couvert.
Une démonstration des capacités
Si la forme est importante, le fond du CV est quant à lui bien évidemment primordial et doit être particulièrement travaillé. Pour un financier, la norme reste d’établir son CV en français, même si de plus en plus de recruteurs demandent également une version anglaise, notamment pour les postes à dimension internationale. Mais quelle que soit la langue utilisée, ce document constitue une sorte de carte d’identité professionnelle qui doit donc comporter en priorité le détail de la formation académique et des expériences professionnelles. Une troisième rubrique peut indiquer les autres compétences notamment en informatique, en langues étrangères et éventuellement les loisirs (voir encadré). Ces différents thèmes doivent être renseignés précisément avec les terminologies adaptées.«Pour un expert en banque de financement et d’investissement, il faut tout de suite savoir identifier ses domaines de compétence que ce soit en financement, sur les marchés, ou même en coverage, illustre Odile Couvert. Les financiers ne doivent pas hésiter à utiliser les termes propres à leur domaine d’expertise. Il est en effet difficile de vulgariser certains sujets techniques.»
Quand ils sont expérimentés, les financiers ne peuvent également plus se contenter d’énumérer leurs tâches au quotidien, ils doivent avant tout mettre en avant leurs réalisations. «Pour un directeur financier qui encadre un certain nombre de collaborateurs, il n’est pas nécessaire par exemple qu’il mentionne le fait qu’il réalise les entretiens annuels car cela fait nécessairement partie de ses fonctions, commente Christophe Laville. En revanche, il est beaucoup plus intéressant qu’il mette en avant ses succès managériaux.» Les financiers doivent en effet démontrer leur capacité à obtenir des résultats chiffrés.«Pour les commerciaux, il est important de savoir quel est leur nombre de clients, le chiffre d’affaires rapporté… ajoute Odile Couvert. Pour les gérants, je dois connaître l’historique de la performance des fonds gérés.» Certaines informations peuvent néanmoins être sensibles. «Les banquiers qui travaillent sur des deals confidentiels ne vont pas les mentionner dans leur CV qui peut ensuite circuler dans des maisons concurrentes, précise Romain Boisnard. Mais dans ce cas, ils nous envoient séparément un document spécifique dans lequel ils détaillent les opérations et les données chiffrées que nous ne communiquerons pas.»
Surtout, le CV ne doit en aucun cas comporter de fautes d’orthographe ni d’erreurs.«Il faut avant tout éviter les distorsions d’informations entre le CV et les données disponibles sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux, commente Romain Boisnard. Nous vérifions systématiquement la concordance de celles-ci, notamment des dates, des intitulés de poste…» Le professionnel a également intérêt à se montrer le plus transparent possible sur un CV pour ne pas être pris en contradiction par la suite. «Je constate certaines dérives chez les financiers qui ont tendance à indiquer qu’ils ont par exemple certains diplômes, comme le CFA, un MBA, ou le DSCG alors qu’ils en sont seulement au stade de la préparation ou qu’ils n’ont pas complètement validé tous les modules, complète Christophe Laville.Même constat pour les langues étrangères. «En ce qui concerne la connaissance de l’anglais, tous les financiers ont tendance à inscrire sur leur CV qu’ils en ont une pratique courante, voire même qu’ils sont bilingues alors que c’est rarement le cas, indique Romain Boisnard. Or, nous faisons systématiquement un test à l’oral en anglais quand nous passons des entretiens.» Outre la vérification des compétences, la prise de référence est devenue systématique dans les recrutements en finance. Les professionnels ont donc tout intérêt à ne pas enjoliver leur CV.
Quel traitement réserver aux éléments personnels dans un CV
- Les loisirs peuvent être intégrés dans la dernière partie du CV, mais les recruteurs recommandent de mettre seulement en avant les éléments les plus marquants. «Il faut éviter les énumérations basiques de type cinéma, lecture, voyage, sport, commente Romain Boisnard, associé chez Tillerman Executive Search. Il vaut mieux mettre en avant certaines spécificités, comme le nombre d’années de pratique d’un instrument de musique, un goût pour un type de la littérature, le fait d’être marathonien…» Ces éléments pourront permettre d’ouvrir la discussion à la fin de l’entretien et même parfois faciliter l’accès à un poste. «Si un financier est classé au golf, cela peut être atout pour travailler dans certains secteurs, notamment dans la banque privée», complète Odile Couvert, cofondatrice du cabinet Amadeo Consulting.
- Sur le plan encore plus personnel, les recruteurs apprécient de connaître certains détails qui ont leur importance. Le statut marital, le nombre d’enfants ou encore la date de naissance sont des informations à mentionner dans le CV. Si elles n’y sont pas, les recruteurs les demanderont souvent en entretien. Or ce sont des sujets délicats à aborder.