Portés par les évolutions réglementaires liées à la conformité, les spécialistes de la compliance prennent du galon dans les entreprises. Si le marché de l’emploi pour ces profils est toujours favorable aux candidats, les recruteurs restent très attentifs à leurs expertises métiers, très techniques.
L’arrivée des nouvelles réglementations comme celles sur la lutte contre le terrorisme ou le blanchiment d’argent, le devoir de vigilance, ou la RGPD, ainsi que l’application des sanctions pour les entreprises ne les respectant ont, ces dernières années, largement contribué à la mutation du métier de compliance officer (responsable de la conformité) et à sa professionnalisation. D’ailleurs, s’ils sont longtemps restés sous la tutelle des directions juridiques, les compliance officers tendent désormais à s’en détacher et à former des équipes à part entière, pilotées par des responsables de la conformité. C’est plus particulièrement le cas dans le secteur de la banque, des assurances et des sociétés de gestion de fonds. « Au sein de ces organismes financiers la fonction s’est structurée, constate Julien Lagrange, manager banque chez Hays. Désormais, des services à part entière y sont dédiés à la conformité avec des collaborateurs spécialisés sur des sujets particuliers, tels que la sécurité financière (KYC, LCB-FT), le respect des données personnelles (RGPD), la déontologie, la réglementation fiscale ou encore les activités de marché. »
Un marché de l’emploi qui reste sous tension
Corollaire de cette évolution, les recrutements de compliance officer se sont envolés ces dernières années. « Depuis la crise Covid, près d’un tiers des recrutements que nous avons effectué pour le secteur banque assurance portait sur des postes de compliance officer, précise Renaud Garnier, senior executive manager chez Michael Page. Si les équipes compliance sont désormais bien staffées dans ce secteur, le métier reste aujourd’hui encore sous tension dans les entreprises, qui ont des difficultés à trouver des profils experts. » Un constat partagé par Fed Legal chez qui la demande des entreprises pour des profils de compliance officer expert reste clairement en croissance. « Toutes les entreprises sont désormais concernées par le sujet, y compris les PME et les start-up, précise Audrey Déléris, manager chez Fed Legal. Nous avons récemment eu une croissance importante des mandats sur ces profils. En fonction du niveau et du type d’expertise attendus, certains profils sont plus difficiles que d’autres à recruter. C’est notamment le cas aujourd’hui pour les compliance officers seniors, ou ceux qui ont une expertise à la fois sur le sujet de la RGPD (Data Privacy Officer) et de Sapin 2. C’est également le cas de profils ayant une expertise sectorielle poussée, comme actuellement en conformité dans le secteur de l’immobilier ou encore dans le secteur pharmaceutique. »
«Depuis la crise sanitaire, près d’un tiers des recrutements que nous avons effectué pour le secteur banque assurance a porté sur des postes de compliance officer.»
Des missions qui diffèrent selon les entreprises
Leurs missions dépendront alors de ce pour quoi ils ont été recrutés. Généralement le compliance officer a pour vocation de préserver l’entreprise des risques financiers, juridiques et réputationnels. Ils ont donc pour mission de s’assurer de la bonne mise en œuvre des réglementations liées à la conformité et de contrôler la conformité de leur organisme ou entreprise avec la réglementation. « Dans le secteur banques et assurances, sur la procédure KYC (Know Your Customer), le compliance officer est en charge de la réception et du contrôle des documents d’identité (pour une personne physique) et des documents juridiques (pour une personne morale) afin d’évaluer si le client peut représenter un risque pour la banque pour les raisons suivantes : personnes politiquement exposées, fraudes, corruption, blanchiment…, précise Julien Lagrange. Dans le cadre de la procédure LCB-FT, il doit analyser toutes transactions financières suspectes susceptibles d’être illégales : blanchiment, financement terroriste, fraude, corruption, détournement de fonds… » En entreprise, il lui revient également de mettre en place le programme de conformité et d’en assurer le suivi et les mises à jour en fonction de l’évolution des risques et de la réglementation liés à la conformité. Il peut aussi être chargé d’analyser les risques sur des projets d’investissement et de financement. Par exemple, dans le cadre d’un projet d’acquisition, il devra notamment s’assurer qu’il n’est pas compromettant ou qu’il ne présente pas de conflit.
«Au regard de l’évolution des réglementations liées à la conformité, les compliance officers sont attendus sur leur capacité d’adaptabilité. »
Quelle que soit l’activité de son entreprise, le compliance officer a également pour mission de sensibiliser et de former les équipes juridiques et business au sujet (financiers, commerciaux, ingénieurs…). Il lui revient par ailleurs de rédiger les documents d’éthique (ex. : chartes de conformité, dispositions réglementaires…) et de les communiquer aux collaborateurs. Enfin, il assure le contrôle de cette conformité et vérifie qu’elle est bien respectée par tous les collaborateurs de l’entreprise. « A cet effet, il travaille en étroite collaboration avec toutes les équipes opérationnelles de l’entreprise, notamment l’équipe d’audit interne », souligne Audrey Déléris.
Une expertise de plus en plus pointue
Pour mener à bien ces missions, le compliance officer doit avoir de solides compétences juridiques et rédactionnelles. Ce métier nécessite une connaissance et une compréhension approfondie de tout ce qui a trait à la réglementation liée à la conformité (DPO, RGPD), aux dernières évolutions en la matière ainsi qu’aux sanctions et amendes qui s’y rattachent. Alors que les entreprises embarquent de plus en plus les sujets ESG dans leur stratégie future, elles attendent également et de plus en plus des candidats au poste de compliance officers qu’ils aient déjà portés ces sujets. « Au regard de l’évolution des réglementations liées à la conformité, les compliance officers sont également attendus sur leur capacité d’adaptabilité, souligne Julien Lagrange. D’autre part, la maîtrise des technologies digitales leur est nécessaire pour l’analyse de données informatiques, de propositions et la mise en place de scénarios sur les alertes LCB-FT, les sanctions, KYC… Ce métier requiert également un esprit de synthèse et des capacités rédactionnelles pour établir des rapports sur ces sujets. » L’anglais est aussi une compétence clé et qui est devenue indispensable.
Au regard de cette forte technicité juridique, les compliance officers sont généralement diplômés d’un bac +5 en droit des affaires, ou en audit, banque, finance ou encore en école de commerce avec une option ou une spécialisation en conformité ou équivalent. « Sur ces postes-là, les compliance officers peuvent venir du monde juridique ou de l’audit et certains ont pu se former à la compliance au fur et à mesure de leur parcours professionnel, poursuit Audrey Déléris. Dans le secteur des banques et des assurances, les compliance officers peuvent également venir du monde de la finance. »
Des personnalités curieuses et innovantes
Au-delà de leurs compétences métiers, les candidats sont attendus sur leur rigueur et leur méthodologie. Ils doivent être curieux et s’attacher à comprendre les enjeux business de leur organisation, pour s’assurer que leur programme de conformité est bien en adéquation avec le quotidien des métiers. Comme ils sont amenés à interagir avec des parties prenantes en interne et en externe (auditeurs, régulateurs, cabinets de conseils…), leur sens du relationnel et de la communication est indispensable pour les embarquer sur de nouveaux projets. « Alors que la conformité apparaît parfois comme un sujet sensible ou opaque pour certains collaborateurs des entreprises, les compliance officers doivent d’ailleurs aussi savoir faire preuve d’innovation en matière de méthodes pédagogiques pour mieux les sensibiliser au respect de ces réglementations », précise Audrey Déléris.
Si le métier semble technique, il n’en est pas moins attractif. « Les sujets traités par les compliance officers peuvent être différents en fonction de l’activité de l’entreprise et de son exposition aux risques, précise Renaud Garnier. Accessible dès la fin des études, ce métier est une véritable porte d’entrée pour qui veut travailler dans le secteur des banques et assurances, tout en étant plus rémunérateur que les postes de back ou middle office. » Selon Michael Page, dans le secteur banque assurance, un compliance officer peut en effet commencer sa carrière avec un niveau de rémunération compris entre 38 000 et 45 000 euros par an pour ensuite évoluer jusqu’à plus de 90 000 euros après dix ans d’expérience. Une rémunération qui peut dépasser les 150 000 euros pour les directeurs compliance.
Des perspectives d’évolution vers des métiers transverses
Dans le secteur banque et assurance comme en entreprise, le métier de compliance officer offre des perspectives d’évolution très diverses que ce soit vers les métiers du juridique, de l’audit et du contrôle interne, ou encore vers la direction de projets. Dans les fonds d’investissement, il permet également d’évoluer vers des postes de secrétaire général.