Networking

Les financiers découvrent les salons virtuels

Publié le 20 janvier 2017 à 16h36

Guillaume Clément

Pour entretenir et développer leur réseau, les profils financiers commencent à fréquenter des événements professionnels d’un genre nouveau : les salons virtuels. Une démarche ludique qui peut favoriser l’établissement de relations commerciales, notamment avec des sociétés basées à l’étranger.

Linkedin, Twitter, Viadeo… Pour entretenir et développer leur réseau, les professionnels de la finance peuvent depuis plusieurs années s’appuyer sur les médias sociaux. Mais une autre forme de «networking 2.0» commence à émerger au sein de la communauté financière : les salons virtuels. Ces sites Internet permettent de déambuler, par le biais d’un avatar, au sein d’espaces en 3D ressemblant à des salons professionnels «réels». «Nous nous sommes inspirés du jeu vidéo Second Life pour permettre aux profils financiers de louer ou de visiter des stands, ainsi que d’échanger avec d’autres professionnels sous un format original et ludique», indique Olivier Collombin, fondateur du réseau social Planet of Finance et du salon en ligne Virtual FinFair.

Si ce type d’initiatives s’est depuis une quinzaine d’années surtout développé dans des secteurs comme le bâtiment, l’informatique, l’architecture et le matériel médical, elles commencent tout juste à émerger dans le secteur de la finance (voir encadré). L’e-salon helvético-monégasque Virtual FinFair, dédié principalement aux banques, aux sociétés de gestion et aux investisseurs, a par exemple été lancé en 2013, tandis que le salon français Indexfi, ciblant les métiers de la comptabilité, de l’assurance, du conseil financier, du droit et qui présente la particularité d’être ouvert toute l’année, a été mis en ligne en avril 2016. En trois éditions, le premier a vu sa fréquentation passer de 8 000 à 16 000 personnes et compte également, en mars prochain, devenir aussi une plateforme d’échanges accessible en permanence, renommée Planet of Finance 3D. Pour sa part, Indexfi attire environ 20 000 visiteurs par mois.

Des coûts limités

Plusieurs facteurs expliquent l’intérêt croissant des financiers pour ces espaces de rencontres virtuelles. D’abord, ils sont gratuits pour les visiteurs et beaucoup moins coûteux pour les exposants.Sur Indexfi, un stand se loue environ 1 750 euros par an, tandis que Virtual Finfair facture entre 3 000 et 12 000 euros, principalement en fonction de la taille de l’espace réservé.«A titre de comparaison, le prix d’un stand physique s’élève de 5 000 à plus de 20 000 euros, poursuit Lucien Meney, fondateur du réseau professionnel Indexfi. En outre, les professionnels n’ont pas besoin d’engager de dépenses en matière de déplacement ou d’hébergement pour se rendre sur un e-salon.»

Ainsi, les salons virtuels permettent notamment d’attirer plus facilement les profils basés à l’international. «Nous avons accueilli des professionnels établis dans une soixantaine de pays, notamment asiatiques, qui se déplacent peu souvent en Europe pour des salons», indique Olivier Collombin.

Des prises de contacts facilitées

L’aspect ludique de cette forme de networking permet en outre à certains professionnels de se sentir plus à l’aise pour approcher d’autres participants. «Il était plus aisé pour nous de faire interagir notre avatar avec celui d’autres personnes, que ce soit pour présenter nos prestations ou pour leur demander des informations sur leurs produits, que de les solliciter en personne au milieu d’un salon traditionnel, reconnaît Natacha Guerdat, cofondatrice et gérante de fonds chez la société suisse spécialisée dans l’investissement socialement responsable (ISR) Conser Invest. D’autres professionnels, pour leur part, apprécient particulièrement de pouvoir filtrer les prises de contact.«Lors des salons classiques, nous sommes souvent assaillis par des commerciaux très insistants dont nous avons parfois du mal à nous défaire, indique Antoine Lakah, fondateur de LM Capital. A l’inverse, le fait que nous puissions accepter ou refuser les demandes de tchat sur Virtual FinFair nous a permis de nous concentrer sur les contacts qui nous intéressaient réellement.»

Cette manière de communiquer a également aidé certains financiers à obtenir des renseignements plus facilement. «Nous étions par exemple plus à l’aise pour discuter des prix de nos prestations, en raison de la discrétion naturelle de ce type d’événement par rapport à des rencontres des halles remplies de concurrents potentiels», poursuit Antoine Lakah.

Des débouchés commerciaux

Alors que ces discussions en ligne se concluent le plus souvent par un échange d’«e-cartes de visite», une partie d’entre elles débouche par la suite sur des rencontres «IRL» (in real life : dans la vie réelle). «Après avoir tchatté avec une quarantaine de personnes durant le salon, nous en avons rencontré quelques-unes en personne, dont certaines ont par la suite investi dans nos fonds», indique Peter Stiefel, responsable de la distribution des fonds en Suisse chez AllianceBernstein. Certains professionnels ont même lancé de nouveaux produits à la demande de sociétés qu’ils avaient rencontrées lors d’un salon virtuel.«Un gérant de fortune a par exemple créé un fonds actions spécialisé dans le secteur du luxe pour le compte d’un familly office qui souhaitait investir 40 millions d’euros dans ce type de véhicule», illustre Olivier Collombin. Pour leur part, plusieurs profils financiers se sont servis des e-salons pour nouer des partenariats de nature à accroître leur chiffre d’affaires sur le long terme. «En tant que fournisseur d’assurances, notamment à destination des entreprises, nous avons identifié des acteurs offrant des services complémentaires (cabinets d’experts-comptables, avocats, fiscalistes, etc.) à nos prestations et, après les avoir rencontrés, nous avons décidé de nous recommander mutuellement à nos clients respectifs, confie Christophe Kassoyan, agent général Axa spécialisé dans la prévoyance et le patrimoine. Ces partenariats, ainsi que notre présence sur Indexfi, représentent actuellement environ 5 % de notre volume d’affaires.»

Si l’ensemble des professionnels interrogés reconnaît que les salons virtuels ne remplaceront jamais totalement les rencontres physiques, ils sont toutefois convaincus que cette forme de «networking 2.0» va se développer fortement au cours des prochaines années. Elle devrait notamment s’appuyer sur l’essor de nouvelles innovations technologiques, comme par exemple les casques de réalité augmentée, pour offrir aux financiers des expériences de plus en plus… réelles.

Des salons créés dans des contextes de crise

Si les «e-salons» ont pu prendre forme grâce à l’essor des nouvelles technologies, leur émergence a historiquement été favorisée par l’éclatement de crises. «Les premiers salons dématérialisés ont été lancés aux Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001 parce que de nombreux événements professionnels prévus à New York avaient dû être annulés, faute de participants, explique Lucien Meney, fondateur du réseau professionnel Indexfi. C’est également après avoir dû annuler un salon que nous organisions à Paris deux mois après les attaques du 13 novembre 2015 que nous avons décidé de le remplacer par un salon virtuel.»

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