Depuis deux ans, les recrutements au sein des sociétés de private equity repartent à la hausse. Cette tendance, qui se confirme en 2015, s’explique par une progression des levées de fonds ainsi que par le renforcement de la réglementation, obligeant à déployer davantage d’efforts en matière de transparence.
Après cinq années de crise, marquées par une stagnation des levées de fonds à des niveaux historiquement bas, ces dernières ont rebondi l’année dernière de 23 % pour les sociétés de capital-investissement françaises, à 10,1 milliards d’euros. Un niveau d’activité proche de la moyenne de la période 2005-2008, qui se traduit, selon les professionnels du recrutement, par une reprise des embauches dans le secteur. Certes, cette tendance reste encore timide. «Les fonds de capital-investissement n’ayant pas forcément réduit leurs effectifs pendant la crise, ils procèdent généralement à des recrutements ciblés pour venir structurer une nouvelle équipe suite à une levée concluante, ou renforcer l’équipe en place», explique ainsi Amaury La Clavière, manager de la division banque d’investissement chez Robert Walters. Néanmoins, les offres d’emploi tendent à se multiplier.
«Les sociétés de capital-investissement sont à la recherche de spécialistes à la fois pour déployer leur manne financière en réalisant des investissements et pour gérer leur croissance en interne, explique Emmanuelle Lalé, executive manager chez Michael Page. A ce titre, nous avons remarqué une hausse des créations de postes à la fois en front, middle et back-office ces dernières années. Un mouvement qui se poursuit en 2015.»
Un accent à l’international
Cette dynamique concerne d’abord les chargés d’affaires, responsables de la prospection des cibles et des prises de participation. Les fonds ciblent en la matière des profils internationaux. «Souhaitant prendre des participations sur tout le continent européen en raison du retour progressif de la croissance, les grandes sociétés de private equity recherchent des candidats capables de prospecter sur des marchés étrangers et d’échanger avec des partenaires locaux, explique Emmanuelle Lalé. Certains fonds demandent même à rencontrer uniquement des candidats dont la langue maternelle n’est pas le français.» A ce titre, les sociétés de capital-investissement recherchent principalement des professionnels diplômés d’une grande école de commerce européenne, affichant en outre entre trois et cinq ans d’expérience, soit dans un autre fonds de private equity, soit dans un département de fusions-acquisitions de banque d’investissement. Malgré un intérêt croissant pour ces profils, les rémunérations proposées demeurent toutefois relativement stables par rapport aux années précédentes. «Pour les profils avec cinq années d’expérience, les plus grands fonds proposent une rémunération fixe comprise entre 70 000 et 80 000 euros bruts annuels, assortie d’une part variable comprise entre 30 et 50 %», poursuit Emmanuelle Lalé.
Une diversification des profils d’investisseurs
Outre la répartition géographique des investissements, les fonds de private equity cherchent également à diversifier leurs produits d’investissement afin de déployer leurs liquidités. Ainsi, depuis quelques années, ils développent des véhicules de dette, proposant, dans le cadre de reprise avec effet de levier (LBO), des prêts sous forme de dette unitranche ou mezzanine. «Les fonds d’investissement nous sollicitent de plus en plus pour trouver des professionnels ayant une compétence sur les produits de dette, explique Baptiste Lambert, manager chez Robert Half. Cette tendance, qui a commencé il y a environ deux ans, s’est accentuée ces derniers mois.» Pour ces postes, les recruteurs misent sur des collaborateurs qui maîtrisent la technique financière liée aux produits de dette, et qui disposent également d’un carnet d’adresses conséquent afin d’identifier sur le marché les sociétés cibles. «Ils se concentrent principalement sur des candidats issus des départements de structuration de dette LBO en banque de financement et d’investissement, et qui affichent au minimum une dizaine d’années d’expérience», détaille Baptiste Lambert.
Des fonctions support à renforcer
Si les sociétés de private equity ont à cœur de renforcer leurs équipes commerciales et d’investissement, elles doivent également, afin de soutenir leur développement, procéder à des recrutements en back-office. «Certes, les sociétés de private equity disposaient déjà d’équipes financières en interne chargées du contrôle de gestion et du reporting, reconnaît Barbara Valaperti, senior client partner chez Korn Ferry. Néanmoins, ces dernières étaient relativement restreintes. L’augmentation de l’activité les oblige désormais à mieux s’équiper.» Cette situation concerne notamment la fonction de contrôleur financier. En effet, les institutionnels sont de plus en plus exigeants en termes de reporting concernant les participations et les performances des véhicules dans lesquels ils investissent. «Pour ces postes, les sociétés de capital-investissement recherchent des contrôleurs financiers qui ont déjà travaillé en private equity ou en gestion d’actifs, voire des candidats issus de grands cabinets d’audit», explique Emmanuelle Lalé. La rémunération octroyée évolue autour de 50 000 euros bruts annuels, avec une part variable d’environ 15 à 20 %.
Mais la principale nouveauté en termes de recrutements dans le secteur est liée à la contrainte des sociétés de capital-investissement de se mettre en conformité par rapport à la réglementation. «En effet, depuis la mise en application en 2013 de la directive AIFM, qui a notamment pour but d’accroître la transparence des fonds de private equity auprès de leurs investisseurs, les sociétés ont dû faire un effort conséquent en termes de transparence et d’analyse des risques, explique Baptiste Lambert. Cela s’est traduit sur les trois dernières années par de nombreuses créations de postes de responsables de la conformité.» Des fonctions pour lesquelles les entreprises se focalisent sur des profils seniors. «Comme il s’agit d’une nouvelle activité pour les sociétés de capital-investissement, les candidats doivent avant tout être capables de créer de toutes pièces la fonction risk», explique Emmanuelle Lalé. En outre, les fonds cherchent à se doter de professionnels qui maîtrisent relativement bien ces problématiques. «A ce titre, nos clients recherchent surtout des personnes qui ont déjà occupé des prérogatives similaires dans d’autres organisations pendant au moins cinq à dix ans, notamment en gestion d’actifs, ou bien qui sont issus de cabinets de conseil en risque», explique Baptiste Lambert. En dépit de l’importance de ces postes, les salaires sont néanmoins bien inférieurs à ceux que peuvent percevoir des directeurs de participation avec ce niveau d’expérience. «Les responsables de la conformité gagnent en moyenne entre 60 000 et 70 000 euros bruts, avec une part variable comprise entre 15 et 20 %, constate Baptiste Lambert. Néanmoins, compte tenu de la demande, ces rémunérations augmentent progressivement depuis deux ans.» Les professionnels du recrutement considérant que ce métier est l’un des plus porteurs dans le secteur du private equity pour les prochaines années, cette tendance devrait se poursuivre.
De nouvelles équipes opérationnelles constituées
- Les sociétés de capital-investissement sont de plus en plus nombreuses à créer des équipes opérationnelles dédiées à la performance des sociétés dans lesquelles elles ont investi. «Avec la crise, les véhicules d’investissement ont été contraints, faute de repreneurs, de conserver leurs participations plus longtemps en portefeuille, explique Barbara Valaperti. En conséquence, ils recherchent des professionnels capables de s’impliquer dans la gestion de ces sociétés afin d’améliorer leurs performances opérationnelles et financières.» Ces «operational partners» se consacrent généralement à plusieurs sociétés du portefeuille, et procurent au management des conseils en termes de gestion opérationnelle et financière.
- Ces postes sont rémunérés à la même hauteur que les équipes d’investissement. Le profil des candidats est toutefois différent car ils réclament des compétences plus opérationnelles. «Pour ce type de fonctions, les fonds recherchent des profils issus avec une double expérience, issus de cabinet de conseil et qui ont déjà travaillé dans une entreprise», poursuit Barbara Valaperti. Il peut s’agir aussi bien d’anciens cadres financiers (comme des responsables en trésorerie), que d’anciens directeurs opérationnels. Généralement, ceux-ci doivent afficher entre huit et douze ans d’expérience.