Audit Interne

Les grands cabinets, une voie toute tracée pour l’entreprise

Publié le 17 octobre 2013 à 14h08    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h51

Morgane Remy

Les cabinets d’audit, et notamment les plus grands d’entre eux, constituent une source de recrutement privilégiée pour les directions financières qui souhaitent étoffer leurs équipes internes. Toutefois, elles attendent des candidats qu’ils possèdent déjà une bonne expérience de leur secteur, voire privilégient ceux avec lesquels elles ont déjà collaboré

La saison estivale qui vient de commencer est généralement propice au recrutement d’auditeurs internes. En effet, les grandes entreprises, qui sont de façon quasi permanente à la recherche de candidats, savent que les collaborateurs des cabinets spécialisés – chez qui elles embauchent la plupart de leurs auditeurs – ont moins de missions, celles-ci se concentrant de septembre à mai. Ces derniers sont donc plus libres pour réfl échir à donner une inflexion à leur carrière. «Au bout de quatre ans chez Ernst & Young, j’ai ressenti le besoin de m’investir dans une mission de plus long terme et d’avoir une expérience plus proche des opérationnels, témoigne Lodi de Climens, auditeur interne chez Vivendi. J’ai donc rejoint le groupe l’année dernière.»

Une formation reconnue 

Les auditeurs externes peuvent donc s’attendre à être courtisés par les directeurs financiers au cours des prochaines semaines. Toutefois, si les cabinets d’audit représentent la principale source de recrutement, tous ne se valent pas. «Les candidats des meilleurs cabinets sont largement plébiscités, car non seulement ils reçoivent une bonne formation mais ils ont également eu la possibilité de gérer plusieurs missions d’envergure, explique Vincent Coderc, senior manager en finance chez Robert Walters. Les entreprises visent les quatre cabinets internationaux – Ernst & Young, Deloitte, KPMG et PricewaterhouseCoopers – ou le cabinet,  français mais reconnu, Mazars.» 

Pour les autres candidats, un élément différenciant, comme la maîtrise d’une langue étrangère en plus de l’anglais, est souvent nécessaire. Le jeune diplômé, quand il rejoint un cabinet d’audit externe, doit donc choisir avec précaution son employeur. De plus, la spécialisation de l’auditeur au sein de ces cabinets aura également un impact. «Les grands groupes recrutant pour leurs équipes d’audit interne demandent souvent un candidat qui ait déjà travaillé pour des entreprises similaires, c’est-à-dire ayant accompagné des clients de taille significative et exerçant dans le même domaine d’activité qu’eux», ajoute Vincent Coderc. C’était notamment le cas de Lodi de Climens, qui s’était spécialisé en média et télécoms. «Je connaissais déjà très bien le secteur, ce qui a vraiment intéressé mon employeur actuel lors des entretiens de recrutement, explique-t-il. De plus, si je n’ai pas effectué de mission directement pour le groupe, Vivendi était un client d’Ernst & Young et a pu juger du sérieux de ses auditeurs externes.»

C’est d’ailleurs pour cette raison que les entreprises cherchent à recruter en priorité au sein de cabinets avec lesquels ils travaillent, et préfèrent les auditeurs qui ont déjà collaboré avec eux, car cela permet à la fois de juger en amont leurs capacités techniques et d’intégration à l’équipe mais aussi de bénéficier d’un financier directement opérationnel, qui connaît les comptes de l’entreprise. 

Pourquoi l’expérience en cabinet d’audit est-elle recherchée ?

Tout d’abord, les meilleurs cabinets sont très sélectifs dans leurs recrutements et, à l’image des grandes écoles, les financiers qui en sont issus sont reconnus comme des professionnels prometteurs : 

  • «Chaque année, nous recevons entre 45 000 et 60 000 CV, entre 3 000 et 5 000 candidats passent des entretiens, précise Jean-Marc Mickeler, membre du comité exécutif et associé responsable des ressources humaines du cabinet. Au final, nous en recrutons 800 à 1 000 par an, en fonction de nos besoins.»

  • Une fois que les candidats sélectionnés ont intégré le cabinet, ils bénéficient de formations qui leur permettent de compléter leur culture financière, mais aussi d’apprendre à manager rapidement une équipe. Ils peuvent même avoir accès à des enseignements propres aux activités opérationnelles des clients qu’ils accompagnent, afin de mieux comprendre les chiffres qu’ils analysent.

  • Surtout, le fait d’accompagner plusieurs entreprises permet aux jeunes financiers d’améliorer leur connaissance des entreprises et, surtout s’ils rejoignent une société dans le même secteur, d’être porteurs de bonnes pratiques pour leur nouvel employeur.

  • Enfin, les meilleurs auditeurs des cabinets peuvent prétendre à des expériences à l’étranger. «Nous avons chaque année près de 50 nouveaux postes en mobilité pour 3 400 auditeurs, consultants et avocats, explique Isabelle Mathieu, directeur des ressources humaines de PwC. Si les opportunités sont encore peu nombreuses, nous souhaitons développer cette expérience car nos collaborateurs sont très demandeurs.» Un intérêt qui s’explique notamment par le fait que les entreprises cherchent de plus en plus des candidats au profil international !

Des moments plus propices au recrutement

S’il est avéré que le passage en cabinet reste la voie royale pour rejoindre une équipe d’audit interne, le candidat doit tout de même choisir le moment adéquat, selon ses ambitions. «Il y a deux étapes clés lors desquelles un auditeur externe peut rejoindre une entreprise, précise Vincent Coderc. Au bout de trois ou quatre ans, il peut prétendre à un poste dans l’équipe d’audit interne, ou celle de contrôle de gestion. Mais après six ou sept ans d’exercice, il aura assez d’expérience managériale pour occuper des postes à responsabilité. »

Quand il rejoindra l’entreprise, ce cadre expérimenté pourra devenir responsable de l’audit pour une business unit ou une zone géographique ainsi que pour le groupe, selon son expérience et la taille de la société qu’il intègre. Par exemple, Emmanuel Alexis, après plus de huit ans chez PwC, a été repéré par un chasseur de têtes, qui cherchait le successeur du responsable de contrôle et de l’audit interne de BIC. «J’ai été recruté tout d’abord au poste de superviseur, raconte ce dernier. Mon supérieur ayant été promu au bout de dix mois, je l’ai remplacé.»

Le choix du moment auquel un auditeurrejoint l’entreprise a également un impact signifi catif sur sa rémunération. Selon les chasseurs de têtes, les diplômés d’une grande école ou d’une université reconnue, affichant une expérience de trois ans en audit, pourront prétendre à au moins 45 000 euros de salaire brut annuel, et à une part variable d’environ 10 %. Mais attendre peut se révéler profi table. «Comme un auditeur acquiert rapidement des responsabilités au sein d’un cabinet après cette période initiale, chaque année d’expérience complémentaire permet de voir la rémunération annuelle proposée par l’entreprise qui recrute augmenter de 5 000 euros bruts», souligne Johann Van Nieuwenhuyse, directeur senior chez Michael Page. De plus, si le financier a décidé de rester plus longtemps au sein du cabinet d’audit, entre six et sept ans, il se verra proposer des postes de management et donc des rémunérations beaucoup plus conséquentes, comprises entre 65 000 euros bruts et 90 000 euros bruts et une part variable de 15 % en moyenne.

Une porte d’entrée pour la direction financière

Si les salaires peuvent être jugés attractifs, les financiers sont surtout séduits par les perspectives d’évolution qu’offre la fonction. «Lorsque les candidats passent leurs entretiens, ils sont très attentifs aux postes auxquels ils pourraient avoir accès après trois ou quatre ans en tant qu’auditeur interne», explique Bruno Fadda, directeur associé de Robert Half. Cette attente est fondée puisque un bon nombre de directeurs financiers considèrent l’audit comme un bon moyen de développer, chez des jeunes éléments, non seulement les compétences financières mais aussi la connaissance de l’entreprise. «Par exemple, un auditeur que j’ai recruté il y a trois ans est désormais en charge du développement de l’audit interne aux Etats-Unis, ajoute Bruno Fadda. D’autres sont devenus directeur financier de filiale, juste après leur passage en audit interne.»

Ceux qui étaient plus expérimentés quand ils ont rejoint l’entreprise peuvent facilement, au bout de quelques années, devenir un proche collaborateur du directeur financier au siège ou directeur financier d’une business unit, d’une grande filiale, voire d’une région. «Outre le contact avec les opérationnels, l’aspect international des missions et la possibilité de suivre la mise en oeuvre de mes recommandations, j’ai été attiré par le groupe BIC pour les opportunités qu’il proposait, confirme Emmanuel Alexis. Notamment, je sais que mon poste m’offre une bonne visibilité et pourra me permettre, si je fais mes preuves, de progresser au sein de la direction financière.»

Enfin, si les opportunités arrivent à manquer en interne, les auditeurs étant passés par un grand cabinet peuvent aisément solliciter leurs anciens confrères pour trouver un moyen de progresser en rejoignant une autre entreprise. «Ce réseau des anciens est très actif et permet souvent à nos anciens collaborateurs de trouver un nouveau poste après une première expérience en entreprise», explique Sylvie Magnen, associé en charge de la stratégie des ressources humaines d’EY. Et, parfois, retourner quelque temps en cabinet, où leur expérience en entreprise est fortement valorisée… avant de repartir de nouveau vers une direction financière.

Un fort besoin de candidats ayant une culture étrangère

Les auditeurs possédant une expérience internationale bénéfi cient d’un rapport de force en leur faveur. Les grands groupes sont activement à la recherche, pour leurs filiales sur les marchés porteurs que sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, d’auditeurs venant de ces pays ou bénéfi ciant d’une expérience professionnelle locale. «La croissance des groupes dans les BRICs a créé un véritable besoin de compétences et les entreprises sont prêtes à payer cher pour les attirer, explique Johann Van Nieuwenhuyse, directeur senior chez Michael Page. Mais surtout, l’entreprise fait souvent la promesse d’offrir un poste de responsable de fi liale, notamment dans leur pays d’origine pour les étrangers ayant étudié et travaillé en France avant de les rejoindre.»Pour les auditeurs français, les stages à l’étranger sont incontournables. Surtout, il est indispensable d’avoir mené plusieurs missions internationales pour pouvoir se distinguer.

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