Si un certain nombre d’entreprises ont initié de longue date la transformation digitale de leur fonction finance, d’autres ont pris du retard sur le sujet. « Or le digital est aujourd’hui un enjeu clé pour la finance et il y a urgence à mettre en place les bons outils de pilotage et d’automatisation pour traiter et exploiter les données, optimiser la gestion des processus financiers, se mettre en conformité avec la réglementation ou encore accompagner les métiers ou la direction générale dans leurs prises de décisions, souligne Tanguy du Chalard, executive manager chez Michael Page. Il s’agit d’une véritable révolution pour la direction financière dans la façon dont elle gère sa stratégie. »

Des profils de plus en plus convoités

Pour mener à bien ces projets de digitalisation de la fonction finance, des synergies se mettent en place entre la direction financière et la direction des systèmes d’information. En outre, il est de plus en plus fréquent de voir apparaître des profils avec un volet IT sur des postes financiers. « Depuis près de quatre ans maintenant, nous recrutons de plus en plus de chefs de projet finance, financial analyst ou financial specialist, qui ont tous pour mission de mener des projets de transformation digitale de la finance et sont le lien entre les équipes finance et l’IT pour traduire le besoin métier dans l’outil, constate Emilie Duforest, manager executive chez Fed Group. Cette année, nous avons ainsi eu une dizaine de demandes d’entreprises de la métropole lilloise pour ces profils. » Un constat qui est d’ailleurs partagé par d’autres sociétés de recrutement à l’instar de Michael Page, dont un tiers des demandes en finance qui lui ont été adressées cette année portaient directement sur des postes de responsable de la transformation digitale finance. « Par ailleurs, de manière indirecte, les entreprises requièrent désormais systématiquement une sensibilité IT pour les postes de direction financière ou de responsable de la transformation finance », ajoute Tanguy du Chalard.

Des missions qui varient selon les entreprises

Bien souvent, leur mission consiste à mener des projets de déploiement de nouveaux outils digitaux, tels que les ERP, des outils de pilotage de la performance ou des outils de business intelligence ou de business analytics. « Dans le cadre de mes missions chez Orpéa, j’ai notamment conduit la mise en place d’un ERP et un EPM (enterprise performance management), précise ainsi Meryem Bahi, ancienne responsable de la transformation digitale finance d’Orpéa. L’objectif de ces projets digitaux consistait notamment à faciliter le travail quotidien et chronophage des équipes finance afin de les aider à gagner en efficience. » Il revient également souvent aux responsables de la transformation digitale finance de piloter les mises en conformité des systèmes d’information de leur entreprise avec certaines réglementations touchant à la finance, comme par exemple celle sur la facturation électronique ou les reportings extra-financiers (CSRD). « La facture électronique va en effet bousculer les processus financiers, explique le responsable de la transformation finance d’une société spécialisée dans les travaux de génie civil et la construction de réseaux. Dans notre entreprise, le passage à la facturation électronique s’inscrit dans le cadre d’un projet plus global d’automatisation de toute la chaîne fournisseur (procure to pay). Mon rôle consiste notamment à travailler sur la refonte de ces processus et à l’intégration de notre ERP avec la plateforme de dématérialisation d’Esker (NDLR, qui a candidaté pour être immatriculée plateforme de dématérialisation partenaire). »

L’expertise financière, un prérequis indispensable

Pour mener à bien leurs missions, les responsables de la transformation digitale finance sont généralement issus du monde de la finance. « Il s’agit souvent d’anciens business analysts, auditeurs ou contrôleurs de gestion, précise Tanguy du Chalard. Ils ont pour la plupart suivi une formation en école de commerce avec M2 en finance, ou un cursus de comptabilité (DSCG). » D’ailleurs, alors que la finance se digitalise, les plus grandes écoles de commerce et universités dispensent de plus en plus de cours sur le sujet. Pour les financiers déjà en poste et qui souhaitent évoluer vers cette fonction, certaines universités ou écoles proposent également des formations spécifiques telles que l’université Paris Dauphine son certificat Digitalisation de la fonction finance. Différentes étapes ainsi suivies par le responsable de la transformation finance en poste dans une société spécialisée dans les travaux de génie civil. Il a débuté son parcours professionnel en tant qu’alternant en école de commerce pendant cinq ans. « J’étais alors au contrôle interne chez un grand retailer allemand, précise-t-il. Ma mission consistait à sécuriser les processus des entrepôts et magasins. » Il a ensuite pris une fonction de chef de projet du contrôle de gestion chez un éditeur dont il est devenu le responsable contrôle de gestion et contrôle interne pour la filiale française, puis a occupé la fonction de DAF dans plusieurs entreprises. « En tant que DAF, j’ai notamment été amené à mettre en place un ERP commun aux différentes filiales de l’entreprise dans laquelle je travaillais », ajoute-t-il. Un projet qui, associé à son expérience dans la finance, a retenu l’attention de l’entreprise dans laquelle il travaille actuellement et qui cherchait un profil de financier ayant déjà réalisé un projet de transformation de bout en bout afin de piloter le passage à la facturation électronique de l’ensemble de ses filiales.

Une sensibilité IT qui fait la différence

En effet, quel que soit leur parcours professionnel dans la finance, les responsables de la transformation digitale finance ont ainsi tous une appétence pour l’IT ou ont déjà participé à la mise en place d’un ERP, d’un outil d’EPM ou d’un outil de business intelligence ayant fait d’eux des experts. « Dans le cadre du recrutement de ces profils, nous recherchons par exemple des financiers ayant déjà participé activement à la mise en place de l’ERP SAP ou de l’outil de business intelligence Power BI », ajoute Tanguy du Chalard. Ils doivent également être capables d’appréhender les processus de bout en bout, et de les modéliser pour analyser et identifier les axes d’améliorations possibles. « Pour être force de conseils quant aux choix des solutions à déployer, ils assurent par ailleurs une veille sur les évolutions technologiques et tendances digitales à venir », précise Guillaume Siccat, membre du bureau transformation digitale de la DFCG. Il leur revient ainsi de mettre en place une feuille de route sur la transformation des organisations, en fonction des projets à mener.

Un sens de la diplomatie pour embarquer toutes les parties prenantes

Les projets de transformation digitale finance nécessitant également souvent d’embarquer différents métiers de l’entreprise (IT, directions opérationnelles, direction de la trésorerie, etc.), le savoir-être des candidats à ces postes est également indispensable. « Ils interviennent en véritables chefs d’orchestre de ces projets et doivent à ce titre avoir une capacité à travailler en management d’influence et savoir créer du lien entre les différentes équipes concernées », précise ainsi Emilie Duforest. C’est notamment le cas lorsqu’ils pilotent des projets de mise en conformité réglementaire. « Par exemple, dans le cadre de projets d’entreprise, ils assurent un rôle de coordination entre différentes fonctions, ajoute Guillaume Siccat. Pour la mise en place du reporting de durabilité et la préparation de la mise en conformité avec la directive CSRD, il va être amené à travailler avec la finance et les IT mais aussi avec les ressources humaines et évidemment les équipes RSE de son entreprise. Pour le passage à la facturation électronique, il devra coordonner les équipes finances, les achats, la logistique, le service client, pour assurer in fine la fluidité et l’efficience des processus et son adoption au niveau de l’entreprise. » Le responsable de la transformation digitale finance doit ainsi savoir sortir du seul cadre de la finance et regarder l’entreprise et les process dans leur ensemble « Pour répondre aux questions et besoins de chacun, le sens de l’écoute et de la diplomatie est indispensable, et ce d’autant plus que le changement est souvent anxiogène. Il nous revient d’être convaincants et d’accompagner le changement », conclut Meryem Bahi.