Afin de promouvoir l’alternance et de simplifier les démarches des directions financières d’entreprise et des institutions financières à la recherche d’alternants, Lille Place Financière a organisé début mars un «job dating» dans les locaux de la Chambre de commerce et d’industrie de Lille. Une première en France dans le secteur de la finance, qui a suscité de nombreuses marques d’intérêt tant parmi les recruteurs que parmi les étudiants.
Difficile, en ce début de journée du mardi 3 mars, de se frayer un chemin aux abords du hall d’entrée de la Chambre de commerce et d’industrie Grand Lille. Fait assez inhabituel, plusieurs dizaines de personnes sont attroupées sur les marches menant à l’accès principal du bâtiment, prêtes à rejoindre tables et pupitres disposés sur l’ensemble du rez-de-chaussée. Tout au long de cette matinée, elles seront plus de 300 à se croiser, à écouter, à échanger. Leur objectif : signer un contrat d’alternance pour la rentrée prochaine pour les uns, dénicher le candidat idoine qui viendra compléter leurs effectifs pour les autres. En partenariat avec la CCI Grand Lille Hauts-de-France, la Région Hauts-de-France et la Métropole européenne de Lille (MEL), Lille Place Financière organise en effet un «job dating» dédié à l’alternance dans le secteur de la finance, première initiative du genre lancée en France par une place financière régionale. Baptisé «Adopte un alternant», cet événement s’adressait, côté recruteurs, aux directions financières d’entreprises, aux banques, aux assureurs ainsi qu’aux cabinets d’audit et d’expertise comptable.
Un mode de prérecrutement
Lille et sa métropole hébergeant plusieurs ETI, grands groupes et sièges régionaux d’institutions financières, de nombreux postes réservés à des profils financiers juniors sont à pourvoir. Dans ce contexte, l’alternance présente, pour certains, de réels attraits. «Compte tenu de la concurrence entre cabinets, il n’est pas toujours aisé de recruter des jeunes collaborateurs en CDI, témoigne depuis son stand Laetitia Dubuis-Leenknegt, chargée de mission ressources humaines chez KPMG. En revanche, comme de nombreuses formations en finance sont dispensées à Lille, les étudiants sont généralement nombreux à rechercher des offres d’alternance. Ce type de formation constitue donc un excellent moyen d’attirer des jeunes, avec l’ambition de les retenir à l’issue de leur contrat d’alternance.» L’approche de KPMG est loin d’être isolée. «Chaque année, nous recrutons plusieurs alternants, notamment en contrôle de gestion, informe Margot Devuyst, responsable carrière et recrutement chez Kiabi. L’an dernier, trois contrats d’alternance ont été transformés en CDI.»
En dépit de l’intérêt manifesté par de nombreuses entreprises pour cette formule et du bassin assez profond de candidats dans la région, offre et demande peinent cependant parfois à se rencontrer. «Le plus souvent, nous devons transmettre CV et lettre de motivation directement sur le site Internet des entreprises, signale Quentin Pennel, en licence 3 gestion à l’IAE de Valenciennes. Mais comme ceux-ci se retrouvent noyés dans la masse, il est fréquent que je ne reçoive aucune réponse. Et lorsque je joins l’entreprise par téléphone pour savoir où en est le traitement de ma demande, on me renvoie vers le site web !» De leur côté, certains employeurs déplorent les envois récurrents de candidatures sans lien avec les offres proposées et/ou rédigées de manière standard, sans aucune référence à l’entreprise.
Trois ateliers proposés
C’est donc pour remédier à ces problèmes que Lille Place Financière a souhaité faire tomber des barrières. «L’idée de cet événement est de faire en sorte que l’offre et la demande se rencontrent directement», confie Grégory Sanson, président de l’association. Après quelques démarches préliminaires, chaque étudiant dispose d’un créneau de 15 minutes pour discuter avec l’entreprise de son choix. «C’est l’occasion de faire un point avec le candidat sur son parcours et sur l’expérience qu’il a emmagasinée lors de stages passés, ainsi que d’évoquer le contenu de la mission proposée et de comprendre pourquoi il souhaite nous rejoindre», précise Margot Devuyst. Les étudiants ayant laissé la meilleure impression seront conviés quelques jours plus tard au siège du groupe afin de compléter l’échange et de permettre aux ressources humaines d’apprécier ses qualités techniques. De 8h30 à 12h30, la trentaine d’entreprises présentes enchaîne les rendez-vous. Entre deux rendez-vous, les étudiants ont la possibilité d’assister à des ateliers thématiques. Trois sont au programme, qui fonctionnent en permanence : «Bâtir son CV», «Je pitche, donc je suis» et «Utiliser les réseaux sociaux pour augmenter son employabilité».
Chez les candidats, l’enthousiasme est palpable. «Même si le recours aux job datings est de plus en plus courant, il est appréciable que ne soient présentes à cette manifestation que les entreprises qui évoluent dans le secteur de la finance, vers lequel je me destine», constate Zahiri Ayoub, étudiant en BTS Négociation et digitalisation de la relation client (NDRC) à Lille. Le format donne également entière satisfaction. «Le fait de pouvoir discuter avec des recruteurs dans un cadre plus informel est moins intimidant et permet d’identifier plus facilement les personnes avec lesquelles on souhaite travailler et/ou l’entreprise que l’on souhaite intégrer», retient Justine Pihen, en 2e année de BTS assurance à Lille. Du côté des entreprises participantes, le bilan dressé est tout aussi positif. «A la différence des salons étudiants traditionnels et des job datings généralistes qui sont organisés ici et là, nous avons la chance, ici, de ne croiser que des profils financiers, observe Romain Burmann, assistant gestionnaire ressources humaines chez BNP Paribas. Dans la mesure où nous recherchons dans la région exclusivement des profils bancaires, cela nous permet de gagner du temps et de recueillir d’excellentes candidatures.»
Une deuxième édition déjà prévue
Cet avis est notamment partagé par Thibaut Sion, trésorier chez Mobivia, et par Sophie Dutertre, qui officie dans le département contrôle de gestion de La Redoute. «Lorsque nous publions des offres sur notre site, nous recevons peu de candidatures correspondant à nos besoins ou critères, relève cette dernière. Avec “Adopte un alternant”, ce sont plusieurs CV de qualité qui nous sont parvenus, et ce en l’espace d’une heure seulement !» Un a priori positif qui s’est vérifié lors des entretiens individuels. «Nous nous retrouvons face à des personnes motivées, qui ont fait la démarche de se déplacer pour échanger avec nous, apprécie Sophie Dutertre. Cette matinée aura été extrêmement productive !» Fort de ces constats, Lille Place Financière ne compte pas en rester là. Son président a en effet déjà pris date pour organiser une deuxième édition de l’événement en 2021. D’ici là, l’initiative pourrait faire des émules. Face aux marques d’intérêt manifestées par d’autres places financières régionales, Grégory Sanson a d’ores et déjà prévu de leur fournir un retour d’expérience.
Questions à… Grégory Sanson, président de Lille Place Financière
Pourquoi avoir mis en place une telle initiative dédiée à la fois à l’alternance et à la finance ?
En tant que président de Lille Place Financière, mon rôle consiste à promouvoir la finance, à faire en sorte que les étudiants s’orientent vers les cursus dispensés dans ce domaine et à veiller à ce que ces derniers restent dans la région une fois leurs études supérieures achevées. Pour ce faire, l’association avait déjà mis en place plusieurs initiatives : adhérents qui se déplacent dans des écoles en compagnie d’un expert en recrutement afin de présenter les métiers et les perspectives d’évolution, publication d’un guide recensant l’intégralité des formations en finance proposées dans les Hauts-de-France, événement autour des stages… A titre personnel, je suis un fervent partisan de l’alternance, ce qui m’amène chez Bonduelle, où je suis en charge de la fonction finance, à en recruter dans chaque département. A mes yeux, non seulement ce mode de formation permet aux étudiants d’améliorer leur employabilité – 70 % des contrats d’alternance se transforment en effet en CDI dans les six mois suivant leur date de fin en France –, mais il permet également aux entreprises de s’entourer de personnes opérationnelles immédiatement. Pour toutes ces raisons, il me semblait important de lancer cette initiative «Adopte un alternant».
Comment avez-vous préparé cet événement ?
D’emblée, la CCI Grand Lille, la Métropole européenne de Lille et la Région Hauts-de-France ont soutenu l’initiative. Avec ces partenaires, nous avons pu largement communiquer auprès des écoles et des entreprises pour les en informer. Nous avions également mis en place une ligne téléphonique dédiée, destinée aux entreprises peu au fait des démarches administratives relatives à la mise en place d’un contrat d’alternance.
Quel bilan dressez-vous de cette première édition d’Adopte un alternant ?
En attirant près de 300 étudiants et une vingtaine d’entreprises, pour plus d’une centaine de contrats proposés, nous avons de très loin dépassé les objectifs que nous nous étions fixés. Dans ce contexte, nous avons d’ores et déjà décidé d’organiser une deuxième édition en 2021. L’une des ambitions sera d’accueillir encore plus de participants, notamment parmi les directions financières de PME, ETI et grands groupes.