Après avoir longtemps pâti d’une mauvaise image, les contrats intérimaires sont de plus en plus utilisés par les directions financières, et concurrencent même les traditionnels CDD. Une tendance qui s’explique par des besoins croissants de la part des entreprises et un intérêt inattendu de la part des candidats pour l’intérim.
L’un de vos collègues ou collaborateurs de la direction financière a-t-il été recruté sous un contrat intérimaire ? C’est fort probable ! L’intérim est actuellement en plein essor au sein des directions financières, à tel point qu’il dépasse largement les recrutements en CDD opérés par les cabinets spécialisés. «Alors qu’il y a cinq ans, pour les contrats temporaires nous recrutions environ 80 % de CDD et 20 % d’intérimaires, dorénavant le rapport de force s’est totalement inversé, souligne Aurélie Margenest, manager chez Robert Half Management Resources. L’intérim représente 80 % de nos contrats temporaires.»
Après avoir émergé au début de la crise pour répondre à la frilosité des entreprises à s’engager sur des contrats d’embauche de long terme, l’intérim apparaît désormais comme un mode de recrutement à part entière au sein des directions financières. Selon l’étude de Fed Finance sur les motifs d’embauche en finance en 2019, l’intérim a représenté un tiers des recrutements opérés par le cabinet, un chiffre stable depuis deux ans.
Rares sont les postes, juniors comme expérimentés, qui échappent à cette tendance. «En comptabilité, nous recrutons des intérimaires sur l’ensemble des postes, de l’assistant comptable au responsable comptable, indique Nicolas Saad, consultant senior de la division finance & comptabilité de Spring. En finance, l’intérim se concentre surtout sur les postes de contrôleurs de gestion, notamment lors de la mise en place de projet ERP, mais nous recrutons également plusieurs responsables administratifs et financiers et directeurs administratifs et financiers en intérim.»
Des besoins sur des projets de transformation
Pour les spécialistes, cette démocratisation de l’intérim s’explique d’abord par un changement radical de perception de ces contrats au sein des directions financières. «L’intérim était perçu comme précaire et réservé à des professions non cadres, rappelle Nicolas Saad. A ce titre, les candidats à des postes en finance n’étaient pas disposés à accepter ce genre de postes et les directions financières n’osaient pas proposer des contrats intérimaires. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.»
Cette popularisation de l’intérim s’est ensuite faite d’autant plus rapidement que ce type de contrat répond à un vrai besoin de la part des directions financières. «Au-delà de recruter uniquement des financiers en intérim lors de la clôture des comptes, ou en remplacement de congés longue durée, les directions financières recrutent de plus en plus d’intérimaires pour intervenir sur des projets structurants», souligne Aurélie Margenest. Croissance externe, fusion, ou encore arrivée d’un fonds d’investissement : les opérations auxquelles les entreprises font face actuellement les amènent à avoir des besoins temporaires. En outre, les directions financières cherchent régulièrement des intérimaires pour accompagner leur transformation digitale (migration vers un nouveau logiciel de gestion financière et comptable ou mise en place d’un outil d’automatisation des données, par exemple). «Les entreprises recrutent des intérimaires qui sont des véritables chefs d’orchestre sur ces projets car leur expertise et leur expérience leur permettent d’agir dans l’urgence tout en apportant un regard neuf et une technicité que le client n’a pas en interne, remarque Aurélie Margenest. Par ailleurs, le statut d’intérimaire leur confère une légitimité vis-à-vis des salariés et leur permet de prendre des décisions qu’un salarié permanent n’aurait peut-être pas pu prendre, car trop engagé politiquement.» De plus, les directions financières trouvent dans l’intérim une souplesse administrative (voir encadré) qui leur permet de répondre à des besoins inopinés. «Nous évoluons dans un environnement de travail changeant, constate Nicolas Saad. Ainsi, les entreprises ont de plus en plus de mal à anticiper leurs besoins de recrutement. L’intérim est donc un moyen pour elles de trouver un candidat rapidement.» Dans ce cadre, l’intérim permet aux entreprises d’identifier leurs futures recrues. «Au sein des directions financières, l’intérim peut être un véritable tremplin pour les profils juniors, relève Nicolas Saad. En fonction du contexte de l’entreprise et si l’intérimaire réussit bien sa mission, il peut avoir des chances d’être embauché ensuite.»
Une liberté pour les financiers
De leur côté, les candidats y trouvent aussi leur intérêt. En effet, l’intérim n’est plus subi comme il pouvait l’être auparavant et correspond maintenant à un vrai choix de carrière pour certains. «Pour les profils juniors, l’intérim est un moyen de tester différents postes avant ensuite de choisir celui qui leur convient le mieux, explique Aurélie Margenest. Ils réalisent généralement deux ou trois missions avant de trouver la fonction qui leur convient le mieux.» Du côté des collaborateurs plus seniors, l’intérim peut répondre à différentes attentes. «L’intérim offre aux profils expérimentés une certaine forme de liberté, en leur permettant de décider du contenu de leur mission, ajoute Aurélie Margenest. Aussi, certains financiers choisissent de recourir à l’intérim après une dizaine d’années d’expérience pour monter en compétences sur d’autres sujets plus rapidement. Certains intérimaires souhaitent également garder ce statut qui leur permet de mener à bien d’autres projets personnels en parallèle. Nous avons de plus en plus de candidats qui obtiennent des propositions d’embauche en CDI à l’issue de leur mission intérimaire mais qui refusent, justement pour satisfaire cet objectif.»
Ceux-ci privilégient d’autant plus l’intérim que le marché leur est actuellement particulièrement favorable. «Sur les contrats intérimaires en finance, nous avons actuellement plus de demandes que de candidats, observe Aurélie Margenest. Ces derniers peuvent donc choisir la mission qui leur convient le mieux, et négocier aussi un salaire plus attractif.» Des négociations qui n’excéderaient pas quelques milliers d’euros supplémentaires, mais qui permettraient aux intérimaires de conserver, grâce à la prime de précarité, un niveau de rémunération supérieur à celui qu’ils auraient perçu en CDI.
Une réelle alternative au CDD
- Au sein des directions financières, l’intérim apparaît comme une réelle alternative au CDD. Alors que pour certaines professions, les entreprises ont recours à des contrats intérimaires pour des missions de quelques semaines, les financiers intérimaires sont quant à eux recrutés pour des durées plus longues, équivalentes à celles de CDD. «En général, au sein des directions financières, les missions intérimaires durent 3 à 5 mois pour des postes juniors et 6 à 9 mois en moyenne sur les profils expérimentés, voire 18 mois pour les projets les plus longs», précise Aurélie Margenest, manager chez Robert Half Management Resources.
- Ainsi, les entreprises privilégient l’intérim au CDD car il leur offre une grande souplesse. «Elles n’ont aucune charge administrative à gérer, rappelle Nicolas Saad, consultant senior de la division finance & comptabilité de Spring. Le recrutement, les déclarations d’embauche, la paye, etc. : le cabinet de recrutement s’occupe de tout.»