Intégré à l’équipe d’un fonds d’investissement ou intervenant via un cabinet de conseil, l’operating partner accompagne les dirigeants d’entreprises sur leurs enjeux stratégiques en mettant à leur disposition son expérience et son réseau. Une fonction en plein essor.
Presque inconnu il y a encore 10 ans, l’operating partner est devenu l’atout indispensable des fonds d’investissement. Le nombre de ces experts de l’accompagnement opérationnel a été multiplié par 2,3 entre 2018 et 2023. Désormais, selon une étude publiée récemment par France Invest et Alvarez & Marsal, 46 % des fonds de private equity et 24 % des fonds de capital-risque français bénéficient d’une équipe opérationnelle, autrement dit de salariés dont la vocation première est d’accompagner le développement des entreprises du portefeuille. « Ce métier est relativement jeune mais connaît une hypercroissance au sein des sociétés de gestion », résume Johann Dupont, coprésident du Club Operating Partner de France Invest. Plusieurs raisons expliquent cette dynamique. La première vient du fonctionnement même des opérations de LBO. « Depuis plusieurs années, la création de valeur repose avant tout sur l’amélioration de la rentabilité, et non plus sur l’effet de levier, poursuit l’associé d’Abenex Partners. Cette approche implique un travail plus opérationnel. La seconde raison vient des dirigeants eux-mêmes qui recherchent, au-delà de l’apport financier, un soutien stratégique. » L’existence et la qualité d’une équipe d’operating partners font donc désormais partie intégrante des critères de sélection d’un investisseur.
Des profils expérimentés
Ces « sparring partners » pour dirigeants, présents pour épauler ces derniers sur leurs divers enjeux stratégiques, ne sont néanmoins pas réservés aux participations des fonds. Des cabinets de conseil se sont également développés pour proposer ce service à un panel plus large d’entreprises. C’est le cas notamment d’I&S Adviser, créé en 2016 par Isabelle Saladin, une ancienne entrepreneure de la Tech ayant découvert le métier aux Etats-Unis. Sa société, qui rassemble une dizaine d’experts, intervient dans 70 % des cas directement pour le compte des entreprises, le solde émanant des fonds d’investissement. Si le cœur de la clientèle est constitué de PME, dont le chiffre d’affaires évolue en moyenne entre 12 millions d’euros et 45 millions d’euros, le cabinet épaule aussi des start-up et des ETI, illustrant ainsi l’hétérogénéité des sociétés accompagnées.
Cette diversité se retrouve également dans le thème des missions, qui peuvent néanmoins se diviser en deux catégories. D’une part les sujets généralistes qui touchent à la stratégie de l’entreprise, comme la remise à plat de la gouvernance, la redéfinition du business model ou la stratégie M&A, et d’autre part les sujets plus spécifiques comme la gestion des talents, la transformation digitale, la transition environnementale ou encore le déploiement d’un nouveau système IT. Ainsi, selon l’étude de France Invest, les principaux objectifs des operating partners sont l’élargissement du réseau du dirigeant, l’amélioration de la gouvernance, l’optimisation des processus métier, et la transformation digitale.
Des experts indépendants ou salariés des fonds
De la typologie de la mission découle assez naturellement le profil recherché. « Les fonds commencent souvent par recruter des profils généralistes qu’ils enrichissent au fil du temps de professionnels plus spécialisés, constate Johann Dupont. Beaucoup d’operating partners sont ainsi d’anciens consultants issus du conseil en finance, en stratégie ou encore management. L’idéal est d’avoir complété cette expérience par un poste opérationnel en entreprise. » Les entrepreneurs, rodés à la gestion des périodes d’hypercroissance, sont également très sollicités que ce soit par les fonds de capital-risque ou par les cabinets indépendants comme I&S Adviser qui a fait le choix d’inclure uniquement dans son réseau d’anciens créateurs d’entreprise « afin de parler le même langage » précise la fondatrice. Dans tous les cas, la séniorité est de mise, avec au minimum une dizaine d’années d’expérience professionnelle.
«La tarification va dépendre de la durée de la mission, de son objet et de la taille de l’entreprise.»
S’agissant de la rémunération, difficile de donner des chiffres tant les écarts sont importants. Tout dépend dans un premier temps du statut de l’operating partner : salarié ou indépendant. Le mode d’exercice impacte également l’entreprise qui bénéficie de ses services, puisque dans le premier cas la prestation est financée par la société de gestion, tandis qu’elle est facturée à l’entreprise dans le second cas. « La tarification va dépendre de la durée de la mission, de son objet et de la taille de l’entreprise », indique Isabelle Saladin qui précise ainsi que le montant peut varier du simple au triple. « Dans tous les cas, elle comprend une partie fixe et un variable indexé sur les résultats en termes de chiffre d’affaires et/ou de rentabilité », ajoute-t-elle. Cet intéressement conditionné à l’atteinte d’objectifs se retrouve également dans les fonds, les operating partners ayant souvent accès au carried interest. « Ce n’est pas encore le cas dans toutes les sociétés de gestion, mais cette intégration tend à se généraliser », souligne Johann Dupont.
La popularisation de la fonction passe en effet aussi par la démonstration de sa valeur. I&S Adviser affirme ainsi que toutes les entreprises accompagnées ont vu leur chiffre d’affaires croître d’au moins 5 %, et que 30 % d’entre elles ont même connu une croissance de 50 % sur une période de 12 mois. France Invest s’est lui aussi livré à l’exercice en comparant les performances enregistrées à la sortie des opérations dans lesquelles sont intervenues des operating partners, de celles réalisées sans ces professionnels. Résultat, dans le premier cas, le TRI moyen est de plus de 30 % versus 22,5 % dans le second cas. « Plus que les chiffres en tant que tel, c’est l’existence d’un écart entre les deux qui est intéressant, explique Johann Dupont. Mesurer précisément la valeur de l’intervention d’un operating partner est complexe, surtout lorsque celui-ci intervient en dehors des sujets financiers et commerciaux. Le changement d’un système d’ERP, par exemple, représente d’abord un coût. Mais on voit bien que globalement les deals réalisés avec l’appui d’un expert opérationnel s’avèrent plus profitables. » Un argument qui, dans un contexte de ralentissement économique, devrait faire mouche.
Des qualités humaines indispensables
Son expertise financière, commerciale ou technique est, bien sûr, la raison pour laquelle le chef d’entreprise fait appel à l’operating partner. Mais le savoir-être est tout aussi essentiel à sa réussite. « L’empathie est nécessaire pour comprendre les problématiques du dirigeant comme de ses équipes, affirme Johann Dupont. Par ailleurs, il ne faut pas avoir trop d’ego. La lumière doit porter sur le chef d’entreprise et ses salariés, les succès sont les leurs. »
Une forme d’humilité jugée également indispensable par Isabelle Saladin qui souligne que « l’operating partner n’est pas là pour décider à la place du dirigeant ».
Enfin, une bonne capacité d’adaptation est également nécessaire tant pour répondre à la diversité des profils de sociétés que pour faire évoluer un plan de développement.