Malgré son rôle jugé «essentiel à la nation» en temps de crise, le groupe Paprec, spécialiste de la collecte, du traitement et du recyclage de déchets, a connu une baisse de 50% de son activité, due à la fermeture de sa clientèle privée à cause du confinement. Cette situation l’a contraint à placer une partie de ses collaborateurs en chômage partiel et à mettre en pause ses projets de croissance externe, comme l’explique Charles-Antoine Blanc, directeur administratif et financier.
Quel a été l’impact économique de la crise sur votre activité ?
Malgré la période de confinement qui a débuté le 17 mars dernier, nous avons eu la chance que notre activité de collecte et de traitement des déchets soit déclarée « activité essentielle à la nation ». Dans le contexte sanitaire actuel, la salubrité publique était évidemment fondamentale et la collecte de déchets a donc dû être poursuivie. Nous avons néanmoins constaté une baisse de 50% de notre activité en raison du confinement imposée aux entreprises privées qui constitue 50% de notre portefeuille clients (Industrie, des grandes surfaces, ces centres de loisirs comme Disneyland Paris, des aéroports…). Leur fermeture a eu pour conséquence logique une diminution significative du volume global de déchets à collecter.
Or, notre modèle économique est très intégré : nous collectons des déchets (3000 sites en France), nous les traitons (130 usines en France) et nous facturons les entreprises pour cette prestation de service. Ensuite, nous revendons cette matière première issue du recyclage à des papetiers, des cartonniers, des aciéries… Nous contrôlons quasiment l’ensemble de notre chaine de valeurs et nous n’avons recours à pratiquement aucun sous-traitant. Mais avec cette baisse de collecte, c’est donc une partie essentielle de notre circuit qui a été touchée.
Dans ce contexte, avez-vous été contraints de revoir vos projets ?
Absolument. Le groupe avait procédé à un certain nombre acquisitions depuis quelques années, notamment la société Coved en 2018 (350 millions d’euros de chiffre d’affaires et 3000 salariés) que nous étions en train d’intégrer, notamment le transfert de l’ensemble des effectifs fonctions support finance à Paprec. Aussi, nous avions prévu de nous continuer à nous développer en croissance externe, aussi bien ne France qu’à l’étranger. Si nous sommes déjà présents en Suisse, nous nous intéressions à d’autres pays limitrophes. Mais, aujourd’hui, tous ces projets sont en pause. Force est de constater qu’avec la crise actuelle, il est très difficile de donner une valeur à une société et nous ignorons encore dans quel état seront les entreprises à l’issue de cette période. Nous verrons donc d’ici quelques mois l’évolution de la situation économique pour redémarrer nos recherches.
Avez-vous fait appel aux aides d’urgence prises par le Gouvernement ?
Nous avons effectivement demandé le report du paiement de nos charges sociales et de nos cotisations patronales. En revanche, nous n’avons pas demandé de prêt garanti d’Etat. Mais pour gérer notre baisse d’activité de collecte, nous avons également placé en chômage partiel jusqu’à 1500 collaborateurs sur notre effectif total 10 000 de salariés. La direction financière a d’ailleurs été logiquement concernée par cette diminution d’effectifs puisque nous avions moins de facturation à réaliser et donc moins besoin de cette fonction support. Les contrats d’intérimaires ont ainsi été arrêtés et entre 15 à 20% des 150 collaborateurs de la direction financière ont été placé en chômage partiel.
Justement, quelles mesures d’urgence ont dû être prise par la direction financière ?
La plus grande urgence fut l’adaptation des modes de travail car beaucoup de nos collaborateurs travaillaient habituellement au bureau. Le télétravail n’était pas une habitude de la direction financière ! Nous avons dû donc trouver des solutions pour qu’il y ait le moins de personne possible présente dans nos locaux. Pour cela, nous avons mis en place un système de rotation afin que les équipes puissent continuer à venir au bureau de temps et temps et récupérer toutes les informations utiles à la continuité de notre service. Typiquement, les factures fournisseurs, par exemple, ne sont pas dématérialisées et il fallait pourtant bien les récupérer, les scanner et les payer.
De plus, hormis les collaborateurs qui étaient déjà équipés d’ordinateurs portables professionnels, il a fallu permettre aux autres de se connecter depuis leur matériel personnel ou même parfois fournir des ordinateurs.
J’ajoute que le sujet humain a été très important pendant cette période de confinement. Nous avons fait très attention à ce que nos équipes ne se sentent pas trop isolées. Au sein de la direction financière, nous avons mis en place des conférences téléphoniques journalières pour permettre un maximum d’échanges d’informations.
Enfin de la même manière, nos conseils d’administration et nos réunions investisseurs se sont également tenues à distance grâce à des conférences téléphoniques.
La trésorerie de Paprec a-t-elle été affectée par la crise ?
D’abord, pour protéger notre trésorerie, nous avons tiré des lignes de crédit que nous n’avions pas encore utilisées. Cette action nous permet aujourd’hui de disposer d’une trésorerie suffisante pour faire face à cette crise et de payer en temps et en heure nos fournisseurs. Si le contexte économique devait s’aggraver, nous réfléchirions peut-être à d’autres solutions de financement.
Mais notre principale difficulté actuelle reste le recouvrement de nos créances clients. En effet, un certain nombre d’entre eux ayant été contraints à la fermeture, leur fonction support financière n’est plus en mesure de traiter nos factures. J’ajoute par ailleurs, que nous commençons à observer chez certains de nos clients de sérieuses difficultés financières, ce qui pourrait être un signe inquiétant pour une économie en sortie de crise.
Où en est votre activité aujourd’hui ?
Notre activité de collecte des déchets redémarre progressivement depuis le récent déconfinement du 11 mai dernier, à mesure que les industriels ont rouvert leurs usines, recommencent à produire et que le volume de déchets produit augmente.
En conséquence, le nombre de salariés en chômage partiel se réduit aussi logiquement. Toutefois, la vraie question est aujourd’hui est de savoir quand nous pourrons espérer un retour au niveau d’activité qui prévalait avant la crise. Or, sur ce sujet, des incertitudes persistent malgré le déconfinement.