Gouvernance

Quel profil pour présider un comité d’audit ?

Publié le 30 juin 2017 à 12h18    Mis à jour le 30 juin 2017 à 17h09

Valérie Nau

Les présidents des comités d’audit des grandes entreprises cotées ne présentent guère un profil homogène. Une expérience de dirigeant et des compétences financières constituent toutefois des atouts certains pour occuper ce poste à la fois technique et sensible.

Présider le comité d’audit d’une entreprise cotée n’a rien d’une fonction honorifique ! En matière de corporate governance, ce comité constitue en effet un organe clé : c’est à lui que revient la mission d’examiner les comptes de la société, de participer au choix des commissaires aux comptes, et d’être en relation avec les départements de l’audit et du contrôle interne au sein de la direction financière. La mission du comité d’audit, auquel peut être rattaché le contrôle des risques, a même fait l’objet d’une ordonnance en 2008 à l’occasion de la transposition de la directive européenne sur le contrôle légal des comptes. C’est dire si le poste de président est important.

Et pourtant, il ne correspond à aucun profil type, si l’on en croit l’étude que vient de mener Didier Vuchot Consultants, un cabinet spécialisé dans l’univers de la gouvernance et la recherche d’administrateurs, sur le CAC Large, c’est-à-dire les 60 premières entreprises cotées françaises. A première vue, les parcours sont même plutôt hétérogènes : «On trouve parmi eux aussi bien un président d’entreprise en exercice qu’une banquière spécialisée sur l’Afrique, en passant par un ancien ministre ou une spécialiste de l’édition», constate Didier Vuchot.

Des problématiques complexes et potentiellement risquées

A y regarder de plus près, ces professionnels présentent néanmoins plusieurs traits communs. Illustration de l’importance de ce comité, une dizaine d’entreprises, en premier lieu, ont nommé à sa tête des personnalités qui occupent ou ont occupé de fonctions de président : c’est le cas notamment de Kering, Suez, BNP Paribas, Saint-Gobain, Total, Accor, Veolia, Thales, ainsi que Engie et Bureau Veritas, ces deux dernières présentant la particularité d’avoir le même président à leur comité d’audit, Aldo Cardoso. Ce dernier cumule en outre cette fonction avec la présidence du conseil d’administration de Bureau Veritas, un poste qu’il occupe depuis mars dernier.

Au sein du top management, les directions générales d’entreprises peuvent aussi constituer un vivier pour les comités d’audit, comme en témoignent les exemples de Sodexo, Casino, CapGemini, Ingenico, ou encore TechnipFMC. «Compte tenu de l’importance des enjeux liés aux comités d’audit, on pouvait néanmoins s’attendre à voir figurer à leur tête davantage de présidents ou de directeurs généraux, estime Didier Vuchot. Mais ce comité gère des problématiques complexes (conformité, normes comptables…) et potentiellement risquées. Il nécessite aussi d’être présent à beaucoup de réunions avec les commissaires aux comptes, les représentants de la direction financière, du contrôle interne… Le poste implique donc beaucoup de travail et de responsabilité, difficilement conciliables avec des fonctions de direction dans un autre groupe.» Des caractéristiques qui expliquent aussi qu’une bonne moitié des présidents n’exercent plus de fonctions opérationnelles en dehors de leurs mandats d’administrateurs.

Les directeurs financiers bien représentés

Le caractère technique du sujet se traduit par ailleurs sans surprise par des profils à forte dominante financière. Au total, 36 % des présidents de comité d’audit sont passés par une direction financière d’entreprise ou en dirigent une. La nature des compétences requises justifie également la présence d’anciens auditeurs (comme chez Engie, Bureau Veritas, Natixis, Gemalto) et de banquiers (Eiffage, PSA, Unibail-Rodamco, Société Générale, Veolia). Au total, ils sont 28 % à afficher une expérience bancaire. Celle-ci est cependant une fois de plus hétérogène puisqu’elle recouvre aussi bien des postes de senior banker que de… président. Les fonds d’investissement ou les holdings de participation peuvent aussi constituer une autre source de recrutement (Hermes, L’Oréal, LafargeHolcim, SES) mais ces professionnels ont préalablement accompli une bonne partie de leur carrière dans la banque ou au sein d’une direction financière d’entreprise.

L’importance de bien maîtriser les chiffres explique sans doute que l’expérience sectorielle n’apparaisse pas comme primordiale pour la sélection d’un candidat. «Il n’existe pas toujours de lien entre le parcours du président du comité d’audit et le secteur de l’entreprise concernée, de même que des groupes d’un même secteur peuvent avoir choisi des professionnels au profil très différent», souligne Didier Vuchot. Mais certaines entreprises optent même pour des profils plus atypiques : un ex-Premier ministre du Québec (Publicis), un ancien directeur général d’HEC (Orange)… en passant par quelques hauts fonctionnaires et bon nombre d’anciens dirigeants de l’industrie.

Même s’il s’agit de grands groupes internationaux, ces présidents sont en majorité français (72 %), les étrangers étant pour leur part essentiellement européens.

Sans surprise, en termes de formation, 57 % des présidents sortent d’une grande école. L’Ena est de loin celle la plus représentée, avec 13 anciens élèves, devant HEC (7). Le poste requérant de l’expérience, la moyenne d’âge est élevée, de 61 ans. Mais les femmes tendent à être plus jeunes : la fourchette d’âge varie de 46 ans (Vivendi) à 71 ans (Eurotunnel) alors qu’elle se situe, chez les hommes, entre 50 ans (Sodexo) et… 78 ans (Dassault Systèmes).

On peut noter à ce titre que les entreprises n’hésitent plus à confier la présidence de leur comité d’audit à une femme. Cette évolution est particulièrement perceptible lors des renouvellements de postes, comme cela a été le cas récemment chez ArcelorMittal, TechnipFMC, Arkema… «La parité est presque atteinte puisque près de 47 % de comités d’audit sont présidés par des femmes», précise Didier Vuchot. Ce seuil est en tout cas supérieur à celui de 40 % recommandé par la loi Copé-Zimmermann concernant la parité hommes-femmes dans les conseils d’administration de sociétés cotées. En revanche, une chose ne change pas : les fourchettes de rémunération restent plus élevées pour les hommes…

Des rémunérations différentes d’un groupe à l’autre

Si les administrateurs sont rémunérés par le biais de jetons de présence, ces derniers sont majorés s’ils participent à un comité, qui plus est s’ils le président. Ces jetons comportent par ailleurs une partie fixe et une partie variable, fonction de leur assiduité aux réunions du conseil et du comité. «Globalement, la rémunération d’un président de comité d’audit tourne en moyenne autour de 85 000 euros», précise Didier Vuchot. Une rémunération qui rétribue d’abord le temps passé : le conseil d’administration d’un groupe du CAC Large (CAC 40 et Next 20) se réunit en moyenne neuf fois dans l’année, le comité d’audit entre cinq et huit fois. «Mais ce comité est aussi celui où les rémunérations sont le plus élevées car entre le temps de préparation en amont des séances, le nombre de documents à lire… la charge de travail est importante, sans compter les risques juridiques encourus en cas de problème sur les comptes, prévient Didier Vuchot. A l’étranger, en Suisse ou en Grande-Bretagne, par exemple, cette rémunération peut néanmoins être du double ou du triple.»

Les écarts sont en outre élevés d’un groupe à l’autre, mais aussi selon que le comité est présidé par un homme ou une femme : en moyenne, les rémunérations s’échelonnent pour les hommes entre 48 500 euros chez Atos et 206 000 euros chez AXA, tandis qu’elles varient pour les femmes de 17 000 euros chez EDF (où la présidente du comité d’audit est la représentante de l’Etat, la somme allant au budget public) à 190 000 euros chez Nokia.

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