DIRECTIONS FINANCIERES

Recrutement : les financiers étrangers ont la cote

Publié le 19 mars 2025 à 8h00    Mis à jour le 19 mars 2025 à 9h06

Anne del Pozo    Temps de lecture 9 minutes

Les directions financières font de plus en plus appel à des cadres étrangers non européens pour les accompagner dans la stratégie internationale de l’entreprise. Leur recrutement passe toutefois par des procédures administratives spécifiques, notamment pour l’obtention du titre de séjour permettant de travailler en France.

Bien que moins fréquent que dans les métiers techniques, le recrutement de cadres étrangers dans les fonctions supports dont la finance intéresse néanmoins les entreprises, en particulier lorsqu’elles ont une stratégie de développement à l’international. « Comme pour tous les cadres financiers, leur expertise acquise au fur et à mesure de leur parcours professionnel est utile, souligne Jean-Pierre Héveline, DRH chez Bouygues Travaux Publics. C’est d’autant plus le cas lorsqu’ils viennent de pays qui correspondent à nos marchés, ou de territoires où nous souhaitons nous développer. Leur recrutement peut alors servir la stratégie d’internationalisation de l’entreprise. » Une approche également suivie par le groupe Seb en France, et dans d’autres pays. « Différentes nationalités évoluent au sein de la direction financière du groupe, explique Emmanuel Arabian, directeur finance et trésorerie groupe de Seb. Par exemple, notre CFO en Egypte est brésilien, notre CFO aux Etats-Unis est russe et notre CFO en Colombie est français. Nous sommes ainsi ouverts aux recrutements d’étrangers. Ces ressources et compétences internationales sont importantes pour développer notre multiculturalisme. »

«Nous sommes ouverts aux recrutements d’étrangers : ces ressources et compétences internationales sont importantes pour développer notre multiculturalisme.»

Emmanuel Arabian directeur finance et trésorerie ,  groupe Seb

Le recrutement de Jiajun Liu, qui occupe aujourd’hui le poste d’analyste financement chez Seb, répond ainsi à cette volonté du groupe. Arrivée en France pour ses études dans le cadre d’un programme d’échange universitaire, Jiajun Liu a intégré Seb en 2019 pour son stage de fin d’étude en master 2 finance, à la suite duquel elle a décroché un CDD dans l’entreprise. « Pendant mes deux CDD au sein de l’équipe trésorerie, j’ai notamment participé à la gestion quotidienne de la trésorerie, à la centralisation du cash, à la mise en place du cash-pooling et au suivi de la position et de la prévision de trésorerie, explique Jiajun Liu. Aujourd’hui en CDI au poste d’analyste financement, je réalise le suivi des financements intragroupe, de la dette financière du groupe et des campagnes de dividende des filiales ou encore la gestion des garanties. » Au-delà de ses compétences métier, Jiajun Liu joue aujourd’hui un rôle important dans les relations entre les équipes finance France de Seb et sa filiale Supor en Chine. « Sa culture chinoise et le fait qu’elle parle la langue de ce pays nous permettent de mieux interagir et de développer des relations privilégiées avec notre filiale », relève Emmanuel Arabian.

Un recrutement via la mobilité interne, mais aussi grâce à des démarches spontanées

Pour recruter ces cadres étrangers, la mobilité interne reste néanmoins la procédure la plus courante. Bouygues Travaux Publics a par exemple mis en place un processus de suivi des demandes de mobilité de ses cadres. « Il s’agit d’un sujet que nous abordons notamment lors des entretiens individuels de fin d’année, précise Jean-Pierre Héveline. Nous suivons alors ces demandes jusqu’à ce que le collaborateur obtienne sa mobilité. » Si l’approche est moins courante, certains étrangers tentent également la candidature spontanée auprès d’entreprises françaises. « C’est notamment le cas d’étrangers venant d’Amérique latine, d’Europe de l’Est ou d’Europe du Sud, poursuit Jean-Pierre Héveline. ça l’est en revanche moins pour ceux venant de pays anglo-saxons tels que les Etats-Unis, l’Angleterre ou l’Australie, qui ont un niveau de vie et des salaires généralement supérieurs au nôtre. » Une démarche spontanée ainsi menée par le Colombien Diego Fernando Camacho, aujourd’hui contrôleur financier principal chez Bouygues Travaux Publics. Après avoir échangé avec une équipe RH de Bouygues Constructions lors d’un salon de l’emploi à Paris en 2023, Diego Fernando Camacho a déposé son CV et est entré en contact avec le groupe via LinkedIn. « Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un courriel m’invitant à discuter brièvement de mon profil et des possibilités qui s’offraient à moi au sein de l’entreprise, précise-t-il. J’ai ensuite reçu une invitation à postuler au poste de “contrôleur financier principal”. Il s’agissait pour moi d’une opportunité de participer à la gestion de projets de construction de grande envergure à l’échelle internationale au sein d’un leader mondialement reconnu dans le secteur de la construction et du génie civil. En plus de mon expérience professionnelle antérieure et de mon MBA de l’Edhec Business School en France, ce poste m’offre également la possibilité de progresser en tant que professionnel, d’accroître mon expérience internationale et d’élargir mon champ d’expertise. Il me permet d’expérimenter de nouvelles façons de travailler et de me challenger avec des projets très complexes et des délais serrés, ce qui est exactement ce que je recherchais pour la prochaine étape de ma carrière. »

De longues démarches administratives

Décrocher un contrat de travail n’est cependant pas, pour un étranger, l’aboutissement du processus de recrutement. Avant de commencer à travailler, il doit en effet s’acquitter de démarches administratives pouvant prendre plusieurs mois. Les salariés ressortissants d’un pays tiers à l’Union européenne, à l’Espace économique européen (EE) ou à la Confédération suisse doivent en effet être en possession d’un titre de séjour s’ils souhaitent exercer une activité salariée en France pour une durée de plus de trois mois, et ce quelle que soit la nature du contrat de travail du salarié étranger ou sa durée (sous réserve de quelques cas particuliers). « Pour travailler légalement en France, il faut en premier lieu faire une demande de visa de travail valable trois mois, explique Jérémy Berthoux, Président de Home Conseil Relocation. Une fois en France, il faut ensuite trouver un logement permanent pour pouvoir faire une demande de titre de séjour. » La France propose plusieurs types de visas de travail en fonction des différents besoins et circonstances professionnels. « Dans mon cas, j’ai une carte de séjour Passeport Talent Salarié hautement qualifié – carte bleue européenne – qui est un permis de séjour pour les ressortissants non européens hautement qualifiés qui souhaitent travailler dans l’Union européenne dans le but de combler les pénuries de compétences dans certains secteurs. », précise Diego Fernando Camacho. Une demande que Jiajun Liu a également dû effectuer. « Lorsque j’étais étudiante, je devais juste renouveler mon titre de séjour chaque année, explique Jiajun Liu. Après la signature de mon CDD, j’ai effectué une demande de changement de statut d’étudiant à salarié et j’ai obtenu un premier titre de séjour salarié avec la mention “Passeport Talent Salarié qualifié”, valable seulement une année. A son expiration, comme je suis désormais en CDI, j’ai pu demander un renouvellement et obtenir un titre de séjour valable quatre ans. » Ce Passeport Talent, désormais appelé Statut Talent, réunit les qualités d’un visa et d’un permis de travail. Il vaut autorisation de travail et permet donc l’exercice d’une activité professionnelle salariée pour une durée de quatre ans renouvelable. Ce précieux sésame n’est en revanche pas accessible à tous. « Sa demande est soumise à condition, note Jean-Pierre Héveline. Par exemple, pour le Statut Talent Salarié hautement qualifié, le demandeur doit notamment justifier d’un niveau d’études supérieures de plus de trois ans ou de cinq ans d’expérience professionnelle de niveau comparable, avoir une proposition pour un contrat de travail de plus d’un an avec une rémunération annuelle brute d’au moins 54 k€. La situation familiale peut également entrer en ligne de compte. » Pour les travailleurs étrangers ne remplissant pas les conditions d’obtention du Statut Talent, l’accès au marché de l’emploi français reste possible grâce aux cartes de séjour temporaires conditionnées à l’obtention préalable d’une demande d’autorisation de travail, sollicitée par l’employeur.

Une affiliation nécessaire à la sécurité sociale

Dès lors qu’ils viennent travailler en France, ces collaborateurs étrangers doivent également réaliser des démarches pour être affiliés à la sécurité sociale ou changer de permis de conduire. Pour les accompagner dans leurs démarches en la matière, qui restent parfois complexes, ils peuvent notamment s’appuyer sur l’entreprise qui les recrute ou des spécialistes en la matière, comme Home Conseil Relocation ou Enyter. « Nous avons pour vocation de les aider à trouver un logement et une école pour leurs enfants mais aussi à réaliser l’ensemble des démarches administratives nécessaires à l’obtention de leur visa de travail, leur titre de séjour, leur affiliation à la sécurité sociale ou leur changement de permis de conduire », ajoute Jérémy Berthoux. Enfin, pour ce qui concerne leur fiscalité, les procédures à mettre en place peuvent également être parfois compliquées. Tout dépend des règles fiscales de leur pays d’origine et du temps travaillé en France. Le recours à un avocat fiscaliste est alors parfois recommandé.

Une taxe pour le recrutement de travailleurs étrangers

En vertu de l’article L. 436-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), tout employeur qui embauche un travailleur étranger ou qui accueille un salarié détaché temporairement par une entreprise non établie en France est redevable d’une taxe lors de la première entrée en France de cet étranger ou lors de sa première admission au séjour en qualité de salarié.

Son montant varie en fonction de la durée de l’embauche et du montant du salaire alloué au travailleur étranger :

– 55 % du salaire (dans la limite de 2,5 SMIC) pour le travailleur permanent (contrat supérieur à 12 mois) ;

– 74 €, 210 € et 300 € pour le travailleur temporaire (contrat d’au moins 3 mois et de moins de 12 mois), selon que son salaire est respectivement inférieur ou égal au SMIC, compris entre le SMIC et 1,5 SMIC ou supérieur à 1,5 SMIC.

Une exonération de cette taxe est prévue dans plusieurs cas, notamment :

– pour les citoyens de l’Union européenne (UE), de l’Espace économique européen (EEE), de Suisse, de Monaco, d’Andorre et de Saint-Marin ainsi que pour les ressortissants de pays tiers titulaires de la carte de séjour « membre de la famille de citoyens UE/EEE/Suisse » ;

– pour les étrangers titulaires d’un titre de séjour « Talent », « Passeport Talent », « Résident », « Vie privée et familiale », « salarié détaché ICT », « étudiant »…) ;

– pour les travailleurs venant exercer une mission de moins de trois mois en France.

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