En dix ans, le groupe SMCP a multiplié son activité par cinq, s’est largement internationalisé et s’est introduit en Bourse ! Pour accompagner ces changements, la direction financière a dû, elle aussi, évoluer. Du refinancement de la dette de l’entreprise à la mise en place d’un ERP Finance, en passant par l’assainissement de sa structure de coûts indirects, les chantiers n’ont pas manqué ces derniers mois.
Créé en 2009 à l’issue du rachat de Claudie Pierlot par Sandro et Maje, le groupe SMCP, spécialiste du «luxe accessible», a vu son activité croître de manière fulgurante ces dix dernières années. Son chiffre d’affaires a été multiplié par cinq sur la période pour atteindre, à fin 2018, 1 milliard d’euros. Entre 2014 et 2018, ses revenus ont même augmenté de 20 % en moyenne chaque année. Quant à sa marge d’Ebitda, elle atteignait, en fin d’année dernière, 16,9 %.
Pour une large part, cette croissance a été portée, dès le commencement de la décennie, par l’expansion internationale du groupe. Implanté historiquement en France, SMCP ouvre en 2011 son premier hub nord-américain à New York, puis ses premiers magasins aux Etats-Unis. Un an plus tard, l’entreprise prend pied à Hong Kong, point de départ de sa conquête asiatique. Rapidement, la Chine continentale devient un marché stratégique pour le groupe : en 2016, il crée à Shanghai une nouvelle filiale opérationnelle animée par un general manager. A fin 2018, SMCP comptait plus de 180 points de ventes dans le pays (sur un total de 1 466 à l’échelle mondiale) et y réalisait près du tiers de son chiffre d’affaires.
Parallèlement, l’entreprise met l’accent sur le développement du e-commerce. Une démarche amorcée en 2011 avec la création des plateformes de vente en ligne de ses différentes griffes, et poursuivie en 2016 avec l’implémentation des versions chinoises de ces sites. A fin 2018, SMCP tirait près de 15 % de ses revenus d’Internet.
Etape cruciale de son développement, le groupe a réalisé en 2017 son introduction sur le compartiment A d’Euronext Paris. Une opération au cours de laquelle son actionnaire majoritaire, le chinois Shandong Ruyi, a cédé 5 % de sa participation pour 414 millions d’euros, et SMCP a levé 127 millions d’euros par le biais d’une augmentation de capital.
Déployer les systèmes finance
Pour accompagner ces évolutions, une direction financière «unifiée», intégrant une direction des opérations composée des fonctions «supply chain» et «IT» (voir encadré), a dû être constituée. «Dès 2010, un certain nombre d’équipes appartenant à chacune des trois marques ont été fusionnées pour former des départements comptabilité, contrôle de gestion et logistique à l’échelle du groupe, indique Philippe Gautier, directeur financier et directeur des opérations de SMCP. Plus tard, sous mon impulsion, les fonctions comptabilité, contrôle de gestion, monitoring des achats indirects et fiscalité, jadis dissociées, ont été regroupées dans un même pôle baptisé “contrôle financier” placé sous l’autorité d’un unique référent.» Dans la foulée de l’IPO de SMCP, un pôle relations investisseurs a été créé, portant à sept le nombre de pôles de la direction financière. «Les sept directeurs de pôles et moi-même nous réunissons tous les 15 jours au sein d’un comité afin d’échanger sur les sujets transverses et de permettre une meilleure conduite de projets», signale Philippe Gautier. Une fois constituée dans sa forme définitive, la direction financière s’est internationalisée en même temps que le groupe : des équipes financières, supervisées par un DAF «régional», ont été recrutées ou envoyées aux Etats-Unis et en Chine pour épauler les opérationnels dans le pilotage de l’activité locale et permettre une bonne remontée des données au siège.
Trois ans après sa création, le pôle contrôle financier du groupe SMCP regroupe une cinquantaine de collaborateurs placés sous la responsabilité de Raphael Asaria, anciennement responsable de la consolidation chez Kering. Ces derniers mois, les équipes en charge du contrôle de gestion ont été chargées, notamment, de superviser l’implémentation d’un système de gestion financière (ERP Finance) conçu par Oracle, en collaboration étroite avec l’IT. «Ce déploiement, commencé aux Etats-Unis, poursuivi en Europe et réalisé actuellement en Chine, permettra à terme une réduction progressive de nos délais de clôture. L’objectif est de pouvoir avancer la publication de nos résultats annuels de mars à février, afin de nous aligner sur les pratiques de la concurrence», indique Philippe Gautier. Simultanément, ces mêmes collaborateurs se sont vu confier la responsabilité de piloter un vaste plan d’optimisation des coûts de la fonction achats indirects (hors achats marchandises). «En moins de dix ans, la taille du groupe a quintuplé. Il devenait opportun de réaliser une revue de notre base de fournisseurs de biens, tels les emballages, comme de services, à l’instar du transport, de la photographie, ou du conseil juridique», détaille le directeur financier. Recruté en amont de l’IPO du groupe, son responsable fiscalité, intégré au pôle contrôle financier, a vu ses missions s’élargir considérablement après la cotation. «Ne serait-ce qu’en matière de production des reportings fiscaux et, plus particulièrement, de la documentation relative aux prix de transfert. Une tâche ardue, car SMCP est implanté dans une quarantaine de pays», souligne Philippe Gautier.
Restructurer la dette
Nombreux, les chantiers du pôle financement et trésorerie, dirigé par Olivier Brou, ont été largement orientés ces derniers mois vers la restructuration de la dette du groupe, amorcée avec son IPO. Une refonte motivée par l’environnement de taux bas, qui s’est traduite par le remboursement de 180 millions de dette obligataire senior et de 110 millions d’euros tirés d’une ancienne facilité de crédit, puis la mise en place d’une nouvelle ligne de crédit confirmée de 465 millions d’euros doublée d’un programme de Neu-CP de 200 millions d’euros. «Cette démarche nous a permis d’abaisser le coût moyen de notre endettement de 5,85 % en 2017 à 2,60 % au deuxième semestre de cette année, soit une diminution de nos frais financiers de 30 à environ 10 millions d’euros, et d’en étendre la maturité globale à 5 ans, précise Philippe Gautier.De plus, en attendant l’émission d’un prochain Euro-PP destiné à refinancer la récente acquisition de De Fursac pour une quarantaine de millions d’euros, SMCP a contracté un bridge loan auprès de ses partenaires bancaires cet été. Autre sujet du moment, la trésorerie du groupe travaille depuis plusieurs mois, en partenariat avec Adyen, au déploiement d’une nouvelle fonctionnalité sur sa solution monétique lui permettant d’accepter les paiements WeChat Pay et Alipay. «Nous avons finalisé ce chantier en Chine et en Europe. Les Etats-Unis suivront dès l’an prochain», précise le directeur financier.
Plus généralement, le pôle financement et trésorerie de l’entreprise assure des missions récurrentes, comme la négociation de garanties bancaires à chaque ouverture de magasins. Il gère également la couverture des risques de change. «La trésorerie échange très régulièrement avec le service achats pour connaître la quantité des matières premières achetées à chaque saison. Un tiers de cet approvisionnement est réalisé en dollars et en renminbis. Les variations des cours de ces devises sont garanties au moyen de contrats à terme (forwards) et d’options. Pour sécuriser les marges réalisées sur ses ventes, le groupe module à la hausse ou à la baisse le prix de ses collections à chaque renouvellement saisonnier», détaille Philippe Gautier. Opportunément, SMCP est confronté à peu de retards de paiement, puisque les encaissements ont lieu à la réalisation des achats.
Prévenir les risques de fraudes
Dirigé par Mathilde Magnan, ancienne responsable du contrôle de gestion de Claudie Pierlot, l’audit a eu fort à faire, ces derniers mois, en matière de prévention des fraudes. «En même temps que son expansion, l’exposition du groupe aux cyberattaques s’est nettement accentuée. En collaboration avec l’IT, l’audit tâche en permanence d’éprouver la solidité de nos systèmes informatiques par le biais de tests d’intrusion ou d’autres procédés de hacking. Il s’emploie également à prévenir toute malversation en matière de paiement. L’une des vocations des comités d’audit mis en place dans la foulée de l’IPO est d’adopter des approches pertinentes relatives à ces sujets sensibles», signale Philippe Gautier. Plus traditionnellement, le pôle veille au respect du bon déroulement des processus internes à l’entreprise, des objectifs fixés par le management et s’assure de la fiabilité des données financières remontées au siège.
Le tout jeune pôle dédié aux relations investisseurs, emmené par Célia d’Everlange, travaille en ce moment à la préparation du premier «investors day» de SMCP, qui se tiendra début 2020 à Paris. «L’événement, auquel seront conviés les actionnaires, les analystes ainsi que de potentiels futurs investisseurs, sera centré sur la présentation de l’évolution de la stratégie du groupe», précise Philippe Gautier. Toute l’année, les relations investisseurs assurent la rédaction de la communication financière de l’entreprise et organisent ses différents roadshows après chacune de ses publications trimestrielles. «L’équipe maintient de surcroît un contact étroit et régulier (au moins une fois par trimestre) avec les autres pôles d’activité et marques du groupe afin d’avoir une vision à 360 degrés de son activité et d’être en mesure de replacer les indicateurs financiers dans un contexte opérationnel plus global», insiste Philippe Gautier.
Stimuler les équipes
Recruté en amont de l’IPO, le directeur juridique et secrétaire général de SMCP, Erwan Le Meur, est rattaché depuis lors à la direction financière. Chargé de veiller au respect des contraintes règlementaire imposées par la cotation (application du droit boursier, mise en conformité des instances décisionnelles, communication autour de l’actionnariat salarié pour les 140 managers du groupe, etc.), il assure, par ailleurs, le suivi de nombreux sujets «retail» et opérationnels. «Erwan accompagne nos équipes en charge du développement réseau lors des négociations de baux ou lorsque des travaux de rénovation doivent être entrepris, signale Philippe Gautier. Troisième de ses champs d’intervention, et non des moindres, la gestion des questions juridiques liées à la propriété intellectuelle et aux contrats signés par l’entreprise occupe une part non négligeable du temps du «general counsel». «Cette activité recouvre la lutte contre la contrefaçon, menace particulièrement prégnante en Chine, la protection des marques ainsi que la revue des contrats IT et de distribution», détaille le responsable financier.
Si le dialogue entre toutes ces entités est facilité par l’existence d’un comité directionnel, la motivation des équipes financières est entretenue, quant à elle, par un programme d’intéressement au capital. «Une quinzaine de managers financiers, dont les sept directeurs de pôles, se sont vu attribuer des actions gratuites et/ou des stock-options», signale Philippe Gautier. Conjointement, un plan de mobilité internationale basé sur le volontariat a été initié l’an dernier avec l’appui des ressources humaines. «Une dizaine de collaborateurs se sont d’ores et déjà vu proposer des offres de mutation aux Etats-Unis ou en Chine», détaille-t-il. Futur premier marché du groupe, l’Asie, et plus particulièrement la Chine continentale, devrait drainer un certain nombre des forces vives financières du groupe dans les prochaines années.
Le parcours de Philippe Gauthier, directeur financier et directeur des opérations, SMCP
Diplômé de HEC Paris, Philippe Gautier débute sa carrière en 1989 comme analyste financier chez HSBC Asset Management, puis chez Exxon Mobil. A partir de 1994, il occupe plusieurs postes chez PSA Peugeot-Citroën, dont celui de responsable des activités de fusions-acquisitions en Allemagne. En 2001, il rejoint Schneider Electric en tant qu’adjoint au directeur du financement et de la trésorerie. En 2003, Philippe Gautier intègre le groupe PPR (devenu Kering) en qualité de directeur corporate finance de Redcats. En 2006, il est promu directeur financier de Puma North America, où il assume en parallèle, à partir de 2012, la fonction de directeur des opérations. Nommé directeur financier de Sergio Rossi en 2014, il prépare la cession de la marque italienne par Kering. En 2015, il est recruté par SMCP au poste de directeur financier et directeur des opérations.
Les partenaires de la direction financière
- Les banques : SMCP a travaillé, ces dernières années, avec un certain nombre de partenaires financiers. Pour préparer et orchestrer son introduction en Bourse, le groupe s’est entouré des coordinateurs globaux J.P. Morgan et Bank of America Merrill Lynch. «Travailler avec ces établissements étrangers était en ligne non seulement avec la dimension mondiale de l’entreprise, mais encore avec notre objectif d’internationaliser le plus possible notre base d’investisseurs», indique Philippe Gautier, directeur financier et directeur des opérations. Pour l’acquisition de De Fursac cette année, SMCP s’est rapproché de BNP Paribas. Rothschild a supervisé ses récentes opérations de refinancement.
- Les commissaires aux comptes : KPMG et Deloitte se partagent le commissariat aux comptes de SMCP. «Un « big four » donne une certaine crédibilité à un projet d’IPO», reconnaît Philippe Gautier. Un cabinet couvre les Etats-Unis, l’autre l’Asie. Les deux se partagent l’Europe.
La logistique, un pôle de 200 collaborateurs
Deuxième pilier de la direction des opérations rattachée depuis 2010 à la direction financière, la logistique ou supply chain de SMCP est placée sous la responsabilité de Marina Dithurbide. Une dizaine de personnes sont chargées de son pilotage, quand près de 200 collaborateurs travaillent dans les entrepôts du groupe. Le pôle supervise actuellement un chantier d’ampleur : l’ouverture, prévue pour avril 2020, d’un nouvel entrepôt de 24 000 m2 à Marly-la-Ville, dédié au stockage et à la distribution de certaines des nouvelles collections Maje et Claudie Pierlot. L’ouverture de ce terminal représente un investissement de 8 millions d’euros pour SMCP.
L’IT, garante de l’unicité des systèmes d’information
Les collaborateurs en charge de la gestion des systèmes d’information constituent l’un des deux pôles de la direction des opérations rattachée à la direction financière. L’IT a en charge, historiquement, le déploiement des systèmes d’information du groupe et leur maintenance. Immédiatement après le rapprochement de Sandro, Maje et Claudie Pierlot en 2010, ces équipes se sont attelées à l’implémentation d’une architecture informatique utilisable par les trois marques : un ERP développé par Cegid, un gestionnaire e-commerce et un logiciel de caisse. «Ultérieurement, d’autres outils ont été déployés par l’IT : une solution de product life cycle management permettant d’optimiser le calendrier de commercialisation de nos produits et un ERP Finance, dont le déploiement en Chine se poursuit actuellement», indique Philippe Gautier, directeur des opérations et directeurs financiers de SMCP.