Alors que l’économie mondiale affiche de belles perspectives de croissance au moins pour les deux années à venir, les entreprises françaises ont tout intérêt à capitaliser sur l’export pour se développer, se moderniser et innover. Pourtant, si un certain nombre s’essaient à l’export par opportunisme,peu mettent véritablement en place une stratégie pérenne en la matière.La persistance de certains risques ou la complexité de la démarche freinent en effet encore de nombreuses ambitions. Pour mieux les aider à lever ces barrières, le gouvernement multiplie les réformes et renforce ses dispositifs d’accompagnement et de financement des stratégies export, venant ainsi compléter les solutions proposées par les prestataires privés tels queles organismes financiers, les sociétés d’informations ou les autres assureurs.
Cette année, de nombreux éléments conjoncturels pourraient favoriser davantage les exportations des entreprises françaises et, en premier lieu, la croissance économique mondiale. Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), après avoir progressé de 3,8 % en 2017, le produit intérieur brut mondial devrait s’élever à 3,9 % cette année et l’an prochain. Pour 2018, les prévisions ont même été relevées pour les Etats-Unis (2,9 %) dopés par leur réforme fiscale, pour les pays de la zone euro (2,4 %), notamment l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, mais aussi pour le Brésil (2,3 %) qui conforte sa sortie de récession. Le FMI note en outre la performance solide du Japon et de la Chine avec des prévisions de croissance respectives de 1,2 % et 6,6 %. Le volume des échanges de biens et services à travers le monde devrait ainsi s’accroître cette année de 5,1 % après 4,9 % l’an passé.
Les routes de l’export en 2018
Dans ce contexte économique favorable, plusieurs pays offrent aux exportateurs français de véritables opportunités. D’après le dernier Baromètre Export Euler Hermes, la demande additionnelle de biens adressée à la France devrait ainsi croître de 21,5 milliards d’euros en 2018. Des opportunités seront à saisir notamment en Europe et plus particulièrement en Allemagne (+4 Md d’euros), en Italie (+2,2 Md d’euros) ou encore en Espagne (+1,7 Md). «Commercer avec des pays membres de la zone euro offre des avantages non négligeables aux entreprises françaises, souligne Stéphane Colliac, économiste senior en charge de la France et de l’Afrique chez Euler Hermes. Exporter au cœur de la zone monétaire permet en effet de se prémunir automatiquement contre le risque de change, la monnaie unique protégeant les exportateurs français commerçant avec des partenaires voisins. Elle leur permet de sécuriser leur marge, de supprimer l’exposition à la volatilité des devises, sans avoir à souscrire une couverture payante de ce risque.» Hors de l’Europe, ce sont essentiellement les Etats-Unis et la Chine qui offriront des débouchés aux exportateurs français. L’Asie représentera une proportion croissante de la demande additionnelle adressée à la France, de l’ordre de + 6 milliards d’euros en 2018.
Les Etats-Unis, pour leur part, avec 1,6 milliard d’euros à saisir en 2018, offrent également de belles perspectives, notamment au regard de la taille et du dynamisme économique de ce pays et en dépit des velléités protectionnistes de Donald Trump. Cette année, la demande mondiale sera notamment portée par les secteurs des machines et équipements, de l’agro-alimentaire et de la chimie.
«En France, la force de notre économie repose plus particulièrement sur la compétitivité de nos entreprises exportatrices dans certains secteurs tels que l’automobile, les laboratoires pharmaceutiques, l’aéronautique, l’aérospatiale, le luxe, les technologies de l’information et de la communication», précise Sarah N’Sondé responsable des analyses sectorielles au sein de la direction de la recherche économique Groupe de Coface. Ce dynamisme des exportations pourrait favoriser une réduction du déficit commercial français qui devrait passer de 63 milliards d’euros l’an passé à 52 milliards d’euros cette année.
Des risques subsistent
L’export continue ainsi d’offrir de belles perspectives de croissance. Néanmoins, se lancer à l’international, et en particulier sur le grand export, nécessite d’anticiper les risques, de comprendre l’environnement des affaires, les pratiques culturelles et de connaître ses partenaires commerciaux. En effet, le FMI pointe du doigt une série de menaces persistantes à plus long terme. «Les économies avancées se heurtent au vieillissement de la population, à la diminution du taux de participation au marché du travail et à une faible croissance de la productivité, relève notamment Maurice Obstfeld, chef économiste du FMI. Les pays exportateurs de matières premières doivent pour leur part diversifier leur économie s’ils veulent accroître leur expansion et leur capacité de résistance en cas de crise. Enfin, les risques géopolitiques ne devraient pas non plus être sous-estimés.» Au-delà de ses impacts sur la croissance mondiale, cette conjoncture favorise par ailleurs la persistance d’un certain nombre de risques pour les entreprises exportatrices. Et, en particulier, le risque d’impayés. La majorité des entreprises le considère comme étant le principal risque auquel elles s’exposent et ce, en particulier sur le grand export. L’allongement des délais de paiement dans le monde est également un indicateur que les exportateurs doivent suivre de près. Selon Euler Hermes, ils étaient de 66 jours en 2017, soit deux jours de plus qu’en 2016, un niveau record depuis dix ans. Une tendance qui était quasiment générale en 2017. Elle a ainsi été constatée dans deux secteurs d’activités sur trois (et en particulier sur les secteurs de l’électronique, les biens d’équipements et la construction) et dans deux pays sur trois (dont la Chine qui enregistre le délai de paiement le plus élevé au monde, soit 92 jours). Cet allongement du DSO moyen à l’échelle mondiale, qui devrait se poursuivre en 2018, s’inscrit dans un contexte macroéconomique et financier plus favorable, qui a permis un regain de confiance des acteurs économiques. Il en résulte une moindre appréhension du risque de non-paiement et un relâchement des bonnes pratiques de paiement entre les entreprises. Pourtant, les retards de règlements sont à l’origine d’un certain nombre de défaillances. L’allongement des délais de paiement dans le monde, notamment des grandes entreprises, devrait donc encore inciter à la vigilance.
De même, il convient de ne pas négliger le risque de change qui, d’ailleurs, ne concerne pas que les monnaies exotiques. Pour preuve, l’évolution rapide du change euro contre dollar US. La résurgence des risques politiques aussi bien dans les pays émergents, en raison d’échéances électorales, que dans les économies avancées (négociation sur le «Brexit», gouvernement eurosceptique en Italie, crise politique en Espagne autour de l’indépendance de la Catalogne, peut-être demain hausse des tensions entre l’Union européenne et la Pologne…) n’est pas à exclure. «Parmi les principaux risques que nous identifions d’un point de vue macroéconomique à ce stade, il y a les risques que font peser les politiques protectionnistes ou encore la sévère dépréciation des devises de certaines grandes économies émergentes, dans un contexte de larges déséquilibres de leurs positions extérieures, comme c’est actuellement le cas pour la Turquie et l’Argentine», précise Sarah N’Sondé.
Les entreprises françaises prêtes à saisir les opportunités
Malgré les risques persistants, les entreprises françaises, conscientes des opportunités offertes par l’export, sont de plus en plus enclines à exporter. «Gage qu’elles s’y intéressent, le nombre d’exportateurs français a, en 2017, déjà augmenté de 10 %, précise Stephen Lord, responsable de l’international chez Ellisphere et président de BIGnet. Une croissance d’ailleurs bien supérieure à celle enregistrée dans d’autres pays.» Cette tendance devrait se poursuivre en 2018 au même titre d’ailleurs que le chiffre d’affaires export des entreprises. Selon Euler Hermes, 84 % des entreprises françaises interrogées entendent augmenter leur chiffre d’affaires à l’export cette année, contre 79 % en 2016. Les intentions fermes progressent également sensiblement : 53 % des répondants déclarent envisager avec certitude un accroissement de leur chiffre d’affaires à l’export cette année, contre 49 % en 2016.
Malgré ces velléités, la fragilité de la France à l’export demeure. Selon Delphine Geny-Stephann, secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Economie et des Finances, «elle résulte du manque de compétitivité sur les coûts qui a longtemps handicapé nos entreprises. Cette fragilité est également due au mauvais positionnement des produits français et enfin, à une base trop réduite d’entreprises exportatrices». Stephen Lord rappelle à ce sujet «qu’à parc d’entreprises équivalent, la France compte 120 000 exportateurs contre 300 000 en Allemagne. Par ailleurs, en France, la part en valeur des PME dans les exportations est de 20 %, contre plus de 40 % en moyenne en Europe…»
Le gouvernement réforme pour mieux accompagner les exportateurs
Face à ce contexte, le gouvernement a clairement affiché sa volonté de transformer le modèle d’accompagnement des PME à l’export, afin que l’international constitue maintenant le débouché naturel de l’économie française. Il entend notamment unir tous les acteurs dans un service public solidaire, intégré et respectant les spécificités de chacun. Dans le cadre de son plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le gouvernement a ainsi mandaté un binôme de parlementaire et chef d’entreprise, le sénateur Richard Yung et Eric Kayser, sur la mission «conquête de l’international». Il a également missionné le directeur général de Business France, Christophe Lecourtier sur l’analyse de l’organisation partenariale de l’accompagnement à l’export. Aux termes des différentes concertations, le gouvernement propose désormais d’avancer dans trois directions : la plus large diffusion d’une culture de l’export et de l’international, par le renforcement de la formation aux langues étrangères et au commerce international ; une réforme de l’accompagnement à l’export par un partenariat approfondi entre l’Etat et les régions en la matière et une plus grande simplification ; une réforme des financements export notamment pour les rendre plus lisibles pour les entreprises françaises et plus compétitifs à l’égard de la concurrence internationale.
Evolution des dispositifs publics
Entre autres initiatives, le gouvernement va créer «un guichet unique» de l’export dans chaque région. Il visera à regrouper autour des opérateurs publics, CCI et Business France, tous les acteurs de l’export – agences régionales de développement, sociétés d’accompagnement et de commerce international, mais aussi acteurs du financement export autour de Bpifrance et des opérateurs privés – dans une logique de mobilisation coordonnée en fonction des besoins des entreprises. De même, Bpi France devient le point d’entrée unique pour les financements exports publics. Il assure désormais la diffusion des garanties publiques à l’export, gérées au nom de l’Etat par sa filiale «Assurance Export». La banque déploie ainsi dans les territoires, via ses 42 implantations dans toute la France au plus près des entreprises, une gamme élargie d’outils simplifiés, en particulier à destination des PME et ETI. Parmi ces différents outils figurent notamment une nouvelle mouture de l’assurance prospection, un nouveau Pass’Export (partenariat de confiance sur mesure négocié entre l’Etat et un exportateur pour une durée de 3 à 5 ans), une nouvelle garantie pour les projets stratégiques à l’international, une garantie pour les filiales étrangères françaises ou encore un outil de soutien financier à l’export pour les sous-traitants d’entreprises exportatrices…
Ces dispositifs publics qui tendent à se renforcer viennent ainsi en complément, et non en substitution, des différentes solutions proposées par les prestataires du privé en matière de sécurisation et de financement des entreprises à l’export.