Après le « greenwashing », place désormais au « régul-washing » ? Moins de quatre ans après l’adoption de son Pacte vert, qui aspire à faire de l’Union européenne le premier continent neutre en carbone d’ici 2050, la Commission a en effet présenté fin février un projet d’assouplissement de certaines règles en place.
Parmi les principales mesures présentées, le relèvement des seuils conditionnant l’obligation de publier un nouveau rapport de durabilité standardisé (directive CSRD) devrait faire passer le nombre des sociétés concernées de près de 50 000 à 7 000 environ à l’échelle communautaire, exonérant ainsi les PME de cette charge. Le nombre de points de données à suivre, qui excédait initialement le millier, sera également substantiellement réduit. « On ne peut que saluer ce souci de pragmatisme de la part des autorités européennes », témoigne Arnaud Faller, de CPR AM, qui appelle toutefois ces dernières à « garder un cap ». Même son de cloche du côté de Sophie Flak, d’Eurazeo. « La CSRD est certes un monstre mais, en introduisant les IRO (mesure des impacts, des risques et des opportunités), elle nous a permis de mettre en place un suivi plus régulier de nos risques. Il est important de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. » Et l’experte en RSE d’insister sur l’importance d’avoir un cadre réglementaire clair et stable. « Il y a de la place pour de la simplification, mais il convient de ne pas déréguler et de conserver des objectifs ambitieux. La stabilité des règles est la force de l’Europe », corrobore Alexandre Gautier, de la Banque de France.
Une approche par les risques
Evolutions réglementaires ou non, les professionnels ne croient pas, quoi qu’il en soit, à un retour en arrière de la part des entreprises et de la communauté financière. « Investis sur le temps long, nous devons prendre en compte dans nos décisions d’investissement le monde physique auquel nous faisons face, témoigne Sophie Flak. En ne le faisant pas, nous prendrions le risque de nous retrouver avec des “actifs échoués”. » Alors que les catastrophes naturelles ne cessent de gagner en fréquence et en intensité, Arnaud Faller en appelle à « revenir à une approche par les risques », ce qui permettrait notamment de jauger la crédibilité des plans de transition mis en œuvre par les sociétés. Un prérequis qui implique néanmoins d’accéder à une multitude de données qu’il convient ensuite de comprendre et d’exploiter. « Le plus souvent, seulement 10 % de celles achetées par nos clients sont utilisées », évalue Edouard Ayello, de Weefin. Pour y remédier, ce dernier invite à « une montée en puissance collective » sur le sujet et à recourir à davantage d’automatisation.