Table ronde

Optimisation des coûts : un levier de développement pour les organisations

Publié le 19 juin 2015 à 16h08    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h45

Anne del Pozo

Agilité, compétitivité ou encore accélération des processus sont parmi les principaux objectifs actuels des entreprises. Pour y parvenir, elles continuent de se pencher sur l’optimisation de leurs coûts. Le succès d’une telle démarche suppose néanmoins d’identifier ses principaux centres de coûts, y compris ceux qui sont subis et cachés, de mettre en œuvre des processus d’optimisation adaptés et d’en mesurer ensuite les bénéfices.

Identifier tous les coûts

Laure Hauseux, directrice générale de GAC Group : Aujourd’hui, tous les dirigeants d’entreprise se penchent sur l’optimisation de leurs coûts. La vraie question sous-jacente consiste plutôt à savoir si tous les coûts ont bien été identifiés, quelle est leur nature et comment agir pour les optimiser. Certains sont particulièrement visibles, tels les frais généraux, et nous avons tous été habitués à travailler dessus. En effet, il est facile d’agir sur ces frais : toute entreprise qui fait un effort en la matière et active quelques leviers d’optimisation peut gagner 20 % d’économie sur ces postes de dépenses. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la baisse de certains coûts peut passer par de nouveaux modes de financements ou des subventions. Ainsi, il existe des financements de charges qui permettent d’arriver à des coûts nets intéressants. Le gouvernement a par exemple mis en place le CICE ainsi que d’autres aides et subventions telles que le crédit d’impôt recherche ou le crédit d’impôt innovation qui permettent de faire baisser les coûts : il est donc aussi possible d’aborder le sujet sous cet angle-là.

Parallèlement, les entreprises subissent d’autres coûts moins visibles tels que les coûts réglementaires, imposés et immuables, sur lesquels elles se penchent beaucoup moins. En France, nous avons en la matière un «mille-feuille» législatif assez complexe : l’entreprise est confrontée à des coûts qui s’additionnent dans ses comptes et qui peuvent être sujets à interprétation en raison de la difficulté d’application des textes. Or, dans chaque entreprise et selon ses spécificités, il s’agit de coûts sur lesquels il est tout à fait possible d’agir.

Vital Saint Marc, associé et responsable de l’activité juridique et fiscale du réseau d’audit, conseil, expertise-comptable RSM : Les coûts cachés sont ceux qui n’apparaissent pas distinctement dans les systèmes d’information comptables, et peuvent peser fortement sur la rentabilité. Pour espérer les réduire, il est nécessaire d’analyser l’efficacité des process de l’entreprise. Or, des process qui ont pu être particulièrement efficaces lors de leur mise en place peuvent s’avérer inadaptés à la situation actuelle, et source de dysfonctionnements et de sous-performance. Les entreprises s’habituent assez facilement aux situations établies et remettent difficilement à l’étude ce qui a donné satisfaction par le passé. Lutter contre les coûts cachés, c’est justement remettre en cause les recettes du passé pour analyser les process actuels.

Benoît Jacheet, directeur administratif et financier spécialisé dans la transformation et le développement des entreprises au sein de Solutions DAF : Pour optimiser ces différents coûts, il est indispensable que l’entreprise mette en place des processus de pilotage. Ainsi, lors d’une mission, j’ai constaté qu’un tiers des achats de l’entreprise se faisait sans passer par un processus de demande d’achats. Les dépenses n’étaient connues que lorsque les factures arrivaient à la comptabilité. Cela posait bien évidemment un enjeu majeur en termes de contrôle des coûts mais également en termes de RH : à deux endroits dans l’entreprise, des collaborateurs avaient monté une sorte de comptabilité parallèle pour suivre de manière informelle les engagements des différents départements ; cette démarche occupait à temps plein trois personnes ! Nous avons donc analysé puis généralisé les processus des demandes d’achat à l’ensemble des départements de l’entreprise. Nous avons ensuite trouvé des nouvelles missions sur lesquelles positionner ces trois personnes. Il s’agit donc là aussi d’un gisement d’optimisation des coûts à exploiter.

Jérôme Bosc, responsable du pôle Strategic Consulting France de CBRE : L’immobilier est aujourd’hui le second ou troisième poste de dépenses pour de nombreuses entreprises. Si nous l’étudions de près aujourd’hui, nous constatons qu’un vrai travail d’optimisation a déjà été engagé par les utilisateurs mais il reste encore beaucoup de choses à faire. Pour un meilleur résultat, ce travail doit se faire autour de l’équation du coût global immobilier. Ce dernier intègre le loyer, les charges privatives et locatives ainsi que la fiscalité. Tous ces éléments sont multipliés par un facteur commun : le nombre de mètres carrés. Pourtant, on a tendance à se focaliser sur le montant du loyer.

Or, le principal levier d’optimisation des coûts immobiliers s’articule autour de la notion d’occupation du mètre carré. Au-delà de la notion de loyer, il est donc indispensable que les entreprises s’interrogent sur l’occupation de leurs locaux professionnels. Par ailleurs, la gestion et l’optimisation des coûts immobiliers passent aussi par les processus. L’un des meilleurs exemples en la matière repose sur la facturation, à savoir les quittances qui sont envoyées par les propriétaires des locaux. Lorsque nous réalisons des audits sur ces charges qui sont facturées à l’entreprise, nous nous apercevons que nous pouvons avoir plus de 5 % d’erreurs sur ces factures. Elles sont souvent liées à des problèmes d’indexation. Chaque année, l’évolution du prix du loyer est en effet soumise à un indice et des erreurs peuvent se produire lorsque l’indexation est réalisée. Les erreurs peuvent également provenir de l’écart entre ce qui est écrit dans le bail et ce qui est réellement facturé.

Prenons l’exemple de la taxe foncière : le locataire est-il réellement redevable de cette taxe au regard du bail qui a été signé ? Trop souvent, le bail est conservé par la fonction immobilière alors que les quittances sont directement envoyées à la direction financière. En mettant en place des process rapprochant le bail de la quittance, l’entreprise peut mesurer d’éventuels écarts ou identifier plus facilement des erreurs de facturation. Nous nous sommes ainsi aperçus que l’entreprise, en s’inscrivant dans cette démarche, pourrait réaliser des économies significatives sur ces dépenses immobilières.

Laure Hauseux : La gestion optimisée du poste immobilier nécessite en effet la mise en place de processus. La problématique des charges demeure cependant une difficulté importante. En effet, les bailleurs manquent souvent de transparence sur ce que contiennent les charges qu’ils facturent. S’il est facile d’obtenir des informations sur le coût du loyer au mètre carré, les travaux à la charge du preneur ou la taxe foncière, il est toujours compliqué de connaître précisément ses charges locatives et ce qu’elles englobent.

Jérôme Bosc : Il est important de recomposer ces charges, d’établir des benchmarks et d’identifier là où il y a des postes qui sont en décrochage avec ce qui pourrait normalement être pris en charge par l’entreprise. D’ailleurs, il est à ce sujet intéressant de mettre le poste des charges en perspective du loyer. Autant à Paris, le poids du loyer vis-à-vis des charges est très important, autant en province, cet écart peut être bien moindre. Le loyer, qui se traite facilement aujourd’hui, notamment en mettant en place des outils pour en monitorer l’indexation, ne devrait donc pas être le principal point de vigilance des entreprises.

Marc Simon, directeur immobilier de Dassault Systèmes : Avant de s’engager dans une stratégie d’optimisation des coûts, il faut comprendre comment va évoluer l’activité de l’entreprise dans les années à venir et comment elle veut accompagner ses clients. Sur la base de ces objectifs stratégiques, nous pouvons alors mettre des coûts en perspective. Dans le cas d’une entreprise comme Dassault Systèmes, dont l’activité est fortement évolutive, il faut pouvoir se remettre en cause et s’adapter en conséquence. Notre objectif consiste à bien connaître notre portefeuille existant, à analyser nos perspectives de développement et à partir de ça, à définir notre stratégie sur plusieurs années et les coûts qui y sont afférents. Sur l’aspect charge immobilière, nous constatons en effet un écart entre le montant des charges et le montant des loyers en fonction des villes et des pays où se trouvent nos sites. Dans le cadre de la gestion du poste immobilier, nous avons donc mis en place des indicateurs qui nous permettent de suivre l’intégralité de ces coûts et de les mettre en perspective : les mètres carrés utilisés, le coût par utilisateur, etc.

Vital Saint Marc : Il est certain que dans l’immobilier, en particulier l’immobilier parisien, le mètre carré utile est une notion centrale. Le réflexe de l’entreprise est d’appréhender l’immobilier à partir de son coût total. Il est pourtant préférable de s’intéresser avant tout à l’efficience de l’immeuble, à savoir la réduction des espaces perdus et sa capacité à améliorer les conditions de travail, et à son adéquation à l’organisation attendue de l’entreprise. Un immeuble mal adapté aux besoins de l’entreprise est source de coûts cachés ou mal identifiés : perte de temps de travail, absentéisme, coût d’aménagement…

Jérôme Bosc : Néanmoins, une entreprise peut, dans le cadre de sa stratégie immobilière, choisir d’être au cœur de Paris car la situation géographique est importante pour son activité. Elle accepte alors d’en payer le prix. Il faut pondérer ces choix.

Vital Saint Marc : Il s’agit d’une question relative au processus de décision. Toutes les lignes d’investissement de l’entreprise s’inscrivent dans ce type d’analyse. L’informatique, par exemple, relève de la même démarche. Recruter du personnel pour gérer le parc informatique ou recourir à l’infogérance relève d’un processus de décision qui doit servir la stratégie de l’entreprise pour limiter les coûts cachés. Chaque ligne d’investissement se traduit par l’engagement de charges, récurrentes ou non, susceptibles de comporter des coûts cachés. C’est vrai pour l’immobilier, avec le manque de transparence sur les charges, c’est vrai également pour l’informatique, avec la sous-capacité des systèmes de sauvegarde, le risque de perte des données ou l’obsolescence des matériels. Mais c’est aussi une réalité sur la masse salariale qui peut cacher des coûts liés à l’absentéisme, au manque de formation, aux risques de contentieux. Les risques fiscaux et la gestion de la trésorerie ne sont pas non plus exempts de coûts cachés. Une réglementation compliquée, des risques d’obsolescence rapide et un manque de contrôle sont source de coûts.

Le rôle des experts

Laure Hauseux : Les coûts imprévisibles sont tous ceux qui ne sont pas associés à un indicateur financier, il s’agit de la compétitivité hors coûts. Ce sont les coûts liés par exemple au confort, à la qualité de vie au travail. Un salarié heureux fait gagner des points d’efficacité à l’entreprise. A l’inverse, un salarié absent lui coûte de l’argent. Il faut donc trouver le bon équilibre entre l’investissement nécessaire à l’amélioration de la qualité de vie dans son entreprise et les coûts que pourrait générer un fort taux d’absentéisme. Il s’agit de coûts qu’il est difficile de cerner mais qui sont importants à prendre en compte. Dans les autres coûts non visibles, nous avons également ceux liés aux charges réglementaires. L’optimisation de ces coûts nécessite une expertise certaine et pointue.

Il est d’ailleurs intéressant de se demander pourquoi les entreprises, qui ont l’habitude de mettre en concurrence leurs fournisseurs classiques, ne challengeraient pas également l’Etat ? Il ne s’agit pas de négocier avec l’Etat, mais de revenir à des niveaux de coût justes. Par exemple un accident de travail qui, après analyse, se révèle ne pas en être un, n’a pas à impacter les cotisations que paie l’entreprise. Même chose pour les maladies professionnelles. Cela s’anticipe et nous retombons d’ailleurs à nouveau sur des problématiques de process : si l’entreprise n’a pas mis en place les bonnes pratiques pour éviter les accidents du travail ou simplement les traiter de façon administrative et technique, elle risque par exemple de se retrouver hors délais pour faire appel d’une décision prise. L’entreprise sera alors pénalisée sur les années qui viennent.

Pour éviter de payer des charges qui n’ont pas lieu d’être, il est donc indispensable qu’elle se penche sur ces coûts et mette en place les bons process. Il faut par ailleurs une expertise conséquente pour les maîtriser et, bien entendu, aller vite pour éviter de payer ce qui n’aurait pas à l’être.

Benoît Jacheet : Il s’agit de sujets extrêmement pointus. Pour gérer correctement les coûts connus et anticiper autant que possible les évolutions qui se profilent au gré des changements gouvernementaux, les entreprises ont besoin de spécialistes. Les grandes entreprises internalisent ces compétences, mais les PME et les ETI vont plutôt faire appel à des cabinets externes spécialisés ; les collaborateurs financiers pourront ainsi se focaliser sur leur objectif quotidien de support pour aider à développer le business de manière rentable.

Jérôme Bosc : Dans l’immobilier, pour mieux gérer les coûts occultés il est en premier lieu important de regarder ce que couvre le bail. Ce dernier porte énormément d’engagements qui sont juridiques mais qui peuvent avoir des traductions financières qui vont au-delà du bail et des charges. Prenons l’exemple de ce qui a trait à la remise en état : il s’agit de clauses peu ou pas regardées par les dirigeants et qui ne seront dons pas forcément bien négociées. En fin de bail, les frais de remise en état seront alors d’autant plus importants qu’ils auront été mal anticipés et appréhendés par les entreprises.

Benoît Jacheet : La précision est très importante dans les contrats de bail. C’est un exemple typique du rôle essentiel d’un spécialiste pour accompagner les entreprises dans une prise de bail. Il y a quelques années, en faisant changer un adjectif dans le paragraphe concernant la remise en état à la fin du bail, j’ai permis par anticipation à l’entreprise d’économiser des centaines de milliers d’euros !

Jérôme Bosc : Le coût de la flexibilité est un autre enjeu juridique important porté dans le bail. L’immobilier est quelque chose de très engageant pour l’entreprise même si en France nous sommes assez bien protégés avec le système de baux en 3/6/9. Néanmoins, lorsque nous regardons le besoin de flexibilité des entreprises aujourd’hui, il est important de trouver un moyen et des mécanismes au travers du juridique pour leur apporter cette souplesse qui se traduira par des économies.

Marc Simon : Dans nos métiers, il est impératif d’anticiper. Ce n’est pas à la date de fin de bail que l’entreprise doit se poser la question de rester, de partir ou de renégocier, mais bien avant. Dans un bail 3/6/9, il est ainsi possible de se poser la question un an après avoir signé ! Au titre de l’optimisation des coûts immobiliers, il est également important de ne pas céder à la facilité de la simple renégociation d’un bail. Dans le cadre de cette démarche, l’entreprise doit étudier les possibilités qui s’offrent à elles en fonction de sa stratégie business, de la façon dont elle va évoluer et de ce qu’elle souhaite faire sur ce site.

Vital Saint Marc : Dans le choix de nouveaux locaux, l’aide d’un prestataire spécialisé dans l’immobilier d’entreprise peut être précieuse, en particulier pour l’analyse de l’efficience des locaux.

Envisager une optimisation des coûts de manière transversale

Jérôme Bosc : Il existe d’autres coûts indirects liés à l’immobilier. En premier lieu la notion de localisation. Certes, certains choix de localisation de sites se font en vertu du prix du loyer. Mais il ne faut pas occulter les temps de transport des collaborateurs et les incidences que cela peut avoir sur leur bien-être au travail, leur stress, leur motivation, etc. De même, s’installer sur des zones géographiques sensibles peut générer des coûts en termes de sécurité des collaborateurs. Ces coûts peuvent notamment porter sur le recrutement de personnel chargé de surveiller le site ou encore de raccompagner les collaborateurs vers les transports en commun. Ensuite, il faut également prendre en compte les coûts induits par la mobilité. Aujourd’hui, nous passons moins de 60 % de temps effectif assis derrière un bureau. Il faut donc regarder autrement l’immobilier pour trouver de nouveaux leviers d’optimisation de coûts.

Laure Hauseux : Il faut également se pencher sur la problématique fiscale. En fonction des locaux choisis et des travaux effectués, le montant de la taxe foncière peut évoluer. La législation est faite de telle façon qu’il est très fréquent que les entreprises paient trop de taxe foncière. Par exemple en cas de restructuration immobilière, elle risque de façon quasi certaine de surpayer en raison de la complexité des différentes lois et des exceptions proposées par le législateur. Les experts de GAC aident les entreprises à éviter ces surcoûts.

Vital Saint Marc : L’immobilier est un bon exemple de coûts transverses. Le coût du loyer est complété par des coûts plus difficiles à appréhender comme ceux relatifs au droit des contrats, en particulier sur les conditions de sortie du bail, et à la qualité de vie sur le lieu de travail, qualité de vie qui constitue une des principales attentes des jeunes collaborateurs, au contraire des autres générations qui étaient davantage focalisées sur la rémunération : qualité des bureaux, espaces collaboratifs, cafétéria, salles de sport, etc., sont aujourd’hui des éléments à prendre en considération pour limiter l’insatisfaction au travail et les coûts cachés qui y sont liés.

Optimiser les coûts pour gagner en performance

Benoît Jacheet : La problématique de l’immobilier est très corrélée à l’âge moyen des collaborateurs de l’entreprise. Dans une entreprise où l’âge moyen est de 25 ans, les attentes sont très différentes d’une entreprise où cet âge moyen se situe à plus 40 ans. Un collaborateur de 25 ans est plus attentif aux espaces communs et se satisfera d’un espace personnel réduit. A l’inverse, un collaborateur de 45 ans accordera moins d’importance aux espaces communs et préférera un bureau individuel fermé et plus confortable.

Jérôme Bosc : Tout l’enjeu consiste à faire cohabiter ces différentes générations.

Marc Simon : L’immobilier est un vecteur important d’attractivité des talents. Que ce soit un candidat ou un client, la première image qu’ils ont du site doit leur donner envie d’en savoir plus sur l’entreprise. Par ailleurs, il ressort des différentes études menées auprès des candidats à l’embauche que leur première préoccupation porte sur leur responsabilité et leur autonomie, suivie de la qualité de travail et l’environnement, et seulement après le salaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous voyons actuellement de nombreuses entreprises, notamment spécialisées dans les nouvelles technologies, qui s’installent en plein cœur de Paris.

Jérôme Bosc : Chaque année, CBRE réalise un baromètre au niveau européen auprès de près de 200 grands utilisateurs. Il y a cinq ans, la question d’attirer et de retenir les talents faisait certes partie des enjeux des directions immobilières mais se plaçait au sixième rang de leurs principales préoccupations. Aujourd’hui, il s’agit de leur deuxième enjeu juste après la maîtrise des coûts.

Marc Simon : Dans les années qui viennent, cela devrait d’ailleurs être un des indicateurs de performance de la direction immobilière.

Laure Hauseux : Pour s’inscrire dans une démarche long terme d’optimisation des coûts, il ne faut pas se focaliser uniquement sur la notion de coût en tant que tel. La performance de l’entreprise est liée à l’équilibre qu’elle arrive à trouver entre ses investissements et ses dépenses. Nous avons insisté sur la problématique des process et de l’organisation. L’analyse de l’organisation doit aussi permettre de s’assurer que l’entreprise a les meilleures pratiques de la profession, qu’il n’existe pas de doublons dans l’entreprise. En raisonnant uniquement optimisation des coûts, l’entreprise n’est pas dans le bon modèle. La notion de coût fait certes partie d’une stratégie mais il est nécessaire de raisonner en net et d’intégrer aussi les aides et subventions. Il faut également raisonner compétitivité hors coût et enfin, se pencher sur les retours obtenus en termes d’optimisation.

Ensuite, il y a une problématique qui se pose en termes de durabilité des actions menées. Certes les opérations «coup-de-poing» qui permettent de générer des économies immédiates, de baisser les charges, d’améliorer le résultat, etc., sont appréciées des directions financières. Le cost killing est salvateur à un moment donné car il peut apporter de l’oxygène à l’entreprise et résoudre une situation. Néanmoins, il faut également réfléchir à ce qui a mené l’entreprise dans une situation donnée de manière à ce qu’elle ne se réitère pas. Il est donc important de raisonner sur du moyen terme et d’inscrire ces actions dans la durée. La formation ou sensibilisation des intervenants internes est primordiale.

Mettre en place les plans d’action

Marc Simon : Le point de départ d’une démarche d’optimisation des coûts repose sur la stratégie de l’entreprise. L’optimisation des coûts représente la conséquence positive. La clé de ces projets repose sur la cohérence des coûts versus la stratégie de l’entreprise.

Laure Hauseux : Il faut que l’entreprise sache d’abord où elle veut aller, et comment elle veut y aller pour ensuite mettre en place les plans d’actions adaptés. C’est le rôle et la vocation d’un cabinet de conseil tel que le nôtre que d’accompagner les entreprises dans cette démarche et de le faire dans la durée.

Marc Simon : Ce qui est important dans notre démarche, c’est également de bien maîtriser notre existant et de donner une visibilité à la direction financière, un chemin, une feuille de route pour les prochaines années. En apportant cette visibilité, nous pouvons réaliser un meilleur travail, trouver de meilleurs consensus et obtenir une meilleure optimisation des coûts.

Benoît Jacheet : Passée l’étape de la stratégie, l’un des points fondamentaux dans la mise en place d’une démarche d’optimisation des coûts nécessite aussi de former et d’informer les collaborateurs sur le sujet. En effet, les économies passent aussi par toute une série de petites décisions qui peuvent être prises par chacun des collaborateurs de l’entreprise de manière autonome. Ces formations sont l’occasion d’expliquer aux collaborateurs, et en particulier aux cadres, l’ensemble des enjeux d’une entreprise et la nécessité d’optimiser le cash pour pérenniser et développer une activité. Pour résumer, il faut apprendre aux collaborateurs à gérer le cash de l’entreprise comme si c’était le leur.

Laure Hauseux : Nous parlons de coûts et de frais généraux mais il faut également aborder la problématique de l’investissement, notamment en matière de stock, et ses répercussions. Il faut être didactique auprès des collaborateurs et par exemple expliquer dans quelle mesure une bonne gestion des stocks peut impacter le cash de l’entreprise.

Mesurer l’efficacité des plans d’action

Vital Saint Marc : La stratégie de l’entreprise, dans le cadre contraint de ses dépenses, est une question qui tient davantage de l’investissement, c’est-à-dire de l’allocation de moyens pour assurer son développement, que de la mesure de ses consommations de coûts. Définir l’investissement utile à la stratégie n’empêche pas de vérifier régulièrement si l’allocation des coûts est conforme aux attentes de l’entreprise. Dans la négative, l’entreprise devra identifier les facteurs d’augmentation des coûts, comme l’absentéisme, les retards dans les délais de livraison ou les encaissements tardifs de créances clients. Ensuite, elle fixera les objectifs qui permettront de limiter ces dysfonctionnements, comme combattre l’absentéisme ou réduire les délais d’encaissement. Enfin, elle définira les différentes actions à mettre en œuvre pour réduire les coûts cachés – motivation, réaménagement des locaux, modification de la procédure de relance clients, etc. – et les indicateurs permettant de mesurer l’efficacité des mesures prises (heures de travail effectif/heures d’emploi, délai moyen d’encaissement des créances par activité, etc.).

Marc Simon : Il faut cependant mener des arbitrages sur les actions prioritaires à mettre en place. Les entreprises doivent être en capacité de se remettre en question par rapport au développement de leur activité. L’arbitrage doit être formalisé et accepté par tous les collaborateurs de l’entreprise. Cette notion d’acceptation est importante.

Jérôme Bosc : Pour mener cet arbitrage, l’entreprise a besoin d’indicateurs afin de mesurer la performance de ce qui a été mis en place. Malheureusement, il y a des postes pour lesquels ce n’est pas possible. Or, l’environnement de travail est, en la matière, un bon exemple. Lorsque nous parlons des aménagements, nous savons que cela peut consommer des capex significatifs pour faire un environnement de travail performant. Or aujourd’hui, nous n’avons pas d’indicateur pour mesurer l’impact réel sur la productivité. La fonction immobilière ne dispose pas encore d’indicateurs qui lui permettraient d’aller voir son DAF et de lui démontrer le retour sur investissement pour l’entreprise… Voici un exemple d’enjeu commun entre ces deux directions.

Marc Simon : Chez Dassault Systèmes, nous mettons en place des indicateurs du point de vue gestion des espaces utilisateurs globaux. Nous prenons également en compte le sentiment d’appartenance des collaborateurs à un environnement de travail. Il est important d’accepter d’avoir un regard émanant aussi bien de la direction que des collaborateurs pour faire évoluer un espace de travail. Aussi, nous disposons d’indicateurs et de benchmarks pour tous les sites. Se benchmarker permet d’ailleurs d’identifier certains problèmes.

Vital Saint Marc : C’est une réalité. Mais surtout une réalité de grande entreprise pour identifier des indices de dysfonctionnements liés aux conditions de travail. Le résultat de ces enquêtes et les incidences que les éventuelles actions correctives auraient sur la rentabilité dépendent de la pertinence des questions posées. L’impact de ces études sur l’amélioration, in fine, de la rentabilité de l’entreprise est difficile à appréhender.

Laure Hauseux : De plus en plus d’entreprises font des enquêtes qualitatives de satisfaction auprès des salariés. Nous avons donc de plus en plus d’indicateurs mais nous ne pouvons en fait mesurer cette rentabilité qu’à partir de benchmarks.

Jérôme Bosc : Pour illustrer votre propos, la direction immobilière de Microsoft est évaluée à travers l’enquête annuelle de satisfaction des collaborateurs. Cette dernière prend en compte différents éléments sur, par exemple, la qualité de vie au travail et non uniquement sur l’adresse d’un immeuble.

Vital Saint Marc : A la condition cependant que le salarié sache mettre les mots sur ses mauvaises sensations et les moyens de les améliorer.

Jérôme Bosc : La manière dont est construit le questionnaire est importante pour comprendre et identifier les problèmes autour de l’environnement de travail.

Marc Simon : Ces questionnaires sont un moyen parmi d’autres de comprendre le ressenti des collaborateurs. Il en existe d’autres tels que les services supports sur les sites, qui permettent aussi d’identifier et de faire remonter des problèmes, source d’une éventuelle insatisfaction des collaborateurs. Un autre moyen consiste à récolter, auprès des collaborateurs en partance, les raisons de leur départ. A charge ensuite pour l’entreprise de récupérer ces informations et de les analyser.

Laure Hauseux : Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de direction immobilière mais aussi de direction générale.

Marc Simon : Par exemple, chez Dassault Systèmes, la direction immobilière est au sein d’une direction qui englobe notamment aussi l’IT et les ressources humaines.

Jérôme Bosc : Il existe en effet un lien très étroit entre l’immobilier et les autres directions et plus particulièrement les RH et la finance. L’immobilier est une des fonctions les plus transverses. Les entreprises dont l’objet immobilier fonctionne bien sont des entreprises où il existe un dialogue permanent entre ces différentes directions.

Vital Saint Marc : Toutes ces enquêtes internes et régulières sont des solutions adaptées pour des entreprises de taille respectable. Les PME, même parfaitement conscientes de ces enjeux, n’ont que rarement les possibilités d’y recourir, par manque de ressources internes et de moyens financiers. Pour ces sociétés, l’appréciation de la qualité de vie au travail se fondera sur des moyens plus subjectifs.

Benoît Jacheet : Tous ces enjeux génèrent aussi des coûts. Le financier veut toujours trouver le meilleur équilibre mais s’interroge aussi sur l’environnement et son coût. Certes, il est très important et évident que les collaborateurs se sentent bien au sein de leur organisation. Cela ne passe d’ailleurs pas uniquement par de la mesure de satisfaction mais aussi par du management de proximité. Mais s’occuper de la qualité de vie des collaborateurs peut, pour l’entreprise, générer des coûts.

Laure Hauseux : Cela étant, il n’est pas forcément nécessaire d’investir beaucoup sur la qualité de vie des collaborateurs. En revanche, ce qui pose problème c’est de trouver comment mesurer le retour sur investissement des actions d’optimisation des coûts mises en œuvre. Il existe tout de même des façons d’apprécier le surcoût que représente un collaborateur insatisfait. Cela peut certes être lié à l’immobilier mais aussi au management, à la communication, etc. Cela, nous avons néanmoins du mal à le chiffrer pour l’intégrer dans un compte de résultat, même si les études et les benchmarks donnent actuellement quelques tendances en la matière. Il s’agit néanmoins d’un point fondamental.

Par exemple, le départ d’un collaborateur et les recrutements ont un coût que les entreprises ne prennent pas suffisamment en compte. De même pour l’absentéisme ou le présentéisme. Les entreprises subissent trop les coûts qui y sont afférents. Elles ne les calculent pas suffisamment alors qu’elles pourraient le faire. Les entreprises se plaignent beaucoup des nouvelles réglementations, des nouveaux reportings qu’elles doivent réaliser surtout lorsqu’elles sont cotées. Une entreprise qui est RSE devra à un moment prouver qu’elle prend soin de ses collaborateurs. Il s’agit à nouveau pour une entreprise d’une opportunité de se faire connaître ou d’attirer les talents. Mais c’est également un risque pour elle de ne pas respecter les réglementations en vigueur. Il faudra donc être en mesure de chiffrer ces différents éléments.

Vital Saint Marc : Si l’analyse d’états financiers de sociétés comparables, ou concurrentes, peut conduire à l’identification de foyers de perte de rentabilité, elle ne suffit pas à déterminer leur cause. Un ratio coût salarial sur chiffre d’affaires trop élevé ne donne pas d’indication sur l’absentéisme, le présentéisme des salariés, leur perte de motivation, ni sur les prix de vente. Pour trouver la cause d’un dysfonctionnement, l’entreprise devra engager des études spécifiques, qui seront d’autant plus aisées à mettre en œuvre qu’elle sera suffisamment structurée pour les mener à bien.

Laure Hauseux : Elle doit être en capacité de trouver le prestataire qui pourra l’aider dans cette démarche.

Vital Saint Marc : Résoudre un problème suppose d’engager de nouveaux coûts. Or, toutes les entreprises ne sont pas prêtes à engager de tels investissements. Il s’agit une fois encore d’une question de stratégie et cela reste très difficile à mettre en place pour les PME.

Marc Simon : Pour mesurer le retour sur investissement d’un projet, nous mettons en place des outils de validation de ces projets qui prennent en compte aussi bien l’aspect environnement de travail avec la rentabilité des sites et l’aspect business case (aspects opex et capex). Nous avons alors une visibilité immédiate sur ce que nous voulons. Ensuite, nous vérifions que ce que nous avons correspond bien à ce que nous voulions. Nous pouvons d’ailleurs aussi choisir d’avoir un mauvais benchmark mais il s’agit alors d’une décision d’entreprise.

Jérôme Bosc : Dans le cadre de ces «business cases», il y a des éléments autour de la partie immobilière qui seront croisés notamment au «business rationale». Il s’agit de s’assurer que la solution immobilière réponde bien aux besoins des métiers.

Marc Simon : Souvent, la direction immobilière vient en support du business. Mais il faut être capable de challenger son client et de comprendre comment son business évolue pour essayer de l’aider à développer son activité.

Benoît Jacheet : Finalement, l’optimisation des coûts va souvent nécessiter de renégocier régulièrement ses coûts. En la matière, il est important de prêter une attention particulière à la sécurisation juridique de ses contrats. Il faut se garder des marges de manœuvre afin de pouvoir les renégocier régulièrement, ne pas s’engager sur des durées trop longues, s’assurer que les fournisseurs ne représentent pas une part trop importante de son activité, etc. Changer pour optimiser ses coûts peut être onéreux si l’entreprise n’a pas bien sécurisé ses contrats.

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