Bien que les entreprises aient globalement fait preuve de résilience et de résistance depuis la Covid-19, les trésoreries commencent à souffrir de la succession de crises que nous traversons depuis 2020. En effet, outre le contexte macroéconomique et financier actuel, les entreprises doivent aujourd’hui aussi composer avec la résurgence des risques clients, fournisseurs, géopolitiques ou encore les risques de fraude… Parallèlement, l’accès aux crédits bancaires tend à se complexifier, en particulier pour les TPE et PME en raison notamment de la hausse des taux d’intérêt, mais également de leur niveau d’endettement financier. Une tendance qui fait d’ailleurs ressurgir un risque d’illiquidité qui avait bien diminué pendant la crise de la Covid-19 grâce aux aides de l’Etat. Dans ce contexte, préserver sa trésorerie devient une priorité absolue pour les entreprises tandis que l’optimiser reste un objectif atteignable.
- Un environnement de risques exacerbé
- La France n’échappe pas à la conjoncture incertaine
- Le risque de fraude peut-il aussi impacter les trésoreries ?
- Régis Roche, directeur des risques, Allianz Trade en France
- Quels outils et processus mettre en place pour faire face à ces enjeux ?
- Quelle technologie pour automatiser les flux ?
- Dans cette période incertaine, faut-il oublier la trésorerie sur le long terme ?
- Jean-Baptiste Auzou, directeur de la BU Finance, Cegid
- Comment optimiser le cash qui dort en trésorerie ?
- La réforme de la facturation électronique est-elle une opportunité pour optimiser sa trésorerie ?
A gauche : Jean-Baptiste Auzou, directeur de la BU Finance, Cegid et Régis Roche, directeur des risques, Allianz Trade en France
Un environnement de risques exacerbé
Régis Roche, directeur des risques chez l’assureur crédit Allianz Trade en France : Pour bien comprendre les fragilités actuelles des trésoreries d’entreprise, il convient de faire un petit retour en arrière. Sur les trois dernières années, nous sommes sortis de la Covid-19 avec une trésorerie relativement abondante, notamment grâce aux prêts garantis par l’Etat (PGE). Les PGE représentent ainsi près de 140 milliards d’euros de prêts qui ont été accordés en grande majorité en 2020, puis en 2021. Donc les entreprises sont sorties de la pandémie avec d’importantes réserves de trésorerie.
Parallèlement, le PIB mondial a crû de + 6,1 % en 2021, puis de + 3 % en 2022. Nous estimons qu’il ralentira cette année, avec une croissance attendue à + 2,7 %, avant un nouveau ralentissement en 2024 (+ 2,4 %). Les dynamiques régionales sont hétérogènes. Les Etats-Unis devraient finir l’année à + 2,2 % puis passer à + 1,1 % en 2024, année électorale qui crée beaucoup d’attentisme de la part des agents économiques. D’ailleurs, 75 % du PIB mondial connaîtra une élection l’année prochaine, ce qui pourrait renforcer cette incertitude. Nous avons d’autre part une croissance dans la zone euro assez faible, à + 0,6 % cette année, tirée vers le bas par l’Allemagne qui devrait connaître une récession (– 0,3 %). L’année prochaine, la croissance en zone euro ne devrait être que de + 0,7 %, ce qui est assez lent. En France, nous prévoyons + 0,9 % de croissance du PIB cette année avec un bon premier semestre et un second semestre assez léger, et nous attendons + 0,7 % l’année prochaine. Enfin, l’Asie-Pacifique reste un moteur de croissance. En Asie, la croissance sera de + 4,4 % cette année et devrait être à + 4,1 % l’année prochaine. La Chine devrait connaître un ralentissement, avec une croissance qui passera de + 5,3 % en 2023 à + 4,7 % en 2024, de même que l’Inde, dont la croissance devrait passer de + 6,5 % à + 6,1 %. Ces chiffres illustrent un recul du commerce mondial en volume (– 0,6 % en 2023), que confirment d’ailleurs les indicateurs liés au fret maritime. Au plus haut de la crise de la chaîne logistique et de la reprise d’activité économique, les prix de containers étaient 20 fois plus élevés qu’actuellement… Aujourd’hui le deuxième affréteur maritime mondial a annoncé une réduction d’effectif de près de 10 %.
Concernant plus directement la trésorerie des entreprises, l’accès au crédit pour les entreprises s’est durci. En tant qu’assureur crédit, nous regardons également le mur de remboursement de la dette qui se profile un peu plus à l’horizon. Ces dettes contractées ont en effet permis de passer un choc en 2020, mais il convient désormais de les rembourser pour ne pas faire défaut.
Nous constatons que le montant de paiement d’intérêts nets revient dans une proportion beaucoup plus élevée par rapport à l’EBE des entreprises, l’excédent brut d’exploitation, donc les marges bénéficiaires des entreprises. Nous constatons dans à peu près tous les grands pays qu’il y a un effet stock. Nous observons également que le crédit aux entreprises non financières ralentit rapidement. Chez Allianz Trade, nous regardons le pourcentage de la dette à refinancer au cours des 12 prochains mois, si elle se rembourse, comment ce remboursement se négocie avec des nouvelles conditions financières, etc. Par exemple sur l’Europe, dans la filière automobile, 45 % de la dette va être à refinancer dans les 12 prochains mois, dans les biens de consommation retail c’est 35 %, les produits de la maison 30 %, le transport 25 %, l’énergie 20 %. Les problématiques de liquidité commencent donc à revenir sur le devant de la scène. Parallèlement, il convient également de regarder les sujets de l’inflation et des taux d’intérêt. L’inflation va baisser : celle des biens commence à refluer, et nous attendons une régularisation de la diminution de l’inflation sur les services en 2024. Concernant les taux d’intérêt, nous aurons une baisse timide à partir de l’été prochain 2024. Il y aura peut-être encore une ou deux hausses maximums, peut-être une en Europe, une ou deux aux Etats-Unis et à la mi-2024.
La France n’échappe pas à la conjoncture incertaine
Régis Roche : En France, nous avons eu une bonne résilience au premier semestre. Grâce à un rebond notamment de la production d’électricité puis de l’industrie, les entreprises françaises ont réaccumulé du stock. Pour autant, nous avons un ralentissement sur le deuxième semestre, période pendant laquelle la croissance sera peut-être très faible. La demande de prêts chute, ce qui veut dire moins d’investissements à venir et ce ne sera pas compensé par la consommation puisque les agents économiques subissent toujours les effets de l’inflation. D’ailleurs, les intentions d’épargne sont toujours assez élevées.
Dans ce contexte, des difficultés de trésorerie commencent à arriver et le risque d’impayés ressurgit. Chez Allianz Trade, nous observons que le nombre d’impayés est revenu à son niveau de 2019. En France, nous sommes revenus à des niveaux de 2010, donc la situation s’est normalisée. Nous venons ainsi en France d’enregistrer 23 mois consécutifs de hausse des défaillances (certes, nous étions arrivés à un niveau anormalement bas à 25 000 défaillances). Sur les neuf premiers mois de 2023, nous étions à 5 % au-dessus de 2019 et nous estimons que nous atteindrons les 57 000 défaillances en 2023, soit 11 % de plus que le niveau prépandémie. Parmi les secteurs les plus touchés se trouvent la construction, l’hôtellerie/hébergement/restauration et le commerce de détail. A fin septembre, les défaillances d’entreprises en France représentent 24 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un passif fournisseurs de 4,6 milliards d’euros. Les défaillances affectent directement la trésorerie des fournisseurs : une entreprise sur quatre fait en effet défaut à cause d’un impayé d’un client. D’où la nécessité de suivre de près les délais de paiement de ses clients. Nous revenons donc à une normalisation des défaillances et sur des tensions de trésorerie qui sont bien plus vives.
Les délais de paiement repartent également légèrement à la hausse. Bien que la hausse soit pour le moment contenue, elle peut malgré tout peser sur le BFR des entreprises. L’Union européenne travaille d’ailleurs sur un projet de loi pour réduire les délais de paiement à 30 jours partout en Europe. Certes, il va falloir mettre tout le monde d’accord et il y aura le délai d’application d’un an dans chaque pays. C’est néanmoins une réflexion en cours.
Jean-Baptiste Auzou, directeur de la BU Finance chez l’éditeur de solutions de gestion Cegid : Nous constatons en effet que nos clients sont relativement préoccupés par l’inflation. Présente quotidiennement et personnellement, elle crée forcément un climat de tension. L’inflation est d’ailleurs identifiée pour les grands groupes, comme le premier risque à anticiper dans la liste des priorités 2024 des directions administratives et financières. Nous animons un cercle des DAF dans lequel ce sujet est systématiquement abordé. En effet, l’inflation actuelle pèse sur les marges des entreprises. Elles doivent notamment faire face à l’augmentation du coût des matières premières qui se poursuit. Elles sont également confrontées à un marché de l’énergie variant et erratique. La tension géopolitique crée aussi de l’incertitude, peut peser sur les chaînes de valeur des entreprises et vient s’ajouter à cette pression. D’autre part, les DAF s’interrogent sur la façon dont ils peuvent maîtriser l’augmentation des salaires, pour éviter de continuer à rentrer dans une spirale inflationniste très forte. Enfin, la hausse des taux d’intérêt pèse également sur les marges. Ces différents éléments engendrent une baisse des marges d’exploitation conduisant à une baisse de l’Ebitda alors que les charges financières augmentent. La performance financière des entreprises se trouve alors, de fait, fragilisée. Certes, certaines entreprises ont des stocks antérieurs de dettes négociées à des taux tout à fait intéressants. Cependant, même si nous constatons une diminution des nouveaux prêts, tous ces éléments contextuels auront un impact financier sur les entreprises.
Autre impact non négligeable, le ratio de levier et de couverture des frais financiers va mettre en contrainte les covenants bancaires et donc fragiliser la structure financière des entreprises pouvant conduire à des relations plus tendues avec ses partenaires financiers. La mise en place d’un pilotage opérationnel très fin de la trésorerie intramensuelle couplée à une visibilité moyen terme, devient alors un incontournable pour maintenir sa compétitivité.
Le risque de fraude peut-il aussi impacter les trésoreries ?
Jean-Baptiste Auzou : Les entreprises doivent également renforcer leur vigilance face aux risques de fraudes aux paiements, de fraude au président… On l’a bien vu, la Covid-19 et le travail à distance ont accéléré l’imagination des fraudeurs et leur force de frappe. Face à ce contexte, il convient de développer des outils qui permettent de contrôler et sécuriser les paiements et l’ensemble des flux financiers pour déjouer les fraudeurs et protéger ses liquidités.
Régis Roche, directeur des risques, Allianz Trade en France
« Les informations de solvabilité de leurs clients et fournisseurs permettent aux entreprises de bien gérer leurs encours clients, de bien orienter leur prospection commerciale, et donc de bien piloter leur trésorerie. »
Régis Roche est directeur de l’arbitrage chez Allianz Trade en France. Diplômé de l’Université Paris-Nanterre, Régis Roche débute sa carrière professionnelle chez Yamaha Motor en tant qu’analyste crédit. Il rejoint ensuite Allianz Trade, entreprise dans laquelle il occupera d’abord des fonctions opérationnelles et managériales au sein des départements arbitrage et information. Il part ensuite en Asie en 2014, toujours chez Allianz Trade, pour enchaîner différentes fonctions, dont celle de directeur des risques Asie du Sud-Est pendant quatre ans, et celle de directeur Asie-Pacific pour la division specialty risk (structured finance and political risk) pendant trois ans. Fort de 20 ans d’expérience dans des fonctions crédit, il devient fin 2021, directeur de l’arbitrage d’Allianz Trade en France où il gère plus de 200 milliards d’engagements.
Quels outils et processus mettre en place pour faire face à ces enjeux ?
Jean-Baptiste Auzou : Avec Cegid Treasury, nous traitons les trois horizons de la trésorerie : le court terme, le moyen terme et le business plan à plus long terme. Dans une même solution, nous regroupons plusieurs modules qui couvrent ainsi tous les besoins de la trésorerie.
Sur le court terme, notre outil de TMS (treasury management system) cash management permet de gérer la trésorerie au quotidien de l’entreprise au jour le jour, avec une visualisation des mouvements de trésorerie, la fiche en valeur et l’équilibrage de trésorerie. Toute la partie du cash management opérationnel que font les trésoriers le matin peut être digitalisée et nos clients peuvent très vite passer à l’analyse et aux arbitrages de gestion. D’autre part, face aux enjeux des défauts de paiement ou de l’allongement des délais de paiement, être capable de traquer les paiements, de les suivre au quotidien et d’avoir une visibilité cash sur les encaissements et les décaissements prévus, est primordial pour anticiper les opérations et réagir s’il le faut.
Notre solution de prévisions de trésorerie sur le moyen terme, cash forecasting (cash in/cash out) avec une vision à 13 semaines, par exemple, séduit beaucoup d’entreprises grâce au principe vertueux du rolling forecast qui améliore la prévision d’une campagne de prévision à l’autre : elles affinent très vite leur vision cash et la fiabilité des chiffres. Quand une entreprise a des entités délocalisées, décentralisées, avec du multipays ou du multi-environnement, des entités purement opérationnelles à distance, cette plateforme collaborative et simple implique bien plus les équipes et participe à la diffusion de la culture cash. Vous visualisez la position de trésorerie quasi en temps réel sur 13 semaines, avec une connexion permanente aux systèmes d’information des entreprises. Il s’agit d’une méthode qui vient des Anglo-Saxons mais qui n’est pas tant diffusée que ça, notamment au sein des PME et des ETI.
Nous avons également un outil de prévisions de trésorerie, de dettes et de bilans, donc sur du plus long terme : Financial Planning. Comme son nom l’indique, c’est de la planification financière. Cette solution est capable de réconcilier la méthode directe et la méthode indirecte en intégrant à la fois les données comptables et les données du contrôle de gestion. Les prévisions peuvent être actualisées à la demande pour que les chiffres restent fiables et crédibles. L’autre grand intérêt de la solution est la simulation de plusieurs scénarios pour anticiper le meilleur comme le pire. Nous itérons et faisons des hypothèses pour calculer où l’on atterrit par rapport aux objectifs initialement posés. Une démarche qui est quasiment irréalisable avec Excel, du fait des mises à jour de données trop difficiles. D’où l’intérêt de le faire avec des outils de modélisation de cash.
Concernant la fraude, notre solution permet, par exemple, d’envoyer des alertes en cas de virement suspicieux (montant anormal, changement de RIB fournisseur détecté, fréquence non prévue) et de déjouer les tentatives de fraude. Pour ce qui est de la conformité des paiements, elle est par ailleurs connectée aux listes de sanctions françaises, européennes ou internationales qui identifient des individus, des entités ou des pays soumis à des restrictions financières, l’enjeu étant d’être toujours sur des listes à jour.
Régis Roche : Au-delà des outils de gestion, il faut aussi mettre en place des process. La gestion de la trésorerie à moyen terme intègre celle du poste client. Le poids des créances clients dans le bilan peut être parfois négligé, mais en fait, il est assez lourd. En moyenne, c’est à peu près 40 % en France. Alors bien sûr, pour un négociant, il peut s’élever à 80 %, et être par ailleurs beaucoup moins important en fonction d’autres secteurs. Pour bien gérer sa trésorerie et son poste client, il convient d’abord de se pencher sur les conditions générales de vente. Bien que ce soit assez simple, nous constatons que cette étape est parfois négligée. C’est notamment le cas lorsque l’entreprise travaille à l’export. Les contrats et les conditions générales de vente sont particuliers et il convient d’être vigilant sur le sujet.
D’autre part, l’évaluation de la solvabilité des clients et des prospects, si elle peut paraître simple, ne doit jamais être négligée, sous aucun prétexte. Il faut l’intégrer à part entière dans la politique de crédit management : avant d’accorder un délai de paiement, il faut s’assurer de la bonne santé financière de l’entreprise concernée. Il faut définir une politique de crédit management qui intègre des critères d’évaluation et un scoring des clients et des prospects et qui soit comprise par tout le monde dans l’entreprise, des limites de crédit avec des autorités bien distinctes. Il faut également définir qui peut prendre le crédit dès qu’un certain montant est dépassé, connaître les historiques de paiement des clients et traiter l’information négative. Ce point est d’ailleurs peut-être le plus important dans une politique de crédit management. En effet, il peut arriver qu’un client historique voie sa qualité de crédit et sa solvabilité se détériorer. Il faut alors pouvoir détecter ces signaux. A ce titre, le traitement de l’information négative peut être la pierre angulaire d’une politique de crédit du management qui est adaptée et qui peut préserver le cash de l’entreprise. Il est également important de facturer rapidement et de bien rédiger les termes de paiement, surtout pour les opérations à l’export. En France et dans plusieurs pays d’Europe, les conditions de paiement sont régulées, mais ce n’est pas le cas dans tous les pays. En Afrique ou en Asie, c’est un peu plus complexe et il est donc indispensable d’avoir des termes de paiement assez clairs et bien négociés. La relance proactive à l’approche de l’échéance est aussi un élément clé de la gestion du poste client bien géré. Enfin, en cas de retard de paiement, il faut mettre en place des processus de recouvrement de créances échelonnés et qui montent en force. En effet, un retard de paiement peut coûter à l’entreprise. Il s’agit de cash qui peut manquer à l’entreprise pour répondre à ses propres échéances de paiement par exemple.
Parallèlement aux outils de gestion de la trésorerie, il existe également des solutions comme l’assurance-crédit pour gérer le poste client. Un contrat d’assurance-crédit, accompagne l’entreprise dans la prévention du risque client. Il lui permet d’avoir de l’information sur ses clients mais aussi des limites de crédit, de monitorer ces limites de crédit justement pour avoir le traitement de l’information négative ou positive. Par exemple, chez Allianz Trade, nous suivons en continu la situation financière de plus de 83 millions d’entreprises dans le monde entier. Nos analystes sont sur le terrain tous les jours pour obtenir les données et informations les plus fraîches et complètes possibles afin d’aider nos assurés à prendre les meilleures décisions commerciales et de crédit. Avec un contrat d’assurance-crédit, l’entreprise peut aussi bénéficier d’un service de recouvrement de créances, que ce soit en amiable ou en judiciaire. En effet, généralement, dans les contrats standards d’assurance-crédit, l’entreprise doit déclarer un impayé dans les 90 jours après échéance pour préserver ses droits à l’indemnisation. Pour autant, il est possible d’intervenir plus tôt dans le processus, dès lors que l’entreprise le demande à l’assureur crédit. Il s’agit d’une prestation qu’Allianz Trade propose. Elle peut en effet nous déléguer complètement ce processus. Enfin, si l’entreprise n’est pas payée, l’assureur crédit l’indemnise. Pour les DAF et trésoriers d’entreprise, ces différentes prestations permettent de garantir la tenue des budgets à venir. En effet, un impayé est souvent lié à un imprévu et peut remettre en cause un budget. L’assurance-crédit est donc un outil qui permet de gérer et piloter sa trésorerie sur le moyen terme. De même, pour améliorer sa trésorerie, l’entreprise peut également céder ses créances à un factor. Un contrat d’assurance-crédit avec une délégation de paiement à un factor permet par exemple d’augmenter son cash en trésorerie.
Quelle technologie pour automatiser les flux ?
Régis Roche : Dès lors qu’une entreprise travaille avec un assureur crédit ou une société de recouvrement, et qu’elle dispose d’un outil de gestion de trésorerie, il est important, pour automatiser et optimiser les flux, de créer des connexions entre les différents outils et prestataires. C’est le rôle des API, et nous avons développé de nombreux outils en ce sens chez Allianz Trade. Nous offrons ainsi à nos assurés les moyens de piloter leur trésorerie avec simplicité, réactivité et fluidité.
Jean-Baptiste Auzou : Quand tout à l’heure j’évoquais la notion de vision moyen terme, de cash in/cash out, nous sommes exactement dans ce type de flux. Nous parlons d’API, de web services, d’échanges de fichiers. Mais globalement, techniquement et technologiquement, il existe différentes possibilités de connexion pour collecter ces informations là où elles se trouvent ! La donnée doit être actualisée en temps réel pour réagir en cas de risque de non-liquidité ou arbitrer sur des placements dans le cas contraire. Par exemple, un outil de trésorerie permet de piloter la gestion de ses contrats d’affacturage, via des API ou des web services. Ce qui est important, c’est de pouvoir connecter les systèmes entre eux, d’avoir une visualisation depuis un endroit donné. ça peut être depuis un outil de trésorerie, mais aussi depuis l’ERP… Nous militerons toujours pour avoir une visibilité du cash à court/moyen terme, pour avoir cette possibilité d’action, cette tranquillité, cette sérénité.
Régis Roche : Nous avons des clients qui gèrent des milliers de comptes clients, et qui sont donc contraints d’automatiser leurs process. Nous avons chez Allianz Trade des DAF ou credit managers qui font 80 ouvertures de compte par jour. Donc forcément, nous avons des API qui assurent cette interface entre l’assureur crédit et le système de gestion de trésorerie ou le système de gestion de finance de l’entreprise et permettent ainsi d’automatiser en instantané des processus et des réponses. Par exemple, dès lors que l’entreprise entre un numéro de Siren ou de TVA de n’importe quel pays, l’assureur crédit l’identifie automatiquement et répond à la demande de crédit et à la limite de crédit octroyée immédiatement (en 48 heures pour les demandes à l’export). Autre exemple, ces connexions permettent aussi de tenir compte des spécificités liées à certains secteurs d’activité comme la saisonnalité des entreprises du jouet. Ces automatisations répondent également aux enjeux d’optimisation des ressources internes des entreprises.
Dans cette période incertaine, faut-il oublier la trésorerie sur le long terme ?
Jean-Baptiste Auzou : Je le disais tout à l’heure il est également très important de gérer sa trésorerie sur le long terme, avec une modélisation du cash, pour avoir une vision budgétaire globale. Certains ont pu dire que le budget ne servait plus à rien puisqu’on ne pouvait plus se projeter ! Evidemment, avoir un budget monolithique le 10 janvier ou le 15 janvier, puis le garder toute l’année, sans le mettre à jour, aujourd’hui, ce n’est plus valable, ça n’existe plus ! Mais la vision budgétaire, ou même le business plan, c’est la stratégie long terme de l’entreprise, et il faut contrôler que nous sommes bien dans la tendance et les objectifs fixés. C’est notamment évident pour les entreprises qui réalisent des investissements pluriannuels, comme par exemple celles qui ouvrent des magasins. Entre la construction, son lancement, son opération, on a besoin d’avoir une vue globale qui dépasse les 13 semaines, qui dépasse l’année. Il faut nécessairement une vision long terme. Quels seront les concours bancaires dont l’entreprise aura besoin, comment ce projet va impacter ses coûts de financements ? De quels types d’emprunts aura-t-elle besoin ? De quels instruments de taux de couverture aura-t-elle besoin ? Et à l’étranger, si le taux de change varie ? Comment sera-t-elle capable de les suivre ? Et ça, quand on est capable de modéliser son cash, donc d’avoir des règles qui permettent de définir quelles seront les entrées/sorties, quels sont les placements et les financements nécessaires, de surveiller les écarts réels versus prévisionnels, alors on est dans un processus structurant pour toute l’entreprise.
Tous ces éléments permettent d’avoir une vision très complète de la trésorerie globale d’une entreprise et ils sont évidemment complémentaires. Chez Cegid, nous sommes convaincus de l’intérêt d’avoir des outils de gestion de trésorerie court et moyen terme, mais également des outils de projection long terme. Je le disais, nous avons une suite qui permet de gérer de façon intégrée et cohérente ces trois horizons de temps, même s’ils peuvent être aussi totalement séparés.
Jean-Baptiste Auzou, directeur de la BU Finance, Cegid
« Les entreprises qui gèrent bien leur trésorerie et qui en ont une prévision à moyen et long termes sont celles qui saisissent le mieux les opportunités de croissance et de prises de marché qui se présentent. »
Jean-Baptiste Auzou est directeur de la business unit finance de Cegid depuis 2021. Il a débuté sa carrière en tant qu’ingénieur d’affaires chez CCMX de 1993 à 1998. En 1998, il rejoint ACA au poste de responsable commercial, avant de devenir directeur commercial, puis directeur commercial associé et enfin, directeur général en 2014, place qu’il occupe jusqu’en 2021 et jusqu’au rachat d’ACA par Cegid. Il prend alors la direction de la BU finance de Cegid, avec pour objectif d’apporter une réponse globale et complète aux directions financières pour la gestion de leurs flux financiers. Jean-Baptiste Auzou est diplômé d’un master en commerce de l’ESLSCA, obtenu en 1992.
Comment optimiser le cash qui dort en trésorerie ?
Régis Roche : Nous surveillons près de 83 millions d’entreprises dans le monde, dont 4 millions en France. Nous analysons la solvabilité de ces entreprises, avec des facteurs qui permettent d’évaluer leur santé financière non seulement à l’instant T, mais également avec une vision dynamique projetée à horizon 12 mois. C’est cette information qui donne l’opportunité à nos assurés de bien gérer leurs encours clients, de bien orienter leur prospection commerciale, et donc de bien piloter leur trésorerie. Une trésorerie bien gérée, ça donne de la stabilité financière à l’entreprise. ça lui permet de faire face aux échéances, mais aussi et surtout aux imprévus. Les imprévus n’arrivent pas qu’aux autres. Parfois, un imprévu peut être une opportunité, par exemple d’investissements ou d’acquisitions, de Capex, de placements, etc. Nous avons évoqué le sujet des trésoreries actives. Le niveau actuel des taux d’intérêt offre de belles opportunités de placements financiers intéressants qui peuvent ainsi permettre de compenser ou de réduire les frais fixes. Une trésorerie bien gérée renforce la crédibilité de l’entreprise auprès de son écosystème financier, des banques, des interlocuteurs financiers, des assureurs crédit, des agences de notation, etc. Par ailleurs, avoir du cash en trésorerie a un impact immédiat sur le besoin en fonds de roulement de l’entreprise, car il suit la croissance de l’entreprise. Cela permet également de supporter le coût de développement, notamment lorsqu’on parle de l’international. Mais les imprévus sont également souvent des contraintes et peuvent relever de l’émergence de nouveaux risques. Par exemple, en ce moment, nous observons une résurgence des risques politiques avec des blocs qui commencent à se constituer, des pays qui commencent à faire défaut, des coups d’Etat, des devises qui ne sortent plus… Dans ce dernier cas, il peut arriver que le client d’une entreprise soit capable de payer mais que la devise ne puisse ensuite sortir du pays. Des cas que nous avons notamment observés dernièrement en Egypte, en Argentine, en Turquie. Une trésorerie bien gérée permet donc aussi de faire face à ce type d’imprévus. Il s’agit d’ailleurs aussi d’un risque qui peut être couvert par une assurance-crédit.
Jean-Baptiste Auzou : Dans les périodes un peu difficiles que nous traversons actuellement, il y a des opportunités de rebonds, de croissance externe, de prises de parts de marché. Nous constatons que les entreprises qui gèrent bien leur trésorerie et qui en ont une prévision à moyen et long termes sont celles qui se positionnent sur ces opportunités de croissance et sur ces rebonds. Nous savons bien aujourd’hui que prendre des parts de marché à certains endroits, ça coûte moins cher actuellement que dans des situations de très forte croissance. Et donc nous avons des entreprises qui utilisent très bien leur cash pour faire ça, en croissance externe ou en développement, en développement organique.
La réforme de la facturation électronique est-elle une opportunité pour optimiser sa trésorerie ?
Jean-Baptiste Auzou : Evidemment, la facturation électronique a également un impact sur la trésorerie, notamment parce qu’elle devrait permettre une accélération des délais de paiement. Mais au-delà de l’éventuel impact de la réforme de la facturation électronique sur la trésorerie des entreprises, il est important de rappeler l’urgence de sa mise en œuvre. Bien que les échéances soient décalées à 2026-2027, il s’agit néanmoins d’une véritable lame de fond qu’il convient d’anticiper. D’autant que tous les éditeurs et de nombreuses entreprises sont déjà prêts. Chez Cegid, 75 % des clients avaient déjà engagé leurs projets et étaient prêts. Il est important de ne pas casser la dynamique et de poursuivre les projets engagés sur le sujet afin que toutes les entreprises soient prêtes dans les délais. Celles qui avaient des projets doivent les terminer. Celles qui n’en avaient pas doivent s’y mettre : 2026-2027 c’est déjà demain à l’échelle des systèmes d’information !