Dans les familles les plus fortunées, l’argent devient un problème quand il empêche les jeunes générations de créer à leur tour de la valeur. Pour éviter cela, la philanthropie présente de nombreux avantages. Outre les outils classiques, le groupe Meeschaert développe aussi une nouvelle forme de philanthropie à travers des fonds de partage.
Voilà un argument que l’on n’attendait pas. Quand on demande à Charles Bienaimé, directeur général du multi-family office de Meeschaert, pourquoi ses équipes s’intéressent à la philanthropie, il répond que dans les familles très fortunées l’argent peut… devenir mauvais maître, et que pour se garder d’un tel risque, la philanthropie est tout indiquée ! «Dans les familles très fortunées, quand l’argent coule à flots, cela peut facilement asservir et annihiler la capacité de création de valeur chez les jeunes générations. Pourquoi feraient-elles des efforts ? Face à cela, la philanthropie peut être de grand secours et donner du sens, pour les chefs de famille qui continuent d’accroître la taille de leur patrimoine. Une partie de leurs gains, au lieu d’être distribuée aux descendants, peut venir utilement alimenter un ou plusieurs projets philanthropiques», fait-il valoir.
C’est d’ailleurs ce qu’a coutume de dire le milliardaire américain Warren Buffett : «Une personne très riche doit laisser suffisamment à ses enfants pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent, mais pas assez pour qu’ils ne fassent rien.»De la fortune de leur père, les trois enfants de Warren Buffett ne toucheront d’ailleurs qu’une partie, le milliardaire s’étant engagé d’en faire don à plus de 80 % à des œuvres caritatives.«De fait, la philanthropie n’est pas un outil pour aider les autres, mais bel et bien un moyen de s’aider soi-même et d’éviter que sa famille ne tombe dans l’asservissement», dit encore Charles Bienaimé.
La philanthropie a également cette autre vertu de permettre de rassembler toute une famille autour d’un projet commun, d’éduquer les jeunes générations à la générosité et de leur permettre d’entrer dans le monde des affaires par la petite porte en les accueillant par exemple aux conseils d’administration des fondations familiales. C’est aussi un bon élément de cohésion pour les familles.
Un rôle de vigie pour le family Office
Le multi-family office de Meeschaert qui s’occupe de gérer la fortune d’un certain nombre de grandes familles est au cœur de leur stratégie patrimoniale et joue le rôle de vigie en matière de philanthropie. «Nous sommes bien placés pour savoir quand il peut être opportun de déclencher un projet philanthropique. Nous jouons dans un premier temps un rôle d’alerte», explique Charles Bienaimé.
C’est généralement le cas quand il y a des opérations sur le capital de l’entreprise familiale et donc chaque fois qu’un ou plusieurs actionnaires sont susceptibles de recevoir beaucoup d’argent, suite à une réduction de capital, une grosse distribution de dividendes, une cession totale ou partielle, un LBO, etc. «C’est d’autant plus simple pour nous que nous sommes totalement désintéressés, nous vendons notre conseil, mais nous ne gérons pas la dotation financière apportée à la fondation créée par exemple. D’ailleurs, nous ne présumons jamais de rien, mais nous essayons de construire des solutions adaptées aux besoins de chaque famille. La création d’un véhicule philanthropique n’est pas systématique et il nous arrive souvent de conseiller plutôt de faire un gros versement à une institution extérieure existante», selon le directeur général du family office.
Une fois l’étude patrimoniale liée au projet philanthropique faite, le family office transmet le dossier à des spécialistes qui vont le finaliser (notaires, conseils en philanthropie, etc.).«Surtout, nous permettons à tous ceux qui se posent des questions de rencontrer d’autres familles ou associations de familles qui ont déjà sauté le pas et avec lesquelles ils pourront partager et échanger», selon Charles Bienaimé.
Le développement des fonds de partage
Le groupe Meeschaert, via sa société de gestion, développe aussi d’autres outils philanthropiques comme les fonds dits de partage. Le principe est simple : pour un fonds commun de placement (FCP) donné, la société de gestion décide d’abandonner une partie de ses frais annuels de gestion à une œuvre caritative. Les épargnants peuvent (ou non) faire de même et céder une partie de leurs gains à la même œuvre. Le premier fonds, le FCP Proclero, lancé en 2012, est destiné à financer la vocation des jeunes prêtes de la communauté Saint-Martin (une année de formation coûte pour chacun 16 000 euros). Le fonds recueille environ 2 millions d’euros par mois, et l’encours géré dépasse désormais les 50 millions d’euros, ce qui permet à Meeschaert Asset Management de distribuer 270 000 euros par an à la communauté des prêtres. Un second FCP de partage a été lancé fin avril 2016.
Sous l’impulsion de Fondacio et de l’Œuvre d’Orient, des entrepreneurs investissent une partie de leur trésorerie dans le fonds, en font la publicité auprès de leurs réseaux et ils peuvent (ou non) céder une partie de leurs gains à L’Œuvre d’Orient qui les affecte à la cause défendue, à savoir aux entrepreneurs syriens et irakiens pour faciliter la reconstruction de leurs pays. Dans tous les cas, Meeschaert Asset Management reverse entre 40 % et 50 % des frais de gestion à la cause.«Les fonds de partage ont un bel avenir devant eux, parce que les grandes fondations et autres œuvres de bienfaisance ont développé de tels outils marketing qu’ils ont complètement saturé le marché, et entraîné un rejet fort de la part des donateurs. Avec les fonds de partage, nous revisitons la philanthropie», conclut Charles Bienaimé.
Questions à Charles Bienaimé, directeur général, Meeschaert Family Office
Spécialiste en droit et fiscalité du mécénat et des fondations, Stéphane Couchoux dirige l’équipe chargée de ces problématiques chez Fidal. Il accompagne les entreprises, les dirigeants et les grands patrimoines dans leur stratégie de mécénat et de déploiement de fondations ou de fonds de dotation, de même que les organismes sans but lucratif sur les plans juridique, fiscal et stratégies de financement privé.
Comment accompagnez-vous vos clients, quand ils ont des projets philanthropiques ?
Nous disposons d’une équipe d’avocats dédiés et d’un processus désormais bien huilé. Nous proposons aux entrepreneurs porteurs de projets deux ateliers participatifs. Le premier, qui dure une demi-journée, est purement technique. Il réunit le client et sa famille, ses conseils habituels (sa banque privée le plus souvent), ainsi que nos avocats spécialistes. L’idée est de bâtir l’architecture de la future fondation et de lister toutes les stratégies patrimoniales, liées à cette opération, qu’il faudra mettre en œuvre.
Un second atelier est ensuite organisé pour aider notre client à déployer sa stratégie philanthropique de manière concrète. Un conseiller spécialisé de mon équipe l’accompagne pour y voir plus clair. Nous le conseillons pour identifier sa cause, préciser les programmes d’action et sélectionner les projets à financer. Ici, il n’est plus vraiment question de stratégie patrimoniale ou de fiscalité, mais bien de stratégie philanthropique et de la manière d’être le plus efficace.
Et une fois qu’il a créé son véhicule philanthropique ?
C’est ce qui fait la richesse de notre approche. Nous offrons un accompagnement et un suivi global, pas seulement juridique et fiscal. Nous proposons, au moins pour la première année de vie de la fondation créée, d’accompagner son déploiement opérationnel. Surtout, nous l’aidons à construire sa gouvernance au sein de son véhicule philanthropique, à repérer les personnes qualifiées qui vont pouvoir siéger au conseil d’administration de sa fondation ou encore à recruter du personnel quand c’est nécessaire.
Nous assistons aussi le fondateur dans la mise en place d’une procédure de sélection et suivi des projets qu’il va financer. Désormais les «phil-entrepreneurs» veulent gérer leur philanthropie comme leur entreprise. Nous nous assurons donc que l’argent versé est bien utilisé, nous mettons en place les outils pour mesurer l’impact de leur action philanthropique, etc. Enfin, nous veillons à transmettre cette expertise aux collaborateurs permanents de la fondation, pour qu’ils puissent voler rapidement de leurs propres ailes.