L’agriculture est confrontée à des enjeux environnementaux, économiques et sociétaux : décarbonation pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 - l’agriculture est le deuxième émetteur de GES en France mais elle fournit aussi des puits de carbone-, souveraineté alimentaire, etc.
« Quand on pense à l’agriculture durable en 2050, il faut imaginer de produire plus et mieux, avec moins de ressources ou des ressources différentes », résume Tom Espiard-Cignaco, CEO & Managing Director de Capagro.
Pour Romain Faroux, directeur des opérations de La Ferme Digitale, « ce qu’il faut regarder pour aller vers plus de durabilité dans l’agriculture, ce sont les équilibres : dans l’outil de production, financiers, sociétaux. Il faut être prudent, se donner du temps et regarder, lorsqu’on touche à l’un des équilibres, comment cela impacte les autres et comment on peut compenser. Dans le monde agricole, innover et se questionner n’est pas si simple. Il y a une conduite du changement à mener, des agendas d’investissement, des compétences qu’il faut amener aux acteurs de terrain et des moyens ». Eric Marty, associé chez Demeter, considère de son côté qu’il y a deux enjeux de durabilité qui sont sur le même plan. Celui de la durabilité environnementale (questions de la décarbonation, de l’eau) et celui de la durabilité économique, beaucoup de solutions permettant à l’agriculteur d’être rentable (diversification des sources de revenus avec l’énergie notamment).
L’innovation est au cœur de cette transition, les solutions disponibles étant multiples, par exemple en matière de substitution des produits phytosanitaires (qui existent mais sont encore coûteuses, d’où un enjeu d’industrialisation) ou dans le domaine de l’agriculture de précision (qui permet d’évoluer vers une agriculture personnalisée).
Les intervenants s’accordent sur le fait que tous les acteurs de la chaîne de valeur (agriculteurs, donneurs d’ordre ou transformateurs, distributeurs, consommateurs) ainsi que les pouvoirs publics doivent prendre leur part pour soutenir la transition vers une agriculture plus durable. « L’industrie alimentaire a cette responsabilité d’aider l’agriculture à changer grâce à une juste rémunération du travail des agriculteurs, confirme Karima Kaci, directrice générale de Pact’Alim. Elle doit les accompagner dans les bonnes pratiques et dans l’investissement à travers des partenariats durables, ce qui leur donne de la visibilité et sécurise la filière ».
La question du financement reste en effet centrale. Tom Espiard-Cignaco met d’ailleurs en garde contre le déficit d’investissement dans l’agrifoodtech en France. « Pour garder la compétitivité de la filière et être au même niveau qu’aux Etats-Unis, il faudrait investir 1,2 milliard d’euros par an, contre 420 millions investis en 2024 ! ». Un déficit d’investissement d’autant plus regrettable que, comme le rappelle Eric Marty, « investir dans l’agriculture amène un triple dividende : en termes de souveraineté alimentaire ; en termes d’impact environnemental ; et en termes territoriaux et locaux ».