S’adapter au changement climatique et réduire son empreinte carbone : tels sont les défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’agriculture. D’où la nécessité de faire évoluer les pratiques agricoles. Comment le modèle de l’agriculture régénératrice – une des alternatives pour y parvenir – peut-il être accompagné et soutenu ?
La répartition de la valeur au sein de la chaîne est un enjeu crucial. « C’est la concertation entre consommateurs et producteurs, en gardant comme point de départ et comme boussole la rémunération de ces derniers, qui est notre moyen pour faire évoluer les pratiques et les valoriser en magasin, explique Elsa Canot, directrice générale de C’est qui le patron ?!, une marque de consommateurs engagée dans une démarche éthique. Ainsi, quand nous avons créé notre brique de lait en 2016, nous avons décidé de payer 8 centimes de plus par brique pour une juste rémunération des agriculteurs, 2 centimes supplémentaires pour que les vaches aillent au pâturage quatre mois par an, et encore 5 centimes pour une nourriture sans OGM et ainsi de suite. »
L’accompagnement financier est donc primordial, sous des formes variées : juste rémunération tenant compte des coûts de production ; financements participatifs ou par des partenaires industriels ; soutien à des projets collectifs, etc. « Aujourd’hui, en agriculture régénératrice, le secteur financier finance la tech. Collectivement, on ne sait pas bien financer la transition agricole et cela va demander des démarches innovantes et des approches différentes pour accompagner les agriculteurs dans cette prise de risque », constate Emmanuel Simon, directeur de gestion au sein de l’équipe d’investissement direct Swen Impact Fund for Transition chez Swen Capital Partners.
Parmi les autres pistes évoquées pour favoriser le développement de nouvelles pratiques agricoles plus vertueuses : mettre en place un accompagnement humain et social pour amener les agriculteurs à se remettre en question et partager et transmettre le savoir dans le cadre de l’enseignement (Damien Lecuir, producteur laitier et céréalier dans le Calvados, qui a notamment participé au projet de développement de l’agriculture régénératrice chez Danone) ; recréer un climat de confiance entre les différents acteurs de la chaîne : producteurs, industriels, distributeurs et consommateurs (Elsa Canot) ; toujours dans cette optique de confiance retrouvée, mesurer et suivre l’impact réel de ces pratiques (émissions de carbone, variation de la biodiversité, capacité de rétention d’eau des sols, etc.) et construire des écosystèmes, les investisseurs ayant un rôle clé à jouer en la matière (Emmanuel Simon).
Le mot de la fin se veut toutefois optimiste. « L’agriculture régénératrice ou durable entraîne une diminution des charges et une augmentation des revenus, ce qui crée à un moment donné un cercle vertueux ; on a alors moins besoin de financements dans la mesure où le système s’autofinance, insiste Damien Lecuir. Nous, agriculteurs, sommes des entrepreneurs capables de nous assumer, nous avons juste besoin de la petite étincelle qui fait démarrer le moteur. »