Par deux arrêts favorables du 15 décembre 20231, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris nous offre l’opportunité de dresser un état des lieux des conditions pratiques de mise en œuvre de la solution issue de la jurisprudence Marks & Spencer par les juridictions françaises.
Pour rappel, si le principe de l’imputation transfrontalière des pertes définitives a été consacré par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le fondement de la liberté d’établissement, les conditions étroites de sa mise en œuvre par la jurisprudence française, notamment s’agissant de la démonstration du caractère définitif desdites pertes, pouvaient nous laisser douter de la portée effective de cette entorse aux principes de la territorialité de l’impôt.
Pour la CJUE, une perte est définitive lorsqu’elle est utilisable en droit mais non en fait. Cela implique alors pour la société mère d’avoir épuisé toutes les possibilités de prise en compte de ces pertes, notamment à l’occasion d’une cession des titres de sa filiale ou des actifs sous-jacents, et de démontrer l’impossibilité d’en retirer une valeur économique.
Dans ce contexte, en s’appuyant sur les conclusions éclairantes du rapporteur public dans ces deux affaires, la CAA nous permet d’esquisser une grille de lecture relative à la preuve du caractère définitif des pertes étrangères et ainsi d’espérer une portée utile de la jurisprudence communautaire en droit français.
– Tout d’abord, la cour a balayé l’argument opposant un « bouclier de l’intégration fiscale » qui exclurait toute possibilité d’application de la solution Marks & Spencer en France sur le fondement des règles françaises de l’intégration fiscale, et a rappelé que la preuve de ce caractère définitif ne pouvait pas être impossible.
– Le Conseil d’Etat aura vraisemblablement à se prononcer de nouveau sur ces deux prérequis à l’occasion d’un éventuel pourvoi en cassation.
– S’agissant des...