On se souvient que lorsque le législateur a étendu le régime de l’intégration fiscale aux groupes horizontaux en 2014 consécutivement à un arrêt de la CJUE, il a aligné le champ d’application géographique de l’intégration horizontale avec celui de la liberté d’établissement qui en avait justifié l’introduction.
La loi réserve ainsi le régime de l’intégration fiscale horizontale aux seules sociétés françaises détenues à 95 % au moins par une entité mère non-résidente (EMNR) située dans l’Union européenne, en Islande, au Liechtenstein ou en Norvège. Elle en exclut au contraire les sociétés françaises détenues par une EMNR située dans un Etat tiers.
Toutes choses égales par ailleurs, la loi nationale établit donc une distinction entre des sociétés françaises en fonction uniquement de l’Etat de résidence de leur actionnaire.
Or ce critère est précisément l’un de ceux prohibés par la clause de non-discrimination prévue par le modèle de convention fiscale de l’OCDE, que l’on retrouve dans une grande partie des conventions fiscales conclues par la France.
Tel est notamment le cas de la convention fiscale franco-suisse, dont l’article 26 stipule que les entreprises françaises dont le capital est détenu par un ou plusieurs résidents de Suisse ne doivent pas être soumises en France à des modalités d’imposition différentes de celles qui s’appliquent aux autres entreprises françaises de même nature.
Trois sociétés françaises indirectement détenues par une même société suisse ont invoqué ces stipulations pour revendiquer la formation d’un groupe d’intégration horizontale. En vain, selon la CAA de Paris, qui juge que la condition légale tenant à l’Etat de résidence de l’entité mère non-résidente n’enfreint pas la clause de non-discrimination (CAA Paris, 1er mars 2024, n° 22PA00055).
Avoir un actionnaire suisse plutôt que français ou allemand justifierait donc une différence de traitement, en dépit d’une clause de non-discrimination dont l’objectif est pourtant de neutraliser un tel critère. Cette forme de protectionnisme fiscal est-elle conforme aux engagements internationaux de la France ? Il appartiendra sans doute au Conseil d’Etat de trancher la question.