Jusqu’à quelle date une fusion peut-elle rétroagir lorsque la société absorbée n’a pas clos d’exercice en N-1 ? C’est à cette question que le Conseil d’Etat, saisi d’un recours pour excès de pouvoir, répond dans une décision rendue le 13 septembre dernier.
Par Eva Aubry, avocate counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Les juges du Palais Royal en profitent pour réitérer une jurisprudence ancienne et constante selon laquelle la date d’ouverture de l’exercice de la société absorbante et, ce qui est nouveau, de la société absorbée, constitue une date butoir de la rétroactivité des fusions.
1. Recours pour excès de pouvoir contre la doctrine administrative
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre le refus du ministre de l’Economie et des Finances d’abroger les paragraphes 80, 90 et 110 du BOFIP référencé BOI-IS-FUS-40-10-20, le Conseil d’Etat apporte des précisions intéressantes sur l’étendue dans le temps d’une clause de rétroactivité prévue dans un traité de fusion (CE, 13 septembre 2021, n° 451564, SAS Adis).
Commençons par exposer les circonstances de l’affaire. Au cours de l’année 2018, une société civile soumise à l’impôt sur les sociétés, la société Rocca, a cédé le terrain lui appartenant à une société tierce puis s’est trouvée absorbée par sa société mère, la SAS Adis, par l’effet d’une opération de fusion dont le traité, rédigé en avril, stipulait une prise d’effet au 1er janvier 2018.
De ce fait, selon la requête, d’un « doute (…) sur la suffisance des actes accomplis pour l’achèvement de l’opération de fusion et son opposabilité aux tiers, la société Rocca, absorbée, a décidé de reporter la date de clôture de l’exercice au-delà du 31 décembre 2018 », ce qui a conduit la société à ne procéder aux formalités de publicité que l’année suivante, en 2019, par le dépôt du traité de fusion au greffe du tribunal de commerce et la publication d’une annonce au Bodacc si bien que l’assemblée générale extraordinaire approuvant la fusion ne s’est tenue qu’en octobre 2019.