Scruté par de nombreux acteurs de la place de Paris mais également outre-Atlantique, le contentieux opposant depuis plusieurs années Morgan Stanley et son ancien banquier Bernard Mourad a déjà des conséquences sur les politiques de rémunération des banques d’affaires. En jeu : l’obligation ou non pour les banques de verser des bonus différés à des salariés ayant quitté l’entreprise.
En France, il est rare que les banquiers conseils attaquent leur banque. Depuis dix ans, un conflit oppose pourtant l’un d’entre eux, Bernard Mourad, à son ancien employeur, Morgan Stanley. Objet du litige : le part de bonus non encore versée de 1,4 millions d’euros que l’ex salarié estimait être en droit de toucher au titre de ses résultats 2014, et que la banque n’a jamais réglée. De fait, Bernard Mourad ayant quitté Morgan Stanley début 2015 pour rejoindre le groupe Altice, la banque avait fait valoir à l’époque une clause de son contrat, qui stipulait que le versement du bonus était conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise au moment de ce versement. L’affaire avait alors été portée par Bernard Mourad devant les Prudhommes, qui lui ont donné raison en 2019. Mais en mars dernier, elle a rebondi : les juges d’appel ont à l’inverse soutenu le position de Morgan Stanley. Face à cette nouvelle décision, Bernard Mourad s’est pourvu en cassation. Lors de cette ultime étape judiciaire, les magistrats devront trancher la question suivante : peut-on lier le versement d’une rémunération variable à une condition de présence ? Autrement dit, peut-on « annuler » le versement d’un bonus différé si le salarié quitte l’entreprise avant la date prévue de son versement ?
Deux interprétations antagonistes
Pour la place de Paris, la question est loin d’être anecdotique. Si la pratique du bonus différé est courante dans l’univers des banques d’affaires, ces dernières n’avaient jusqu’alors jamais eu à le verser...