Depuis le début de la crise sanitaire il y a deux ans, les directions financières se trouvent confrontées à des nouveaux enjeux, notamment en termes de pilotage, de gestion du risque (par exemple sur la chaîne des approvisionnements ou des paiements) de gestion du cash ou encore de management. Face à ces défis, il ne fait pas de doute que le digital est un précieux support pour assurer la continuité des activités dans l’entreprise et en particulier celles liées aux processus comptables et financiers.
De gauche à droite :
- Nadine Pichelot, vice-présidente finance EMEA, Anaplan
- Bruno Ruffié, VP global sales, SY by Cegedim
- Grégory Mignon, consultant senior, Yooz France
- Jean-Luc Izoard, directeur administratif et financier, Arthemis
Les enjeux de la finance en période post-crise
Jean-Luc Izoard, directeur administratif et financier d’Arthemis, holding de la société Ellisphere : Après deux années de pandémie, dont nous ne sommes pas encore totalement sortis, nous devons désormais faire face à une nouvelle crise avec la guerre en Ukraine. Il nous faut désormais apprendre à vivre dans un environnement où les crises se succèdent, voire se superposent. Dans ce contexte difficile et plein d’aléas, nous devons plus que jamais renforcer la performance des entreprises et optimiser les process de prises de décision. Les directions financières doivent être en mesure de mieux prévoir, plus vite, et de pouvoir ainsi s’adapter en permanence, en modifiant parfois très significativement les trajectoires stratégiques. En effet, auparavant nous fixions des lignes et objectifs à atteindre davantage à moyen terme, et nous nous y tenions ; cela sera plus compliqué à l’avenir. Toutefois, les crises sont aussi des opportunités dont il faut essayer de tirer parti ; elles peuvent être également des accélérateurs bénéfiques. Par exemple, chez Arthemis, la crise de la Covid-19 nous a contraints à accélérer notre transformation digitale. Finalement, la meilleure anticipation que l’on peut avoir d’une crise repose sur notre capacité d’adaptation.
Parallèlement, les directions financières, comme l’ensemble des composantes des entreprises, doivent également faire face au développement des cyber-risques. Bien entendu, il s’agit d’une préoccupation majeure qui ne date de ces derniers mois. Malheureusement, nous sommes passés aujourd’hui à un seuil d’alerte maximale dans ce domaine. Face à ce risque, nous avons, chez Ellisphere, apporté immédiatement une réponse technologique, sachant bien évidemment que le numérique et les nouvelles technologies sont au cœur de nos métiers. Nous avons renforcé notre organisation en cyber-sécurité. Nous réalisons des tests anti-intrusion, nous sensibilisons nos collaborateurs en leur demandant de réaliser des tests de phishing et en les formant régulièrement à la lutte contre les cyber-risques. Enfin, nous avons également souscrit une assurance spécifique pour couvrir ce risque.
Avec la crise de la Covid-19, nous avons également dû travailler différemment et apprendre à manager à distance. Avant la crise sanitaire, nous avions initié la mise en place du télétravail, ce qui a largement facilité le déploiement rapide d’une organisation spécifique en période de confinement. Par la suite, nous avons choisi d’étendre le télétravail qui est maintenant devenu une norme. Aujourd’hui, nous partageons naturellement notre temps de travail entre le présentiel et le distanciel. Pour accompagner cette évolution, nous avons dû équiper nos collaborateurs d’outils nomades, les former à l’utilisation de ces nouveaux équipements et bien évidemment faire évoluer notre management.
« Il nous faut désormais apprendre à vivre dans un environnement où les crises se succèdent, voire se superposent. »
Jean-Luc Izoard est directeur financier et juridique d’Ellisphere depuis 2014. A ce titre, il accompagne l’entreprise dans la définition et la mise en place de sa stratégie d’entreprise. Il est par ailleurs responsable de toutes les opérations de croissance externe et de pilotage LBO. Sa mission couvre également la gestion des risques de l’entreprise au sens large (financier, réglementaire) ainsi que les activités de comptabilité/gestion et fiscalité. Pour remplir ses différentes missions, il s’appuie sur un parcours professionnel riche et éclectique, qui lui confère une expérience multisectorielle (informatique, banque/finance, immobilier). Il a travaillé successivement pour le groupe SEP Lyon (directeur général adjoint, directeur administratif et financier), Natixis (chargé d’affaires grands comptes), Banque Worms (directeur adjoint Lyon, Montpellier) et SIAE Toulouse (directeur de projet informatique).
Grégory Mignon, consultant senior chez Yooz France : Dans la période que nous traversons, la résilience des entreprises et de la finance face à la crise est un enjeu majeur qui a vu émerger de nouveaux modes de travail et de managements à distance. Il s’agit d’ailleurs d’une priorité pour la majorité des DAF en 2022, comme le révèle la dernière étude de PwC et comme le confirment les témoignages et avis de nos clients. Prenons l’exemple d’Exertis France qui a mis en place la solution d’automatisation et de dématérialisation des processus achats et factures Yooz pendant la période de confinement. Avant cette période de transition, les collaborateurs de la société devaient aller sur site pour récupérer le courrier, le scanner pour l’envoyer aux personnes concernées par e-mail. Le basculement vers des outils collaboratifs tels que Yooz, hébergés dans le cloud leur a permis de traiter leurs documents beaucoup plus rapidement et de manière totalement sécurisée. Un autre avantage du basculement vers le cloud réside dans le renforcement de la sécurité dans un contexte de crise et de multiplication des cyber-attaques. En effet, les entreprises bénéficient désormais d’une expertise accrue en matière de cybersécurité provenant de l’alliance éditeur-hébergeur. Grâce aux outils digitaux, les équipes financières gagnent en efficacité et en productivité en bénéficiant d’un accès en temps réel aux données, 7 j/7, 24 h/24 et de n’importe quel périphérique, ainsi que d’une meilleure visibilité sur les dépenses de l’entreprise pour mieux gérer la trésorerie.
D’autre part, la digitalisation des processus financiers contribue également au respect des délais de paiement. En effet, au sein d’un processus manuel traditionnel, le temps de traitement d’une facture oscille entre 22 et 35 jours, 31 % des factures sont en retard de paiement, et le manque de visibilité entraîne 3,5 % d’erreur de paiement, des risques aggravés en situation de télétravail. Comme le montre notre dernier baromètre, The state of automation in Finance avec la DFCG, le respect des délais de traitement est et reste un enjeu de taille pour près de 50 % des décideurs français, pour préserver à la fois leur relation fournisseur et éviter les risques financiers et réputationnels.
Enfin, la digitalisation a ouvert des brèches d’insécurité : aujourd’hui près de 70 % des entreprises françaises sont victimes de fraude documentaire. Avec des outils adaptés qui permettent de se connecter avec des identifiants forts il est possible de cloisonner l’utilisation du système, de le restreindre aux utilisateurs qui ont les autorisations pour le faire, de valider les factures en quelques clics, d’autoriser les paiements et ainsi, de se prémunir contre les risques d’attaques ou de fraudes internes et externes. Yooz qui intègre les dernières technologies d’IA et de machine learning est par exemple capable de détecter des montants falsifiés et d’éviter une défaillance au niveau des validations de paiement.
Bruno Ruffié, VP global sales chez SY by Cegedim : La réglementation à venir sur la facture électronique est également un enjeu de taille auquel les directions financières doivent dès aujourd’hui se préparer. Au travers de cette réglementation, le gouvernement entend renforcer la compétitivité des entreprises, lutter contre la fraude à la TVA (soit 18 milliards d’euros en France), permettre la connaissance au fil de l’eau de l’activité de l’entreprise pour, in fine, faciliter le pilotage des actions du gouvernement en matière de politique économique.
Pour les DAF, l’enjeu principal consiste notamment à gérer les changements, notamment des services comptables, qui seront générés par la digitalisation de l’ensemble de la chaîne de facturation. Le cabinet de conseil PwC estime que la productivité des équipes est multipliée par trois quand le taux d’automatisation des process financiers passe de 50 à 83 %. Il y a donc clairement un enjeu de productivité, mais aussi de traçabilité des flux. Il y a également des contraintes qui seront imposées par cette réforme. Il faudra notamment être en capacité de recevoir toutes les factures au format électronique dès le 1er juillet 2024 et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise. En fonction de leur taille, les entreprises vont également devoir être progressivement en mesure d’envoyer leurs factures par voie électronique entre 2024 et 2026. Il faudra par ailleurs remonter des données de factures à l’administration fiscale, ce qui signifie que le PDF simple va progressivement disparaître. La remontée des statuts des paiements sera également attendue. Il y a donc beaucoup d’enjeux autour de cette réforme. Les entreprises auront la possibilité de s’appuyer sur des plates-formes immatriculées, telles que le sera celle de Cegedim SY.
Grégory Mignon : Concernant la réglementation sur la facture électronique obligatoire, il faudra, à partir du 1er juillet 2024, être en capacité de fonctionner en format hybride. Il faudra en effet pouvoir se connecter sur le portail public de facturation pour récupérer les factures déposées par les fournisseurs grands comptes, qui auront l’obligation d’émettre des factures électroniques à partir de juillet 2024 et, en parallèle, de traiter encore les factures au format papier ou PDF, provenant des ETI, PME & TPE dont l’obligation de facturation électronique sera respectivement en 2025 et 2026. Il est donc recommandé aux entreprises d’agir sans plus attendre afin de préparer sereinement cette évolution réglementaire et d’en tirer dès maintenant les bénéfices. Cela devra passer par une dématérialisation totale des processus comptables : en effet, il paraît inconcevable d’imprimer une facture électronique pour la comptabiliser ou la faire valider !
«La réglementation à venir sur la facture électronique est un enjeu de taille auquel les directions financières doivent dès aujourd’hui se préparer. »
Bruno Ruffié rejoint SY by Cegedim en 2020 en tant que VP global sales, où il dirige les équipes sales & marketing & avant-vente. En parallèle, il est au conseil d’administration de la FNFE qui travaille étroitement avec la DGFIP dans le cadre de la réforme de la facture électronique. L’enjeu étant d’accompagner les entreprises dans leur transformation digitale et la simplification de leurs processus B2B. Diplômé en business management à Lyon, il a fait ses premières armes chez Danone où il gravit les échelons pendant neuf ans. Il a ensuite notamment dirigé les marchés nationaux Adrexo au sein du groupe SPIR Communication (cinq ans), été directeur commercial France puis directeur des partenariats Europe de Smartbox, et membre du board de la French Tech Dublin.
Nadine Pichelot, vice-présidente finance EMEA chez Anaplan : Les récents changements ont déjà eu des impacts sur la digitalisation des basiques de la finance. La finance joue également un rôle important comme conseil stratégique et opérationnel des directions générales. Par exemple, Lafarge Holcim qui vend du ciment et des matériaux de construction a vu la demande chuter de 90 % les 10 premiers jours de confinement. Il leur a fallu réagir rapidement, en décidant quelles usines fermer, comment transformer des camions de béton en sacs de béton pour les distribuer via des magasins de bricolage, comment la demande impacte la logistique, le PNL et le bilan. Ils avaient à cet effet besoin de s’appuyer sur des outils qui leur permettent de réagir rapidement.
Aujourd’hui, avec ces crises qui se succèdent, la finance doit être en mesure de réaliser des prévisions qui sont parfois à la journée, alors qu’avant, elles se faisaient au mois. Elle doit être capable de se positionner pour donner plus de visibilité à chaque métier et les aider, de cette manière, à réagir. A cet effet, la finance pouvait notamment s’appuyer sur les outils de FPNA (financial planning et analyse). Désormais, le Gartner met en avant les outils de XPNA, le « X » signifiant que chaque direction doit désormais faire du planning et de l’analyse financière. La finance pour sa part garde un rôle clé pour piloter et orchestrer ces plannings et analyses. D’autant que c’est elle qui généralement détient la data. Une récente étude de McKinsey estimait d’ailleurs que les CFO ayant dans leur périmètre le chief data officer a augmenté de 30 %.
D’autre part, la finance se réinvente aussi en créant des nouvelles possibilités d’emplois et de formations pour les talents. Au-delà des traditionnels contrôleurs de gestion ou comptables, elle peut aussi créer des opportunités pour des analyses de données qui aideront l’entreprise à s’engager dans une stratégie agile. La crise a amené le DAF à se réinventer et à se moderniser.
Le digital au service de la valorisation de la finance
Bruno Ruffié : Selon une étude OpinionWay, aujourd’hui, 56 % des collaborateurs des directions financières passent un peu plus de 80 % de leur temps soit à produire soit à traiter des données. Ils ne disposent que de 20 % de leur temps pour procéder à des analyses. Accélérer l’automatisation des process va permettre de libérer du temps aux collaborateurs qui pourront se consacrer davantage à l’analyse.
Par exemple, Michelin qui traite 2,5 millions de factures réparties vers 15 000 clients sur 30 pays s’est tourné vers la digitalisation des processus de facturation avec plusieurs niveaux d’exigences : le zéro papier, la prise en compte de l’ensemble des formats demandés par les clients ou encore le respect des réglementations propre à chacun des pays. En s’appuyant sur la solution intégrée de digitalisation des flux SY by Cegedim, le taux de déploiement de la facture électronique chez Michelin est supérieur à 90 %. La société a par ailleurs réduit le coût de traitement des factures de près de 80 % et gagné 8 jours de DSO. Cela contribue à l’amélioration du délai de recouvrement des créances de 8 à 15 jours ainsi qu’à une valorisation des relations clients/fournisseurs, grâce à une baisse des relances et des litiges. En effet, au travers d’un portail, il est par exemple possible de collaborer directement avec les clients ou les fournisseurs pour gérer avec eux les litiges.
D’autre part, disposer d’une visibilité sur l’ensemble de ses factures clients et fournisseurs sur un outil permet de connaître sa balance âgée ou son niveau de trésorerie en temps réel et d’optimiser ainsi le pilotage de l’activité financière.
Enfin, la dématérialisation ne concerne pas uniquement la facture. Les solutions de signature ou d’archivage électronique contribuent aussi à l’amélioration des relations au sein du service financier et plus globalement de l’entreprise ou encore, avec tout l’écosystème de clients et fournisseurs.
Grégory Mignon : Les technologies telles que le cloud facilitent par ailleurs le déploiement et l’usage de ces solutions et permettent ainsi aux utilisateurs de traiter des documents beaucoup plus rapidement. De cette manière, les retards de paiement sont limités, le rapprochement des commandes se fait automatiquement, le traitement des paiements est programmé, le suivi du traitement de commandes se fait en temps réel. Cela permet de tenir informé le fournisseur en temps réel, d’avoir des circuits de validation qui orientent vers les bonnes personnes et évite ainsi les éventuelles erreurs de traitement manuel.
Prenons l’exemple de la digitalisation du cycle purchase-to-pay chez Aubade, qui compte 400 collaborateurs : elle a répondu à des problématiques liées à la validation et à la circulation des factures entre les différents sites avec efficacité. La société, qui a la particularité d’être multisite était confrontée à des problématiques de suivi, de traitement, et de recherche de ses 9 000 factures annuelles.
«Aujourd’hui, avec ces crises qui se succèdent, la finance doit être en mesure de réaliser des prévisions qui sont parfois à la journée, alors qu’avant, elles se faisaient au mois. »
Nadine Pichelot occupe le poste de vice-présidente finance Europe chez Anaplan depuis 2015. Avant de rejoindre Anaplan, Nadine Pichelot a passé plus de 30 ans à des postes de direction financière, RH et opérationnelle, toujours en partenariat avec les métiers de l’entreprise dans de grandes organisations internationales telles que Philips, Apple Computers, Cisco Systems et Dell. Elle est diplômée de l’ESCP Business School (finance).
Autre exemple, Spartoo, qui pour sa part compte 900 collaborateurs et une présence dans 20 pays, et qui a divisé son temps de traitement des factures par cinq grâce à l’utilisation de la solution de dématérialisation des factures Yooz. Celle-ci a également permis à ses équipes de gagner en réactivité, d’améliorer la traçabilité des factures, de supprimer les pertes de documents et d’optimiser et raccourcir les circuits de validation.
Nadine Pichelot : La volatilité des marchés, les crises causant des éléments perturbateurs font qu’il est nécessaire pour les directeurs financiers d’avoir une communication financière plus agile et plus rapide, et de rester aux aguets, d’anticiper et comprendre ce qui se passe. Nous voyons de plus en plus d’utilisation de la budgétisation à base zéro, à savoir repartir et repenser des investissements et retravailler les bases financières pour chaque cycle. Par ailleurs l’impact de la demande et le raccourcissement des cycles de planification fait que nous avons des plans annuels qui deviennent semestriels et trimestriels. Nous avons donc des itérations beaucoup plus fréquentes qui nécessitent de s’appuyer sur des technologies beaucoup plus agiles. De même, les prévisions en continue sont de plus en plus répandues dans les entreprises, contraintes de réagir dans un environnement mouvant. Enfin, la finance doit être capable d’interagir avec les directions opérationnelles. Si la digitalisation des processus de base fonctionne bien, la finance peut alors passer plus de temps sur la décision et supporter la direction générale.
Jean-Luc Izoard : Comme je le précisais précédemment, la transformation digitale de notre entreprise était largement engagée avant la crise sanitaire. Ceci a été particulièrement vrai pour les métiers de la finance opérationnelle (process comptables, facturation, etc.), comme pour ceux de la finance décisionnelle (analyse du business, contrôle de gestion, etc.). Concernant la finance opérationnelle, la crise de la Covid-19 nous a permis d’accélérer cette transformation notamment pour le process order to cash (cycle client), et en particulier pour les process de recouvrement, en grande partie déjà digitalisés. Avec les confinements, nous avons également mis en place la signature électronique afin notamment d’accélérer la numérisation des contrats depuis leur signature. La crise nous a aussi permis d’accélérer la dématérialisation des process purchase to pay (cycle fournisseur). Dorénavant, une facture est numérisée dès son arrivée chez nous, comme l’ensemble du processus lié à son traitement, jusqu’à son paiement. Grâce à la digitalisation de ces processus, nous avons pu continuer à faire fonctionner normalement l’entreprise en mode distanciel, en sécurisant nos process, et limitant ainsi les risques d’erreur, de fraude et de perte. Enfin, nous avons réduit nos coûts notamment liés à la diminution drastique des frais d’impression et d’affranchissement. Nous avons également accéléré notre transformation digitale concernant les métiers de la finance décisionnelle. Aujourd’hui, une direction financière telle que la nôtre, source, analyse et monitore des volumes de données de plus en plus importants, bien au-delà de la seule fonction financière.
Si les directions financières manipulent de la donnée depuis longtemps, nous constatons dorénavant une augmentation massive de l’information réceptionnée et analysée par nos services de contrôle de gestion, que ces données soient d’origine interne (financières), ou externe (données de vente, d’achats, etc.). Nos équipes de finance décisionnelle ont donc été amenées à travailler de façon différente, avec de nouveaux outils. Il s’agit d’une transformation en profondeur de ces métiers. Excel, qui était l’outil roi, a été progressivement remplacé par des solutions de business intelligence. Cette évolution engagée dans notre entreprise depuis quelques années nous permet aujourd’hui de gérer de plus grandes masses de data, de croiser des données financières avec des données d’autres types. Il s’agit ici d’une transformation majeure de la direction financière vers une direction qui permet à l’ensemble de l’entreprise d’analyser plus finement son business et ses coûts, et de produire des outils décisionnels qui viendront nourrir la stratégie de l’entreprise. L’un de nos principaux objectifs consiste donc à offrir à l’ensemble de notre management et de nos opérationnels, des outils leur permettant d’accélérer et d’optimiser leurs prises de décision.
Le digital sécurise les processus financiers
Bruno Ruffié : Bien qu’avec le digital, le risque cyber s’accentue, force est néanmoins de constater que le digital contribue aussi à la sécurisation des flux. Dans la finance, la sécurité peut concerner les données et les paiements en ligne. En effet, dès lors qu’une entreprise dématérialise une facture, elle ne souhaite évidemment pas que cette facture se retrouve sur le net et que les concurrents puissent voir les prix qu’elle pratique. Il convient donc de s’appuyer sur des solutions d’hébergement qui soient sécurisées. Par exemple, au sein du groupe Cegedim, comme nous hébergeons des données de santé, nous avons une certification HDS. Toutes les certifications en termes de sécurité apportent une garantie supplémentaire aux directions financières. Il convient de choisir des solutions d’hébergements qui répondent à l’ensemble des normes définies au niveau de sécurité. Sur la partie paiement, nous avons fait le choix de nous appuyer sur une fintech dans laquelle nous avons investi. Elle permet de réaliser directement au sein de notre solution le paiement d’une facture, via un lien internet directement intégré dans la facture et qui connecte le client à sa banque. Il aura alors une demande de prélèvement initiée et renseignée. Il aura juste à entrer son mot de passe bancaire pour payer la facture. Cette technologie garantie la sécurité et le paiement de la facture. Le digital peut donc aussi contribuer à la sécurisation des paiements.
Jean-Luc Izoard : La digitalisation nous a permis de remplacer les échanges matériels (documents papiers) par des workflows comprenant des systèmes de validation automatisés. Ceci permet la circulation de documents numérisés via des process très précis, de manière notamment à contrer les risques de perte, de falsification ou de fraude. Parallèlement, nous nous dirigeons de plus en plus vers la robotisation des process financiers, qui consiste à automatiser des fonctions jugées à plus faible valeur ajoutée et ce, dès l’intégration dans notre système. La robotisation des process financiers a pour principaux bénéfices de réduire les interventions humaines, et par conséquent, de minimiser les risques d’erreur et de fraude, tout en diminuant les temps de traitement. Nos collaborateurs peuvent alors se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée (le contrôle, l’analyse, la réflexion, la décision). Nous pouvons aussi imaginer que demain, certaines de ces tâches à forte valeur ajoutée précisément dans la prise de décision, soient également automatisées, à l’aide de nouvelles technologies innovantes comme l’intelligence artificielle. C’est d’ailleurs ce que propose déjà Ellisphere à ses clients pour leur gestion du crédit interentreprises ou encore leur prospection.
Nadine Pichelot : La mise en place de ces nouvelles solutions, de planification connectée ou de business intelligence nécessite la plupart du temps le recours au cloud. Excel sera pour sa part plutôt utilisé comme un outil de productivité personnelle que comme une solution de planification comme nous le faisions auparavant. A ce titre, les équipes IT jouent un rôle beaucoup plus stratégique qui consistera à s’assurer que le fonctionnement de ces technologies cloud soit accepté et à définir le niveau de sécurité nécessaire à leur utilisation. D’autre part, elles ont également un rôle clé à jouer pour mettre en place des clés de cryptage des données, notamment pour les relations entre les équipes finances et les banques. L’IT travaille donc sur des sujets beaucoup moins opérationnels au profit de sujets beaucoup plus stratégiques et de long terme, portant notamment sur l’accès aux données et l’évolution de la sécurité. L’IT devient un partenaire stratégique dans le cadre des projets de digitalisation de la fonction finance.
«Si le DAF demeure le garde-fou en matière de coûts, le rôle du DSI est central pour guider les directions financières dans la gestion des outils technologiques et des données afin de se concentrer sur leur cœur de métier : le pilotage de la performance. »
Grégory Mignon est consultant senior chez Yooz. Arrivé chez Yooz en 2016, Grégory Mignon a d’abord eu pour mission d’accompagner et de développer les grands cabinets d’expertise comptable. Il a ensuite travaillé aux côtés des entreprises pour leur permettre d’adopter la dématérialisation. Après avoir également contribué à renforcer les équipes fidélisation, Grégory Mignon s’est plus récemment orienté dans l’accompagnement des partenaires commerciaux de Yooz en gardant une mission de formation et d’animation de webinaires notamment à thème pour les prospects et clients de la société. Aujourd’hui, avec cette expérience complète et un recul avisé sur la mise en place de tels projets, Grégory se place comme véritable expert de la dématérialisation.
Le digital resserre les liens entre l’IT et la finance
Grégory Mignon : L’IT et la finance ont toujours collaboré mais les modes de collaboration ont évolué avec l’apparition de modèles disruptifs : solutions SaaS et hébergées dans le cloud telles que Yooz. En effet, le déploiement de ces solutions est généralement plus rapide que pour les logiciels on-premise et la facturation se fait à l’usage. Cela permet d’éviter les problématiques liées au temps de mise en œuvre, de charge, etc. Par ailleurs, les outils et technologies évoluent, et offrent désormais une interopérabilité parfaite pour libérer du temps aux équipes comptables et IT, permettant de se concentrer sur l’analyse, la valorisation des données et l’intégration de nouveaux outils technologiques. Dans ce contexte de transformation digitale, les DAF et les DSI ont appris à collaborer de façon étroite : si le DAF demeure le garde-fou en matière de coûts, le rôle du DSI est central pour guider les directions financières dans la gestion des outils technologiques et des données afin de se concentrer sur leur cœur de métier : le pilotage de la performance.
Jean-Luc Izoard : L’accompagnement des équipes dans l’utilisation de ces nouveaux outils, de ces nouvelles façons de travailler et de manager est alors indispensable, et passe notamment par des dispositifs de formation qui doivent s’inscrire dans la durée.