La France comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni a son événement annuel dédié aux operating partners, preuve de la valeur qui est reconnue désormais dans notre pays à ce nouveau métier. Cette troisième édition a été l’occasion, à un moment critique du cycle économique, de partager les « best practices » et les meilleures stratégies pour générer de la valeur et de la croissance, ainsi que d’anticiper les futures tendances sociétales et environnementales au travers de témoignages et de moments de rencontres et de networking.
- Thomas Allen, responsable de l’Observatoire des entreprises, Banque de France
- CEO & operating partner : un duo gagnant pour la performance de l’entreprise
- Mesurer l’impact et la création de valeur opérationnelle d’un operating partner
- Stratégie de build-up : créer de la valeur en réussissant les acquisitions et les intégrations
- L’alliance dirigeant-operating partner : retour d’expérience d’une stratégie d’acquisitions et d’expansion européenne réussie
- Transformation digitale et IA : clés de la croissance et de la création de valeur
- Les équipes opérationnelles : moteur de création de valeur pour les sociétés de capital-investissement
- Operating partner : un métier, plusieurs manières de l’aborder
- Redresser la trajectoire d’une entreprise : un virage stratégique pour les operating partners
- Transformer un business classique en business durable « ESG-compatible »
- Sylvain Broyer, chief economist EMEA S&P Global Ratings

Thomas Allen, responsable de l’Observatoire des entreprises, Banque de France
« Au regard du contexte macroéconomique et microéconomique actuel, il est essentiel d’être en mesure d’anticiper les évolutions à venir pour pouvoir maintenir les conditions d’accès au financement des entreprises. Depuis quelques années maintenant, nous avons redécouvert la fragilité de nos systèmes financiers et leurs implications sur l’économie, notre démocratie, nos écosystèmes naturels. Sur le plan de l’économie, le principal défi que nous devons relever à court-moyen terme est celui d’un possible décrochage de l’Europe. L’économie européenne accuse en effet un retard relatif en termes de croissance, d’innovation et de productivité. Ce triptyque est lié et repose sur des sous-jacents qui sont dus au financement de cette économie européenne. A cet effet, il faut apporter de la visibilité et de la confiance aux acteurs économiques. Dans le cadre de cette démarche, la Banque centrale a un rôle majeur à jouer pour garantir les conditions d’accès aux financements et apporter plus de visibilité en anticipant mieux les demandes de financement. Cela passera par une diversification des sources de financement, un appui plus important sur les marchés financiers et également les autres relais, notamment le développement du capital-risque. Des démarches dans lesquelles les operating partners ont aussi un rôle à jouer. »
CEO & operating partner : un duo gagnant pour la performance de l’entreprise
Parmi les motivations qui poussent les entreprises ou les fonds à recourir aux services d’un operating partner figure généralement celle de maximiser la performance. Les spécificités de ce duo formé par le dirigeant et l’OP ont été exposées en détail lors de l’atelier « CEO & operating partner : un duo gagnant pour la performance de l’entreprise », dont Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace, était l’animateur. « Un operating partner connaît l’entreprise en profondeur. Son approche est très axée sur le côté pratique des choses et il passe du temps avec tout le monde. C’est une sorte de compagnonnage », décrit Aurélien de Meaux, CEO et co-fondateur d’Electra, qui développe un réseau de points de charge ultra-rapide pour les véhicules électriques. La société a notamment été conseillée par Jérôme Stioui, operating partner missionné par le fonds Serena, actionnaire depuis 2021 d’Electra. Parmi les domaines clés où il est intervenu figurent le recrutement et l’approche commerciale, explique Aurélien de Meaux. Pour Jérôme Stioui, le rôle d’un OP n’est pas d’intervenir en mode pompier, quand il y a un problème, mais de « se montrer proactif afin de bâtir les bonnes fondations, notamment en priorisant les chantiers clés et en leur donnant les bonnes métriques afin d’économiser temps et argent ».
Jocelyne Mwilu est CEO de l’éditeur de logiciels de paiement PPI France. Sa société a été accompagnée par I&S Adviser, cabinet indépendant spécialisé en OP. Le temps pressait pour PPI France car elle devait se lancer dans une démarche de conquête commerciale. Les besoins étaient concentrés sur les volets de stratégie marketing et commerciale ainsi que sur la partie financière. « Nous sommes aux côtés des dirigeants pour résoudre des pain points mais il reste maître dans sa demeure », déclare Isabelle Saladin, présidente et fondatrice d’I&S Adviser, cabinet indépendant spécialisé en OP. « Les thématiques sont nombreuses et diversifiées : accélération, structuration et restructuration, développement international ou build-up. Une partie importante de notre rémunération est liée à l’atteinte d’objectifs fixés contractuellement avec le chef d’entreprise », précise aussi la dirigeante du cabinet. Le travail d’un OP est très concret et peut se voir rapidement. « Isabelle Saladin comprenait l’urgence de notre situation car elle avait déjà entrepris. Les ateliers ont été de vrais ateliers, pas une succession de PowerPoint », explique Jocelyne Mwilu. En l’espace d’une semaine, des transformations se sont opérées au sein de l’équipe. « Côté chiffres, j’ai vu les résultats en quelques mois. Forcément, c’est convaincant », ajoute-t-elle.
Mesurer l’impact et la création de valeur opérationnelle d’un operating partner
Qu’est-ce qui fait la spécificité du métier d’operating partner ? Telle était la question sur laquelle s’est ouvert l’atelier « Mesurer l’impact et la création de valeur opérationnelle d’un operating partner », modéré par Benjamin Forestier, professeur en private equity, investment banking et corporate finance à l’Ecole polytechnique. « L’operating partner a souvent déjà eu un parcours d’entrepreneur. C’est une personne qui s’engage sur les résultats afin de créer de la performance opérationnelle en attachant une grande importance à la gouvernance et aux ressources humaines », dit Franck Roger, directeur général chez Operating Partners Academy.
Plusieurs compétences doivent être réunies en une seule et même personne, si l’on en croit Eric Dodin, président et associé de Hekzé, qui se définit comme le partenaire opérationnel des fonds d’investissement et de leurs participations. « Plutôt que d’operating partner, j’aurais tendance à parler de value creation partner avec un volet opérationnel majeur, une forte sensibilité tech et une attention approfondie vis-à-vis de l’organisation et des hommes et femmes qui la font vivre », indique ce dernier. Pour apporter aux entreprises des OP immédiatement opérationnels, ayant les hard skills et adoptant immédiatement une posture de copilotes, Operating Partners Academy a créé la première académie en Europe dans ce domaine. « Le métier d’OP demeure mal connu : 80 à 90 % des acteurs économiques ne savent pas vraiment en quoi il consiste », constate Franck Roger.
Chaque operating partner a un profil bien particulier : multi-compétences pour l’un, expert en intelligence émotionnelle pour l’autre. « Chez Mérieux Equity Partners, les OP sont intégrés à l’équipe d’investissement pour nous aider à déterminer les risques et aider la société en portefeuille à créer de la valeur alignée avec la thèse d’investissement », indique Kristin Thompson, investment director au sein du fonds.
L’operating partner est au cœur de la stratégie d’accompagnement d’un fonds comme Serena, actionnaire depuis 2022 de May, start-up B-to-C dans la santé cofondée par Antoine Creuzet. « L’idée est de construire ensemble, à partir d’un process en deux temps (immersion et mise sur les rails), un chemin nous permettant d’exécuter ce que nous avons vendu aux investisseurs », décrit l’entrepreneur. La tension en matière de collecte amène certains fonds à valoriser au maximum leurs équipes internes d’operating partners en axant leur contribution sur l’opérationnel plutôt que sur les finances. L’intervention directe des OP auprès des dirigeants de PME et d’ETI gagne du terrain. « Ce marché des PME et ETI représente une richesse propre au tissu économique national. C’est un vivier sans doute plus large que celui des fonds », estime Franck Roger. Chose sûre, la mesurabilité de la performance est critique. Pour Franck Roger, le modèle du success fee a été un vrai tournant. « Son introduction a créé un alignement d’intérêts, comme si nous devenions investisseurs dans la société », dit-il.
Stratégie de build-up : créer de la valeur en réussissant les acquisitions et les intégrations
Avec le coût croissant de la dette, l’enjeu de création de valeur est massif pour les fonds d’investissement. Le build-up constitue à cet égard un axe d’intervention critique, notamment quand un fonds veut faire d’une participation un leader français ou européen. « Il faut que le build-up soit lié à la stratégie et à l’histoire que l’on racontera à l’acheteur suivant », nuance François Candelon, operating partner de Seven2, intervenant de l’atelier « Stratégie de build-up : créer de la valeur en réussissant les acquisitions et les intégrations », modéré également par Benjamin Forestier.
Dans les stratégies de build-up, la mission donnée à un OP peut être assez vaste. « Cela peut aller de l’identification des cibles jusqu’à l’accompagnement au sein du conseil d’administration en passant par les due diligences », rappelle Renaud Besançon, managing partner de Ceres Industrie Capital.
Si le sourcing est généralement l’apanage des banques d’affaires et des boutiques de M&A, la force de l’operating partner est de connaître intimement l’entreprise qui va faire l’acquisition. « Un OP pourra ainsi voir l’intérêt stratégique et opérationnel de telle ou telle cible pour l’acheteur. C’est le rôle normalement dévolu au dirigeant de l’entreprise mais l’OP pourra démultiplier la puissance d’analyse des cibles identifiées et travailler sur les due diligences et l’intégration en aval », fait remarquer David Flahault, directeur financier groupe d’Infraneo, dont Seven2 est l’actionnaire majoritaire.
La phase de due diligence est une étape où l’OP peut contribuer à minorer les risques. « Lors de l’analyse d’une cible, l’operating partner va pouvoir identifier un certain nombre de leviers et cerner certains paramètres à faire évoluer au sein de la cible pour en optimiser la valeur », indique Stéphane Villard, head of Deloitte corporate finance France and France technology, media & telecommunication leader.
L’operating partner peut avoir un talent précieux : anticiper les bonnes questions dès le démarrage. « Une intégration, c’est une histoire de timing. Ce qu’on ne fait pas dans les six premiers mois risque d’être compliqué à mettre en place ensuite. Le danger est que l’entreprise rachetée reste figée dans son fonctionnement initial », complète Laurent Jehanne, managing director, deal, transformation & turnaround advisory chez Deloitte.
L’alliance dirigeant-operating partner : retour d’expérience d’une stratégie d’acquisitions et d’expansion européenne réussie
La séquence « L’alliance dirigeant-operating partner : retour d’expérience d’une stratégie d’acquisitions et d’expansion européenne réussie », animée par Susanne Liepman, présidente de Fiplus et SLN Consulting, a permis de mettre en lumière « les clés de l’alchimie » entre un OP et un dirigeant. Philippe Karmin est operating partner chez LBO France. Patrick Layani est directeur général de Passman, groupe spécialisé dans la gestion de réseaux et de solutions digitales pour les établissements d’accueil. « Nous avions déjà fait trois LBO et une opération de croissance externe en Belgique avant de rencontrer Philippe à l’occasion des due diligences menées par LBO France pour faire une acquisition en Belgique », explique Patrick Layani. Confronté post-rachat à des difficultés d’intégration d’une société, ils ont pu s’appuyer sur Philippe Karmin pour optimiser le travail avec cette société belge, afin d’utiliser ses produits et de les diffuser chez Passman.
Philippe Karmin souligne que son passé de dirigeant lui permet de se positionner en interlocuteur légitime et crédible auprès des équipes de direction. Dans une acquisition, l’enjeu est souvent de vite définir une stratégie de création de valeur avec les dirigeants en place, qui entraînent ensuite leurs équipes. En revanche, dans un build-up, il faut faire coexister deux sociétés aux cultures différentes. « Si les due diligences permettent d’identifier les risques et les opportunités, la vraie difficulté est que le dirigeant réussisse à embarquer ses propres équipes dans une nouvelle dynamique de groupe », résume-t-il.
Transformation digitale et IA : clés de la croissance et de la création de valeur
La transformation digitale et l’IA sont des leviers essentiels pour la croissance et la création de valeur. Les operating partners accompagnent les entreprises dans l’intégration et le passage à l’échelle de ces technologies. «En matière d’IA, Siparex a mis en place un programme en interne pour accompagner, sensibiliser, cadrer, amorcer et sécuriser l’exécution de cas d’usage autour de l’IA », explique Nicolas Requillart-Jeanson, directeur associé et operating partner, Siparex et cofondateur du Club des operating partners chez France Invest. « Notre operating partner Siparex nous a ainsi apporté de l’expertise sur la transformation digitale et l’IA, témoigne Quentin Dampierre, directeur général, Topchrono. Ce sont des sujets qu’un dirigeant d’entreprise ne maîtrise pas toujours, ce qui complexifie la construction d’une stratégie et la mise en place et le suivi des bons KPI. » Siparex nous a également accompagnés dans notre connexion dans et hors de notre écosystème, ainsi que dans la communication au sein de nos équipes mais aussi vis-à-vis du fonds. L’operating partner est un peu le garant de la qualité de notre travail et de la rentabilité potentielle de cet investissement. Il a un rôle central. » « Les investisseurs n’ont pas, pour la plupart, une très grande expérience dans l’IA, précise Adrien Chaltiel, CEO & co-fondateur, Board Project, et co-fondateur, Eldorado. Tous font le même constat, savent que l’IA va arriver et sera impactante sur les business models, les process internes, les dynamiques RH ou autres sujets de développement technologiques des entreprises. La gouvernance, et notamment avec des operating partners ou des administratrices ou administrateurs indépendants, peut alors être un levier, notamment grâce à la création, en plus du board, d’un comité IA. »
La feuille de route IA des entreprises impacte la valorisation
« Chez Siparex, en due deal, nous regardons désormais systématiquement s’il y a une feuille de route IA et comment l’IA est intégrée dans le business model et nous en vérifions la faisabilité, ajoute Nicolas Requillart-Jeanson. Cela a un impact sur la valorisation à l’entrée et à la sortie. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que nous monitorons souvent l’évolution de la maturité des use-cases pour voir comment tout cela est appréhendé de manière très opérationnelle. » « L’IA a ainsi contribué au développement de Topchrono ainsi qu’à l’amélioration de notre productivité », conclut Quentin Dampierre.
Les équipes opérationnelles : moteur de création de valeur pour les sociétés de capital-investissement
Les équipes opérationnelles jouent un rôle crucial dans la création de valeur pour les fonds de capital-investissement, en impulsant la croissance des revenus, l’amélioration de la marge opérationnelle et l’expansion des multiples.
Selon une étude AlixPartners, les fonds ont tous aujourd’hui pour préoccupation majeure d’avoir de la création de valeur dans leur portefeuille. A cet effet, ils s’appuient sur des operating partners, dont le nombre dans les fonds est en augmentation de 80 % entre 2019 et 2024. « Il y a toujours dans les fonds principaux des asset managers, des asset directors, des responsables des actifs qui travaillent avec des operating partners, explique Philippe de Fitte, operating partner indépendant. Nous constituons des équipes opérationnelles ou semi-opérationnelles qui se mettent entre l’investisseur, le fonds et l’actif lui-même. » Suivant la technicité du sujet, il va y avoir des partenaires plus spécialisés, par exemple dans des aspects environnementaux ou compliance, alors que d’autres vont être plus stratégiques et direction générale. » « Il y a aussi toute une frange d’investisseurs qui sont eux-mêmes operating partners, précise Guillaume-Olivier Doré, président de Source Private Equity. D’autre part, beaucoup d’operating partners sont d’anciens dirigeants de sociétés opérationnelles. Ils savent faire l’investissement mais aussi comprendre l’entrepreneur qu’ils ont face à eux. » « Il s’agit d’un métier relativement nouveau, ajoute Arnaud Houette, associé-gérant, Extens e-Santé. Chez Extens, les operating partners sont internes et spécialisés sur nos métiers, à savoir les logiciels de santé. Nous travaillons aussi avec des externes qui interviennent comme consultants spécialisés sur des thématiques, des métiers, et avec des administrateurs des board members que nous choisissons pour leur capacité à accompagner une équipe dirigeante. De plus en plus, les investisseurs et les operating partners travaillent ensemble. » « L’internalisation des operating partners est devenue quasiment une obligation aujourd’hui, poursuit Guillaume-Olivier Doré. Ils apportent un angle différent sur la vision entrepreneuriale du dirigeant. C’est également une manière d’avoir un angle dans le private equity. La création de valeur vient de la proximité humaine entre l’actif, son équipe et l’équipe d’investissement. »
« Lorsque l’équipe d’operating partners est intégrée, ce qui nous intéresse, c’est de suivre la valeur créée, de la mesurer au fur et à mesure dans le cadre d’objectifs de plan qu’on se donne et qui sont conjoints avec l’équipe d’investissement, précise Arnaud Houette. L’operating partner a une partie du carried et il est complètement aligné avec l’équipe d’investissement. » « Dans le cas des operating partners indépendants, on peut être intéressé au succès, soit en investissant dans une option de carried, soit en ayant une partie de sa compensation qui va être variable », ajoute Philippe de Fitte.
Operating partner : un métier, plusieurs manières de l’aborder
Que ce soit pour optimiser les opérations, accompagner la transformation ou stimuler la croissance, l’operating partner adapte son approche en fonction des défis spécifiques rencontrés, devenant ainsi un acteur clé de la performance et de l’agilité des entreprises.
Il existe deux définitions de l’operating partner ou OP. « Il peut être une personne intégrée au sein d’un fonds d’investissement, salariée par ce fonds d’investissement et intéressée dans sa rémunération par la performance des sociétés du portefeuille, explique Emmanuelle Flahault-Franc, operating partner, IRIS. Ces operating partners sont dédiés à l’accompagnement des sociétés du portefeuille. Aujourd’hui, il y a également des operating partners en externe, des consultants qui généralement sont d’anciens dirigeants. D’autre part, les operating partners peuvent être des généralistes, capables d’intervenir sur tous types de sujets, ou des spécialistes sur par exemple les RH, l’ESG, le marketing, la communication, etc. » « Un operating partner est très orienté business et opérations, poursuit Frédéric Ploix, operating partner certifié OpValue+. Il va être aux côtés du dirigeant pour lui donner un accompagnement à sa stratégie s’il y a besoin, mais aussi pour l’aider à mettre à exécution le plan qui a été défini en commun. » « Lorsqu’un diagnostic et une recommandation d’action ont été posés et validés par le dirigeant qui reste absolument décisionnaire sur tout, nous prenons également un engagement sur la durée et sur un résultat », indique pour sa part Frédéric Galliath, operating partner certifié.
Les missions de l’operating partner
« Il y a plusieurs temps dans la mission de l’operating partner, poursuit Frédéric Ploix. Il faut être très rapide sur la partie diagnostic et propositions. Ensuite, l’accompagnement est très variable. Pour aider à l’exécution et à la mise en place d’un plan, il faut compter environ six mois. » « A partir du moment où on s’est aligné sur un diagnostic et une recommandation d’actions, nous nous fixons un objectif qui va donner lieu à une rémunération variable ou partiellement variable, précise Frédéric Galliat. Les critères d’alignement reposent généralement sur une croissance de chiffre d’affaires ou une croissance d’Ebitda ». « De notre côté, nous travaillons pour le fonds et les dirigeants, précise Emmanuelle Flahault-Franc. Nous avons donc un double objectif et une partie de notre rémunération est évidemment calculée sur le succès du fonds complet. »
Redresser la trajectoire d’une entreprise : un virage stratégique pour les operating partners
« L’operating partner, comme l’avocat spécialisé, est là pour accompagner le dirigeant d’entreprise dans sa stratégie et attirer son attention sur la nécessité de traiter les difficultés le plus tôt possible, précise Arnaud Pedron, associé Franklin. Il a un véritable rôle en tant que mentor pour aider, accompagner, rassurer, éclairer le dirigeant dans les phases de difficultés. Il a également pour vocation de le guider vers les nombreux outils qui, en France, existent pour prévenir ces difficultés. » « J’ai repris cinq entreprises au tribunal, témoigne Cédric Meston, CEO Tupperware France. Souvent, elles ont des problématiques similaires. Utiliser un operating partner ayant une expérience dans la reprise d’une entreprise et qui est déjà passé par ces problèmes-là nous orientera directement vers le mandat ad hoc, vers les bons réflexes à avoir vis-à-vis de la gestion des dettes, etc. » « Lorsqu’on est en difficulté, le conseil de l’operating partner est indispensable pour nous aider à structurer, développer et moins se sentir seul aussi », indique pour sa part Nicolas Roché, président-directeur général, groupe Hozon. « L’operating partner et l’avocat sont là pour soulager le dirigeant et l’aider à prendre la bonne décision dans la meilleure stratégie possible », précise Arnaud Pedron.
« Le timing dans ces démarches est également vraiment important, précise Cédric Gaillard, operating partner, I&S Adviser. On commence alors par une phase de diagnostic, pour comprendre l’entreprise, son fonctionnement, ses objectifs, identifier les acteurs clés, dont le dirigeant. Nous proposons ensuite un plan d’action suivant les problématiques. » « Dans le cas d’une reprise d’entreprise en difficulté, il faut aussi être accompagné par un avocat spécialisé sur le sujet, qui sache notamment identifier les passifs cachés et qui connaisse tous les rouages administratifs et judiciaires liés à ces opérations », ajoute pour sa part Arnaud Pedron. Certaines de ces entreprises en difficulté ont encore beaucoup de potentiel et peuvent également faire l’objet d’une acquisition et se transformer. « Par exemple, lorsque nous avons repris Tupperware en mars, nous avons déposé le plan de sauvegarde et aujourd’hui nous avons un équilibre économique qui est générateur d’argent, poursuit Cédric Meston, CEO Tupperware France. Un résultat obtenu en repartant de zéro, en étant bien accompagnés et en engageant la transformation digitale de l’entreprise. »
Transformer un business classique en business durable « ESG-compatible »
Il y a deux modes de business durable : soit une entreprise est durable dès sa création, soit elle se transforme en vue de le devenir. Cyclezen s’inscrit dans une démarche durable depuis sa création. « Nous avons pour mission d’améliorer le bien-être menstruel des femmes dans les établissements publics et privés tout en contribuant à la réduction de l’impact environnemental des déchets menstruels en créant la première filière de valorisation de ces déchets en biogaz ou en compost, présente Samia Dahmouni, CEO & fondatrice, Cyclezen. Nous avions la volonté de créer une économie circulaire en maîtrisant toute la chaîne de valeur du début jusqu’à la fin. » « De notre côté, notre métier consiste à utiliser notre expertise technique pour apporter des solutions de prolongation de la durée de vie de matériels et équipements électriques pour la plupart construits dans les années 1970-80, explique Ludovic Vallon, président Mastergrid. Il s’agit de l’un des éléments de notre ADN qui a probablement séduit notre fonds d’investissement Andera Partners. »
Quel rôle pour l'operating partner ?
L’ESG et le LBO sont complètement compatibles, voire nécessaires aujourd’hui. « Avoir une culture ESG dans une entreprise peut être créateur de valeur en sortie de LBO, apporter des éléments d’attractivité pour de futurs repreneurs, qu’ils soient fonds d’investissement ou industriels, et améliorer l’Ebitda, poursuit Ludovic Vallon. La trajectoire de Mastergrid montre bien qu’avoir un business qui prend en compte cette dimension ESG n’est pas incompatible avec de la performance financière. Nous avons en effet quadruplé notre chiffre d’affaires en cinq ans. L’accompagnement et le soutien de notre fonds d’investissement ont été déterminants pour faciliter la démarche et pour qu’elle se fasse de façon constructive. »
« Cyclezen a coché naturellement toutes les cases pour être dès le départ une entreprise orientée ESG, précise Fiona Fauvel, CEO associée Dealcockpit/operating partner auprès de CycleZen et vice-présidente de la French Tech Bordeaux. Nous sommes là pour lui rappeler que c’est un levier de croissance, pour orienter de temps en temps la stratégie autour de la finance, mettre en place dès le début des KPI qui vont permettre de piloter correctement la partie ESG. Il s’agit d’un véritable vecteur catalyseur, intéressant pour les fonds, pour les partenaires, les clients. » « Aujourd’hui, les seuls partenaires qui m’entourent sont sélectionnés finement pour pouvoir répondre à ces exigences ESG », précise Samia Dahmouni. « Il est important aussi d’arriver à mettre en cohérence le discours au quotidien avec les actions de l’entreprise », ajoute Ludovic Vallon. Pour s’inscrire dans une démarche durable, la partie gouvernance de l’entreprise est également importante. Etre une entreprise à mission est alors fondamental. « Pour être qualifiée d’entreprise à mission, nous avons dû mettre notre raison d’être et nos engagements dans nos statuts, ce qui nous oblige à être audités, poursuit Samia Dahmouni. Nous avons également reçu la labellisation Impact France qui nous permet de poser des bases sur les objectifs à atteindre d’ici deux ou trois ans au niveau ESG. » « Cette gouvernance doit être carrée et alignée sur les valeurs et sur la mission, ajoute Fiona Fauvel. Il nous revient d’accompagner correctement l’entreprise sur le business model, sur la finance, sur tout ce qu’elle met en place de son côté, en la soutenant correctement pour aligner business, stratégie et valeurs ancrées dans la création de la société. »
Sylvain Broyer, chief economist EMEA S&P Global Ratings
« Notre système économique et financier a connu beaucoup de chocs ces dernières années et en particulier la pandémie et la guerre en Ukraine. Des chocs finalement pas trop mal absorbés par les économies française et européenne. Aujourd’hui, l’économie européenne doit faire face à l’administration Trump. Cette dernière part du constat que les Etats-Unis ont financé la production de biens publics internationaux pendant de très longues années, principalement la défense internationale, notamment avec l’OTAN, mais aussi avec le dollar comme monnaie de réserve. Aujourd’hui, elle ne veut plus le faire sans que les autres pays de l’OTAN paient.
Si l’on s’en tient à des tarifs douaniers sur les exportations de biens un peu plus élevés que ce qu’ils sont là dans le cas extrême, ça nous coûterait un point de PIB, ce qui est encore relativement gérable. Cependant, dans son nouveau projet budgétaire, Donald Trump envisage de taxer le capital étranger à hauteur de 20 %. Ce serait alors très dommageable pour le système financier mondial, mais surtout, pour les Etats-Unis.
Il pourrait néanmoins y avoir un rééquilibrage beaucoup plus coopératif des Etats-Unis, qui bénéficierait alors à l’Europe. Par exemple, suite aux annonces de Donald Trump, l’Allemagne a décidé de dépenser 900 milliards d’euros, dont près de la moitié en défense. Et cela pourrait se faire en achetant plus d’armement aux Etats-Unis. L’Union européenne a proposé à l’administration américaine de créer une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Europe. Bruxelles a également décidé d’accélérer certaines de ses réformes structurelles, ce qui permettrait de dégager des gains de productivité en Europe.
Si on tend vers une solution coopérative entre les Etats-Unis et l’Europe, la croissance devrait continuer à se raffermir voire s’améliorer, dans un contexte de plein emploi et de taux assez modérés. »
Merci à nos modérateurs : Aurore Barlier, rédactrice en chef adjointe, CFNews ; Benjamin Forestier, professeur private equity, investment banking et corporate finance, Ecole Polytechnique ; Stéphane Fourneaux,
responsable du master analyse financière internationale, Neoma Business School ; Catherine Karyotis,
professeur de finance et directrice académique du general management programme, Neoma Business School ; Susanne Liepmann, présidente, Fiplus et SLN Consulting ; Frédéric Rensonnet, co-fondateur, Athena Family & TMA France ; Olivier Vigna, délégué général adjoint, Paris Europlace.