Totalement passés sous silence durant la campagne présidentielle, les travaux de l’Union européenne visant à encadrer et à soutenir le développement du secteur numérique communautaire ont pourtant franchi des étapes décisives ces dernières semaines. Ces chantiers ont d’autant plus d’importance qu’ils se donnent pour but de renforcer la souveraineté des Vingt-Sept face à l’hégémonie des « Big Techs » américaines.
Lors de son élection à la présidence de la Commission européenne en 2019, Ursula von der Leyen avait fait du développement et du renforcement de la souveraineté du numérique européen deux de ses priorités. Cet engagement a pris des tournures très concrètes ces dernières semaines. Fin mars, l’exécutif européen, le Conseil et le Parlement ont adopté une version presque définitive du Digital Markets Act (DMA), un règlement visant à harmoniser et à durcir les règles de la concurrence applicables aux tout-puissants géants du numérique, pour la plupart américains. Dans le même temps, Bruxelles a passé avec Washington, à la surprise générale, un accord de principe portant sur la mise en place d’un nouveau cadre transatlantique pour le transfert des données, un sujet hautement sensible. Enfin, les députés européens ont adopté leur version du projet de règlement européen Markets in Crypto Assets (MiCA) consacré à la régulation du marché intérieur des actifs numériques, dont les déclinaisons ne cessent de se diversifier et les échanges de se multiplier.
Si deux de ces initiatives – le DMA et MiCA – constituent des avancées indéniables, elles se heurtent d'ores et déjà à de franches oppositions internes, et ne prouveront leur efficacité qu'à condition que l'administration et les entreprises américaines ne les devancent pas ou ne les contournent pas. Dans le champ du transfert des données, l’invalidation en 2014 et 2020 des deux précédentes versions du cadre transatlantique – le Safe Harbor et le Privacy Shield – rappelle, quant à elle, à quel point la tâche qui attend les Vingt Sept s'annonce ardue.