D’abord rencontrées sur des opérations de M&A traditionnelles, et omniprésentes sur le marché anglo-saxon, les assurances de garantie de passif s’imposent désormais de façon récurrente sur des share deals immobiliers en France.
Par Alexandre Delhaye, avocat associé en corporate/M&A.
Il couvre l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles et aux opérations de restructuration, notamment dans le secteur de l’immobilier. alexandre.delhaye@cms-bfl.com
et Thierry Granier, avocat associé en fiscalité internationale, il intervient notamment sur de nombreuses problématiques assurantielles relatives à des risques fiscaux. thierry.granier@cms-bfl.com
De façon générale, les garanties accordées par un vendeur dans le cadre d’un share deal sont plus étendues que celles données pour un asset deal. Les négociations portent tant sur l’étendue des garanties relatives aux actifs eux-mêmes (propriété, autorisations, baux, etc.) que sur les structures de détention (passif fiscal, comptes sociaux, etc.), ainsi que sur l’étendue et les principes d’indemnisation de l’acquéreur (quantum, plafond, limitations, etc.). La garantie est généralement accompagnée d’une contre-garantie dont l’objet est de sécuriser l’efficacité de la garantie de passif en elle-même, mais aussi la solvabilité du garant. La contre-garantie – qui est un sujet de discussion – prend le plus souvent la forme d’une garantie à première demande ou d’une caution bancaire, voire d’un séquestre d’une partie du prix. Dans la plupart des cas, une somme doit être consignée par le vendeur, ce qui est contraignant.
Ces problématiques donnent lieu évidemment à de nombreuses discussions pouvant ralentir, voire bloquer, une transaction immobilière.
Précisément, afin de trouver une issue face aux difficultés rencontrées dans le cadre de ces discussions, les parties peuvent décider de faire appel à un assureur dont le rôle sera de prévoir une police qui externalisera partiellement ce risque de garantie sur sa tête.
Ainsi, cette police d’assurance peut être souscrite soit par le vendeur, soit par l’acquéreur.
Dans le premier cas, le vendeur souscrit une police avec un assureur qui indemnise l’acquéreur à raison du préjudice subi par ce dernier du fait du vendeur. Cette assurance permet donc à un vendeur pour qui l’octroi de garanties serait compliqué (fonds d’investissement, patrimoine personnel, etc.) de satisfaire la demande de l’acquéreur, voire ses banques qui seraient bénéficiaires d’une délégation de paiement.
Dans le second cas, c’est l’acquéreur qui souscrit sa propre police et qui est indemnisé directement par l’assureur du dommage subi par lui-même ou par la société dont les titres sont acquis. En faisant son affaire de la garantie, l’acquéreur peut notamment disposer d’un avantage compétitif pour convaincre le vendeur de faire la transaction avec lui.
Les principaux points d’attention à avoir en tête lors de la souscription d’une telle assurance sont les suivants :
– les discussions entre l’acquéreur et le vendeur sur la prise en charge de la prime ;
– les éventuelles interactions entre le contrat de garantie et la police d’assurance ;
– la franchise qui sera prévue dans la police, ainsi que sa prise en charge éventuelle par le vendeur ;
– les exclusions de garanties prévues par la police ;
– l’existence d’un aléa (par essence, un assureur ne peut assurer que ce qui n’est pas connu ; dès lors, l’assurance ne pourra pas couvrir ce qui a été porté à la connaissance du souscripteur ; ce point peut faire l’objet de nombreuses discussions) ;
– le calendrier nécessaire à la mise en place de la police.
Dans le cadre d’un share deal immobilier, les problématiques revues par les assureurs sont notamment les risques qui seraient liés à la propriété, aux baux, aux règles d’urbanisme et d’environnement et, bien entendu, les risques relatifs à la fiscalité.
Un nombre croissant d’assureurs et de courtiers sont aujourd’hui en mesure de proposer des offres de plus en plus flexibles et adaptées à chaque situation particulière, de même que des tarifs de plus en plus compétitifs. Les freins psychologiques étant dépassés, le recours à l’assurance de garantie de passif devrait donc naturellement poursuivre son développement sur le marché immobilier français.