Tous les contrats d’assurance-vie (en euros ou en unités de compte, UC) rachetables étaient imposables à l’ISF et ce pour l’intégralité de leur valeur de rachat au 1er janvier. Les contrats d’assurance-vie non rachetables souscrits après fin novembre 1991 n’étaient, quant à eux, imposables à l’ISF qu’à hauteur des primes versées par le souscripteur passé l’âge de 75 ans. Les bons et contrats de capitalisation (non anonymes) enfin étaient imposables à l’ISF pour leur valeur nominale (i.e. le montant des sommes versées par le souscripteur sans tenir compte de l’accroissement de valeur).
Par Philippe Emiel, avocat, PwC Société d’Avocats
Avec la réforme de l’ISF, les assureurs espéraient que les contrats d’assurance-vie seraient intégralement exonérés d’IFI. Malgré un lobbying intense de ces derniers auprès des pouvoirs publics au cours de la préparation et de la discussion de la loi de finances pour 2018, les contrats d’assurance-vie n’échappent pas, dans tous les cas, à l’IFI.
L’article 972 du Code général des impôts (CGI) dispose que, pendant la phase d’épargne, «la valeur de rachat des contrats d’assurance rachetables et bons ou contrats de capitalisation exprimés en unités de compte mentionnées au deuxième alinéa de l’article L 131-1 du Code des assurances est incluse dans le patrimoine [assujetti à l’IFI] du souscripteur à hauteur de la fraction de leur valeur représentative des UC constituées des actifs mentionnés à l’article 965 [c’est-à-dire, sous réserve de certaines exclusions, les biens ou droits immobiliers non affectés à une activité professionnelle et les parts/actions de sociétés et d’organismes détenant ces mêmes biens] appréciée dans les conditions prévues au même article 965 et à l’article 972 bis».
Sont visés par la nouvelle disposition les contrats d’assurance-vie rachetables et bons ou contrats de capitalisation exprimés en UC. Cette nouvelle règle exclut donc tout d’abord les contrats d’assurance-vie exprimés en euros. De même, est exclu l’ensemble des contrats d’assurance-vie (bons et contrats de capitalisation) non rachetables. Aucune différence ne doit, par ailleurs, être faite selon qu’il s’agit d’un contrat souscrit auprès d’un assureur français ou étranger.
Ce ne sont pas les biens taxables «encapsulés» dans des contrats d’assurance-vie qui sont imposables à l’IFI en tant que tel (en effet, c’est l’assureur qui est juridiquement propriétaire de ces biens et non le souscripteur), mais la valeur de rachat de ces contrats à hauteur de leur fraction représentative des UC constituées de biens taxables.
Les dispositions de l’article 972 du CGI ont pour objectif d’imposer de la même façon et sur la même base un redevable qu’il détienne des actifs imposables (biens immobiliers ou droits immobiliers non affectés à une activité professionnelle ou parts/actions de sociétés ou d’organismes détenant ces mêmes biens) directement ou que ces derniers soient «encapsulés» dans un contrat d’assurance-vie. Pour ce faire, les différentes règles prévues par les articles 965 (et notamment la détermination de la composante immobilière, le bénéfice des différentes exclusions) et 972 bis du CGI (le bénéfice de l’exclusion concernant les redevables détenant moins de 10 % d’un fonds d’investissement régulé détenant moins de 20 % de son actif en biens et droits imposables) sont applicables mutatis mutandis pour les biens «encapsulés» dans un contrat d’assurance-vie. L’article 972 du CGI ne fait pas référence à l’article 972 ter, qui prévoit une exclusion de l’IFI concernant les personnes physiques détenant moins de 5 % du capital et des droits de vote d’une SIIC cotée. Cependant, selon nos informations, Bercy aurait confirmé que cette disposition favorable s’appliquerait également lorsque des titres de SIIC cotées sont «encapsulés» dans un contrat d’assurance-vie.
Seront en particulier concernés par les dispositions de l’article 972 du CGI les contrats d’assurance-vie (bons ou contrats de capitalisation) comprenant des biens immobiliers ou droits immobiliers non affectés à une activité professionnelle, mais aussi les titres de sociétés foncières cotées (SIIC ou non SIIC) et non cotées (qu’il s’agisse de titres «pierre-papier», comme les parts ou actions de SCPI ou d’OPCI, ou de sociétés foncières non régulées).
Les personnes physiques non résidentes de France doivent également inclure dans leur patrimoine taxable à l’IFI les contrats d’assurance-vie (et les bons et contrats de capitalisation) rachetables en UC dont elles sont titulaires. Ces personnes ne seront cependant assujetties à l’IFI qu’à hauteur de la fraction de la valeur de rachat de ces contrats représentative des seuls biens taxables situés en France. Cette solution devrait, en principe, selon nous, s’appliquer également aux personnes physiques qui sont résidentes d’un pays ayant signé une convention fiscale avec la France couvrant l’impôt sur la fortune. En effet, ces conventions donnent à la France, dans la plupart des cas, le droit d’assujettir à l’IFI les biens immobiliers tels que définis par «le droit de l’Etat contractant où les biens considérés sont situés». L’article 965 du CGI dispose que l’IFI s’applique non seulement aux biens immobiliers mais également aux droits immobiliers. L’utilisation d’un terme aussi générique (et non pas celui de «droits réels immobiliers») permet de couvrir les droits que détient une personne physique dans un contrat d’assurance-vie. Les personnes physiques non résidentes de France sont donc, à cet égard, les perdants de la réforme. Rappelons que, sous l’empire de l’ISF, les contrats d’assurance-vie que détenaient les personnes physiques non résidentes étaient, dans tous les cas, exonérés d’ISF au titre des placements financiers.