Shell et TotalEnergies examinent l’opportunité d’une cotation principale aux Etats-Unis. Une réponse à la frilosité des actionnaires européens de plus en plus sensibles aux considérations ESG. Si, à ce stade, le divorce n’apparaît pas inéluctable, le flou domine quant à la capacité de ces acteurs de se financer durablement de ce côté-ci de l’Atlantique.
Question simple, réponse hautement délicate. En révélant, fin avril, que TotalEnergies s’interrogeait sur l’opportunité d’une cotation primaire à New York – et non pas sous forme d’ADR (American depositary receipt) comme aujourd’hui –, son PDG Patrick Pouyanné a soulevé une vive polémique dans l’Hexagone et surtout posé une vraie question : l’essor de l’investissement responsable en Europe encourage-t-il les acteurs du secteur des énergies fossiles à quitter le Vieux Continent au profit d’une Amérique jugée plus accueillante ? Pour Patrick Pouyanné, le lien est clair : « du fait notamment du poids des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en Europe, la base d’actionnaires européens de TotalEnergies diminue (…) alors que les actionnaires américains achètent TotalEnergies », a déclaré le dirigeant devant le Sénat, le 29 avril. Dans une interview accordée le 23 mai au Figaro, il n’hésite pas à parler du « dogme anti-fossile » en faveur duquel la France aurait arbitré en imposant aux fonds bénéficiant du label ISR d’Etat d’exclure le secteur pétro-gazier. Avec un corollaire : la sous-valorisation de TotalEnergies par rapport à ses pairs américains. Le diagnostic dépasse d’ailleurs les frontières françaises : Shell aussi envisage une cotation primaire aux Etats-Unis pour pallier le désintérêt des investisseurs européens.
Une frilosité qui s’accentue
Les chiffres sont, de fait, éloquents. Le ratio du cours de l’action rapporté aux bénéfices attendus pour 2024 plafonne à 6,7 pour...