- Capital humain et engagement
- ISR et performance
- Étude de cas - En quoi les paiements digitaux participent-ils à une économie plus durable ?
- Étude de cas - L’intérêt pour les investisseurs de maîtriser le sujet de la biodiversité
- Grand Prix Humpact Emploi France
- Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse et de l’engagement - « œuvrer pour une économie plus sociale et plus humaine »
- Les lauréats du Grand Prix Humpact Emploi France 2021


Introduction de André Coisne, fondateur d’Humpact, et Sharon Macbeath, directrice des ressources humaines d’Hermès
Le capital humain est un enjeu central dans les entreprises. « Nous sommes convaincus que bon nombre de problèmes économiques et sociaux peuvent être résolus si notre économie crée de l’emploi, explique André Coisne, fondateur d’Humpact, agence de notation extra-financière sur l’emploi, lors de l’ouverture des Rencontres ISR et capital humain organisées par Option Finance en décembre dernier. Pour le moment, elle n’en crée pas assez, en particulier en France où des progrès restent à faire sur l’emploi des jeunes, des seniors et des personnes en situation de handicap. » Pour avancer sur le sujet, Humpact a identifié les entreprises les plus vertueuses et convaincu les asset managers de créer des produits en faveur de l’emploi en France. « L’objectif consiste à proposer aux investisseurs une alternative à des fonds actions classiques en leur assurant qu’elle aura un impact positif sur l’emploi », précise André Coisne.
La société Hermès est en la matière un bon exemple. « Le modèle Hermès repose sur un modèle artisanal, durable et responsable et qui place l’humain au premier plan, précise Sharon Macbeath, directrice des ressources humaines d’Hermès. Il s’appuie sur une forte intégration verticale et un ancrage territorial important. En matière de handicap, le niveau d’intégration est ainsi, chez Hermès, très important. »
Capital humain et engagement
Croissance inclusive : comment s’emparer du pilier social de l’ESG ?
Le développement de la finance à vocation sociale s’est accéléré à la faveur de la pandémie de Covid-19 qui a mis l’accent sur l’urgence sociale. Si les émissions d’obligations vertes se sont considérablement contractées durant le premier confinement, celles des social bonds n’ont cessé de croître.

Avec de gauche à droite : Bernard Descreux, directeur financement trésorerie groupe, EDF ; Jun Dumolard, directeur financier, Unedic ; Alexis Masse, président, Forum Pour L’investissement Responsable (FIR) ; Ludivine de Quincerot, responsable de l’ESG et de l’analyse financière, Rothschild & Co Asset Management Europe ; Cécile Ezvan (modératrice), professor of strategy and business ethics, Excelia Business school & escp Business School
Le pilier social a longtemps été le parent pauvre de l’investissement durable. « La pandémie a fait ressortir cette urgence sociale, déclare Ludivine de Quincerot, responsable de l’ESG et de l’analyse financière chez Rothschild & Co Asset Management Europe. Côté investisseurs, l’offre “sociale” est restée assez limitée jusqu’à la crise sanitaire. Aujourd’hui, nous nous retrouvons donc avec un appétit des investisseurs plus important pour les fonds sociaux. La prise de conscience porte également sur le lien fort entre la protection de l’environnement et la protection sociale. » EDF estime également que la transition énergétique ne pourra pas se faire sans cette dimension sociale. « Nous venons de lancer un social bond et de publier un manifeste pour la transition juste », précise Bernard Descreux, directeur financement trésorerie groupe chez EDF. L’urgence de la crise a révélé le besoin de sécuriser des fonds ayant une dimension sociale pour soutenir l’économie. « Une démarche à laquelle a participé l’Unedic au travers du chômage partiel », indique ainsi Jun Dumolard, directeur financier de l’Unedic. Bien qu’existant depuis longtemps, la finance solidaire évolue. « Désormais, beaucoup de questions se posent autour de l’emploi, de la santé, de la diversité qui donnent lieu à la création de fonds thématiques dédiés ou à l’intégration de questions nouvelles », constate Alexis Masse, président du Forum pour l’investissement responsable.
Comment accéder à des données pour prendre en compte des enjeux sociaux et humains ?
En France, les données personnelles sont bien protégées et bien gérées, mais il est difficile, notamment au sein du secteur public, de les partager. « L’enjeu de demain en termes de compréhension des besoins et d’identification des impacts est limité par l’accès aux données, leur utilisation de façon sécurisée », explique Jun Dumolard. Dans le domaine de l’investissement durable, la donnée est clé. « L’une des difficultés pour les investisseurs européens ou mondiaux consiste à avoir les mêmes données dans tous les pays, ajoute Ludivine de Quincerot. En Europe, nous avons un facteur d’espoir avec la réglementation dans le domaine de l’investissement durable. » Intégrer des critères durables est créateur de valeur et on ne peut pas opposer durabilité et performance, ce qui est, dans le champ social, un challenge à relever.
Pour renforcer et accélérer la prise en compte du pilier social dans l’investissement responsable, l’engagement des investisseurs est central. « La réglementation, comme la taxonomie sociale, est souvent un support et donne un cadre aux investisseurs », constate Ludivine de Quincerot. « Le bilan social est également un outil intéressant », ajoute Jun Dumolard. « Nous avons besoin d’appels d’offres publics réguliers sur des méthodologies innovantes qui récompensent la création de valeur la plus originale », précise de son côté Alexis Masse. « Il est important de relier les questions sociales et environnementales », conclut Bernard Descreux.
Gestion thématique : l’attrait des investisseurs pour le « social » en forte progression...
Selon un sondage Ifop pour le FIR, parmi les dix sujets identifiés comme prioritaires par les investisseurs, six relèvent du social.

Avec de gauche à droite et de haut en bas : Jean-Bernard Ott, responsable allocation et politique ESG, CAVP (Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens) ; Aude Verriès, head of SRI risks and governance departement, CNP Assurances ; Emmanuelle Gérino (modératrice), vice-présidente, CNCEF (Chambre nationale des conseils experts financiers) ; Adrien Dumas, CIO - directeur des investissements, Mandarine Gestion ; Jean-Philippe Desmartin, directeur de l’investissement responsable, Edmond de Rothschild Asset Management
Les investisseurs ont dès le départ été parties prenantes pour l’intégration des critères ESG dans leur portefeuille. « L’une de nos missions est d’avancer sur les sujets ESG à rendements équivalents ou meilleurs, explique Jean-Bernard Ott, responsable allocation et politique ESG à la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP). Nous investissons aussi sur une politique terrain en soutenant la diversité de notre territoire et agissons pour un équilibre entre le volet social et le volet environnement. »
De bonnes pratiques en matière de ressources humaines augmentent en effet le rendement concurrentiel. « La notion de capital humain est alors très large, souligne Adrien Dumas, CIO, directeur des investissements de Mandarine Gestion. En tant qu’investisseurs, nous devons nous concentrer sur des éléments qui comportent des risques mal gérés et, à l’opposé, sur des indicateurs qui peuvent matérialiser des cercles vertueux au sein des entreprises. »
Comment mieux répondre aux attentes des investisseurs sur les thématiques dites sociales ?
La création d’un fonds thématique sur le social nécessite la mise en place d’un cahier des charges et des outils pour le suivre. « Il y a un lien entre les enjeux sociaux et les entreprises ; nous l’abordons par l’analyse des impacts sociaux de l’entreprise dans la chaîne de valeur et la gestion du capital humain, explique Aude Verriès, head of SRI risk and governance department chez CNP Assurances. Cet aspect est déjà largement pris en compte dans les analyses ESG classiques. Il convient également d’étudier la matérialité des impacts positifs et négatifs de l’entreprise sur la société. » Quand nous parlons de social, les investissements sont souvent de long terme. Parmi eux, ceux portant sur l’éducation sont importants. « L’éducation est l’un des 17 objectifs de développement durable des Nations unies, rappelle Jean-Philippe Desmartin, directeur de l’investissement responsable chez Edmond de Rothschild Asset Management. Il s’agit d’un objectif qui permet d’avancer sur tous les autres ODD. » Dans la notion d’éducation, il faut prendre en compte la formation professionnelle et les enjeux de reconversion professionnelle, notamment des salariés qui travaillent sur des métiers qui pourraient disparaître.
Comment mesurer la « performance » sociale des entreprises ?
Pour mesurer la performance sociale des entreprises, il convient d’éviter tout ce qui relève du social bashing. « Il faut identifier l’impact de nos investissements et nous avons à cet effet besoin de méthodologie robuste et de bon sens », précise Aude Verries. Le règlement « Sustainable Finance Disclosure Regulation » (SFDR) vise également à fournir plus de transparence en termes de responsabilité environnementale et sociale au sein des marchés financiers. « La SFDR n’a rien changé sur notre manière d’investir car la rencontre avec la société de gestion est plus importante », souligne Jean-Bernard Ott. « Pour comparer des fonds, il faut être le plus transparent possible : cela se traduit notamment par des éléments de reporting détaillés », précise Adrien Dumas.
L’avenir prometteur des fonds « emploi »
En ciblant l’objectif de développement durable n° 8 des Nations unies : « travail décent et croissance économique », les fonds sur l’emploi visent à répondre aux nombreuses préoccupations sociales que la crise sanitaire a fait émerger.

Avec de gauche à droite : Laurent Gonon, directeur des gestions, BFT Investment Managers ; Nicolas Hazard, Founder, INCO et conseiller spécial, Commission Européenne ; Frédéric Ponchon, partner & fund manager, Sycomore AM ; Jon Sallé, responsable de l’Observatoire de la finance à impact social, Finansol ; Hugues Franc (modérateur), co-fondateur, Humpact
Le marché de l’emploi évolue énormément. Les compétences et qualifications nécessaires pour entrer sur le marché du travail aujourd’hui sont de plus en plus clés. « Depuis plusieurs années chez INCO, nous investissons dans les entreprises à fort impact social et en particulier dans les entreprises d’insertion qui recrutent des personnes très éloignées de l’emploi, explique Nicolas Hazard, founder, INCO et conseiller spécial à la Commission européenne. Ce sont des investissements rentables et qui ont un fort impact social que nous pouvons mesurer grâce au taux de sortie positive important et le nombre de personnes accompagnées dans l’emploi. » Dans les sociétés de gestion, l’aspect social prend également de plus en plus d’importance et nombreuses sont celles qui se lancent dans la création de fonds « emploi ». « Chez Sycomore, nous entendons investir pour développer une économie plus inclusive et durable et générer des impacts positifs pour l’ensemble des parties prenantes, détaille Frédéric Ponchon, partner & fund manager de Sycomore AM. Cette recherche de l’impact, nous sommes allés la chercher dans l’emploi, vecteur de prospérité et de durabilité pour les entreprises mais également l’un des objectifs de développement durable de l’ONU. Notre fonds en la matière est un fonds dont le format “90-10” contient une partie solidaire non cotée et investie dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire (10) et une autre partie cotée selon une approche ISR sur cette même thématique de l’emploi durable (90) ».
Les fonds ayant pour vocation de créer de l’emploi se multiplient. Pour promouvoir la solidarité dans l’épargne et la finance, l’association Finansol a été créée en 1995. Depuis 2021, sa mission perdure mais son nom change pour devenir FAIR. « L’association Finansol a été créée afin de doter tous les acteurs de la finance durable de moyens collectifs pour se faire connaître, explique Jon Sallé, responsable de l’Observatoire de la finance à impact social chez Finansol. Le label Finansol a pour sa part été créé en 1997 pour faire connaître les différents produits d’épargne solidaire disponibles, et aujourd’hui, ce sont 166 supports d’épargne qui sont labellisés. »
La dimension sociale participe à la « transition juste ».
L’emploi est surtout un problème pour les jeunes, les personnes en situation de handicap et les seniors. « Face à ce constat, nous estimons que pour reconstruire l’économie française, il faut avoir un impact sur l’emploi et utiliser le levier de l’épargne pour avoir cet impact, souligne Laurent Gonon, directeur des gestions chez BFT Investment Managers. Nous avons donc pour volonté d’avoir un fonds à impact ayant un objectif de performance et d’impact social en investissant sur des entreprises françaises qui favorisent l’emploi en France. » La performance financière n’est plus le seul levier pour investir dans les entreprises. Plusieurs critères et indicateurs permettent d’identifier et d’évaluer les émetteurs aux initiatives les plus remarquables en matière sociétale.
ISR et performance
La taxonomie verte européenne galvanise la finance durable
En avril 2021, la Commission européenne (CE) a adopté des mesures permettant aux investisseurs de réorienter leurs investissements vers des technologies et des entreprises plus durables, parmi lesquelles l’acte délégué pour l’application de la taxonomie sur les activités vertes visant à promouvoir les investissements.

Avec de gauche à droite : Isabelle Delattre, directrice pôle finance responsable, Crédit Mutuel Asset Management ; Arnaud Dumas (modérateur), chef de rubrique finance durable, Novethic Essentiel ; Aurélien Girault, chargé de mission finance durable & RSE, Ministère de la Transition Écologique ; Mireille Martini, policy analyst, Environment, Transitions and Resilience Division, OECD - Environment Directorate ; Thomas Page-Lecuyer, directeur investissements ESG, Aviva Investors France
La taxonomie verte a été mise en place pour inciter les acteurs financiers à publier la part verte de leurs investissements. « Cela a néanmoins évolué pendant les négociations qui ont abouti à ce que les acteurs financiers et les acteurs non financiers doivent, du fait de la taxonomie, rendre compte de la part verte de leur activité : CA, capex et opex verts, explique Aurélien Girault, chargé de la mission finance durable & RSE au ministère de la Transition écologique. Ce règlement fait partie de tout un plan d’actions de la Commission européenne pour la finance durable qui a été lancé en 2018 et qui consiste à réorienter les plans d’investissements vers des activités durables sur le plan environnemental dans le cadre desquels s’inscrit cette taxonomie. Cette taxonomie concerne pour le moment six activités. L’objectif consiste à les analyser à l’aune d’objectifs environnementaux. Pour être aligné sur les principes et critères de la taxonomie verte, il faut qu’une activité respecte trois principes : de substantialité, de non-préjudice important, de respect des garde-fous. » La réorientation des fonds ne se fera cependant pas uniquement en fonction de la taxonomie.
« La taxonomie provoque notamment la discussion entre les Etats membres sur la déclinaison du plan européen dans chaque pays sur, concrètement, comment nous faisons la décarbonation », ajoute pour sa part Mireille Martini, policy analyst, environment transition & resilience division à l’OECD, Environnement Directorate. Un important travail reste néanmoins à réaliser par la Commission sur les différentes branches de la taxonomie dans les prochaines années. Un travail qui concerne également les sociétés de gestion.
La taxonomie versus les sociétés de gestion
« La taxonomie représente une importante charge de travail qui mobilise tous nos services transversaux. Cette réglementation est à plusieurs tiroirs et étapes. Il faut d’ailleurs l’appréhender sous forme d’objectifs. L’un d’entre eux consiste à orienter les flux financiers sur les investissements verts, mais cela ne se verra pas immédiatement », explique Isabelle Delattre, directrice pôle finance responsable du Crédit Mutuel Asset Management. « Cette taxonomie est en effet révolutionnaire pour notre secteur d’activité, avec beaucoup de transformations, de réflexions et de travail pour imprimer un nouveau canevas pour la gestion et les portefeuilles ainsi qu’une nouvelle approche extra-financière, ajoute Thomas Page-Lecuyer, directeur des investissements ESG chez Aviva Investors France. C’est également une importante opportunité. Avant la taxonomie verte et le travail de la Commission européenne, nous étions dans un environnement peu visible. Nous avions besoin de beaucoup de transparence de la part des entreprises en portefeuille et celles dans lesquelles nous investissons, ainsi que d’une méthodologie claire et homogène. Grâce à la taxonomie, cette méthodologie arrive. La réglementation va également imposer aux grandes entreprises dans lesquelles nous investissons de nous fournir ces informations, nous permettant ainsi d’être plus carrés sur l’investissement dit “vert” selon la taxonomie. » Sachant que d’autres dispositifs européens doivent arriver comme la CSRD ou le SFDR.
« Aujourd’hui, on quitte l’ère de l’exclusion pour entrer dans celle de l’intégration, ajoute Thomas Page-Lecuyer. A court terme, cette taxonomie sera plutôt exclusive, pour très peu d’acteurs. Mais à long terme, elle devrait instaurer un cercle vertueux pour l’ensemble des acteurs, y compris les entreprises qui évoluent en matière environnementale. »
La taxonomie verte a été mise en place pour inciter les acteurs financiers à publier la part verte de leurs investissements. « Cela a néanmoins évolué pendant les négociations qui ont abouti à ce que les acteurs financiers et les acteurs non financiers doivent, du fait de la taxonomie, rendre compte de la part verte de leur activité : CA, capex et opex verts, explique Aurélien Girault, chargé de la mission finance durable & RSE au ministère de la Transition écologique. Ce règlement fait partie de tout un plan d’actions de la Commission européenne pour la finance durable qui a été lancé en 2018 et qui consiste à réorienter les plans d’investissements vers des activités durables sur le plan environnemental dans le cadre desquels s’inscrit cette taxonomie. Cette taxonomie concerne pour le moment six activités. L’objectif consiste à les analyser à l’aune d’objectifs environnementaux. Pour être aligné sur les principes et critères de la taxonomie verte, il faut qu’une activité respecte trois principes : de substantialité, de non-préjudice important, de respect des garde-fous. » La réorientation des fonds ne se fera cependant pas uniquement en fonction de la taxonomie.
« La taxonomie provoque notamment la discussion entre les Etats membres sur la déclinaison du plan européen dans chaque pays sur, concrètement, comment nous faisons la décarbonation », ajoute pour sa part Mireille Martini, policy analyst, environment transition & resilience division à l’OECD, Environnement Directorate. Un important travail reste néanmoins à réaliser par la Commission sur les différentes branches de la taxonomie dans les prochaines années. Un travail qui concerne également les sociétés de gestion.
La taxonomie versus les sociétés de gestion
« La taxonomie représente une importante charge de travail qui mobilise tous nos services transversaux. Cette réglementation est à plusieurs tiroirs et étapes. Il faut d’ailleurs l’appréhender sous forme d’objectifs. L’un d’entre eux consiste à orienter les flux financiers sur les investissements verts, mais cela ne se verra pas immédiatement », explique Isabelle Delattre, directrice pôle finance responsable du Crédit Mutuel Asset Management. « Cette taxonomie est en effet révolutionnaire pour notre secteur d’activité, avec beaucoup de transformations, de réflexions et de travail pour imprimer un nouveau canevas pour la gestion et les portefeuilles ainsi qu’une nouvelle approche extra-financière, ajoute Thomas Page-Lecuyer, directeur des investissements ESG chez Aviva Investors France. C’est également une importante opportunité. Avant la taxonomie verte et le travail de la Commission européenne, nous étions dans un environnement peu visible. Nous avions besoin de beaucoup de transparence de la part des entreprises en portefeuille et celles dans lesquelles nous investissons, ainsi que d’une méthodologie claire et homogène. Grâce à la taxonomie, cette méthodologie arrive. La réglementation va également imposer aux grandes entreprises dans lesquelles nous investissons de nous fournir ces informations, nous permettant ainsi d’être plus carrés sur l’investissement dit “vert” selon la taxonomie. » Sachant que d’autres dispositifs européens doivent arriver comme la CSRD ou le SFDR.
« Aujourd’hui, on quitte l’ère de l’exclusion pour entrer dans celle de l’intégration, ajoute Thomas Page-Lecuyer. A court terme, cette taxonomie sera plutôt exclusive, pour très peu d’acteurs. Mais à long terme, elle devrait instaurer un cercle vertueux pour l’ensemble des acteurs, y compris les entreprises qui évoluent en matière environnementale. »
L’engagement actionnarial, un levier central de la transition écologique
Dès lors qu’un investisseur décide d’intégrer dans sa stratégie d’investissement des enjeux ESG et des indicateurs extra-financiers, il peut engager une démarche de dialogues et d’engagements avec les entreprises visées pour qu’elles améliorent leurs pratiques dans le temps.

Avec de gauche à droite et de haut en bas : Frédérique Barthelemy, ESG Investors Relations Manager, TotalEnergies ; Julie Evain, cheffe de projet réglementation financière et climat, I4CE (Institut de l’économie pour le climat) ; Esther Finidori, VP Environment Strategy & Sustainability, Schneider Electric ; Delphine Lalu (modératrice), head of CSR and corporate philanthropy, Ag2r La Mondiale ; Hélène Valade, directrice développement environnement groupe, LVMH et présidente, ORSE (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises) ; Peter Van Der Werf, Engagement Specialist, Robeco
Les pratiques de dialogue entre les actionnaires et les émetteurs tendent à évoluer et à se développer. « Ce dialogue actionnarial sert notamment à mettre en avant les exemples de transformation et leurs impacts, ou encore la mesure de la performance ESG, explique Hélène Valade, directrice développement environnement groupe, LVMH & Présidente, ORSE (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises). Il se double d’un dialogue renforcé avec les ONG et les consommateurs. » Nous assistons ainsi à l’émergence de l’expression d’une performance environnementale et ESG qui va être directement attachée au produit et qui fait entrer le consommateur dans l’appréciation de sa performance environnementale. Un enjeu qui se complexifie et qui plaide pour une approche capable de capter l’ensemble des dimensions de l’ESG et pas seulement celle du climat. « Le climat reste néanmoins une importante priorité pour Robeco et nous avons de forts engagements en matière de réduction de notre empreinte carbone, indique Peter Van Der Werf, engagement specialist chez Robeco. Aujourd’hui, le climat et la décarbonation deviennent d’ailleurs des facteurs d’exclusion de nos programmes d’investissements. Si les entreprises ne s’engagent pas sur ce sujet et qu’elles n’atteignent pas certains objectifs de décarbonation, alors elles ne sont plus éligibles à nos programmes d’investissements. »
Par le passé, les investisseurs assez engagés pratiquaient plutôt le désinvestissement que l’engagement actionnarial. « C’est un mouvement qui a néanmoins trouvé ses limites et, depuis fin 2017 nous avons vraiment vu l’engagement actionnarial prendre davantage de substance, constate Julie Evain, cheffe de projet réglementation financière et climat, I4CE, Institut de l’économie pour le climat. Cependant, le bilan reste assez mitigé. Côté entreprises, la réglementation européenne va permettre d’apporter beaucoup plus d’informations relatives aux enjeux ESG. Le régulateur pourra vérifier ce que publient les entreprises et les investisseurs pourront s’appuyer sur ces éléments et les comparer à différents plans de transition sectorielle. »
Comment appréhender ces réglementations ?
Le climat est un sujet sur lequel il faut aller beaucoup plus vite. Pour autant, il n’occulte pas les autres sujets qui, au contraire vont en bénéficier, notamment au travers de l’amélioration des pratiques. « En termes d’évolution au niveau européen, il y a également une logique de passage à l’échelle avec par exemple l’élargissement du périmètre de la CSRD, souligne Esther Finidori, VP environment strategy & sustainability chez Schneider Electric. Cela permettra de répliquer dans les entreprises de taille plus modeste les bonnes pratiques ou les pratiques ESG que nous avons aujourd’hui dans les grosses entreprises. Cela permettra également de relier plus profondément le financier et l’extra-financier. » Total Energies a également fait bouger sa politique climat grâce au dialogue avec les émetteurs. « Du fait de nos activités, nous sommes au cœur du défi du changement climatique, indique Frédérique Barthelemy, ESG investors relations manager TotalEnergies. Nous poursuivons notre dialogue avec nos investisseurs. Cet engagement actionnarial nous permet de nous poser des questions et d’avancer sur l’ensemble des sujets ESG, dont le climat. Sur ce volet climat, nous estimons important de permettre cette consultation via un vote sur notre ambition de développement durable los de notre assemblée générale, ce qui nous a permis de renforcer notre dialogue avec nos investisseurs. »
Aujourd’hui, les investisseurs ont la capacité de demander à leurs entreprises émettrices d’accélérer leur transition. A cet effet, il convient de faciliter l’accès à la donnée, d’harmoniser les standards et la réglementation et de faire progresser la mesure de l’impact.
Les labels et les reportings durables au service de la gestion responsable
Face à la prolifération des fonds durables, comment s’assurer que les produits estampillés ESG ou ISR respectent bien leurs promesses ?

Avec de gauche à droite : Phillippe Dutertre (modérateur), directeur au sein de la direction des investissements & du financement, chargé de mission finance durable et rayonnement, AG2R La Mondiale, Isabelle Guénard-Malaussene, présidente du comité du label solidaire, Finansol-Fair et présidente, Finance@Impact ; Guillaume Lasserre, adjoint au directeur des gestions, La Banque Postale Asset Management ; Frédéric Pelèse, directeur adjoint - régulation et affaires internationales, AMF
Il y a beaucoup de labels et systèmes de notations qui permettent de comparer les différents fonds ESG. « Le label Finansol est un label solidaire à impact social, explique Isabelle Guénard-Malaussene, présidente du comité du label solidaire, Finansol-Fair & présidente, Finance@Impact. Il permet de soutenir des projets de territoire non cotés à très forte utilité sociale et environnementale. Le pilier de ce label consiste à investir dans des structures qui répondent à des besoins de base (logement, alimentation, etc.), destinées à des populations exclues. »
« En 2018, la Banque Postale Asset Management a décidé d’être 100 % labellisée ISR, précise pour sa part Guillaume Lasserre, adjoint au directeur des gestions de la Banque Postale Asset Management. Nous souhaitions être validés dans notre démarche par des tiers. Cela donne des gages à nos clients particuliers et distributeurs de la qualité de nos gestions. » Le label doit par ailleurs être crédible et inspirer confiance. « Dans le cadre du label ISR public français, une gouvernance prometteuse a été mise en place », poursuit Guillaume Lasserre. « La qualité pour un label est le tiers extérieur et la rigueur de l’examen du sujet, du reporting d’impact, etc. », poursuit Isabelle Guénard-Malaussene.
Les labels et systèmes de notation permettent-ils de comparer les différents fonds socialement responsables ?
« Il existe une grande interconnexion entre les différents textes européens, précise Frédéric Pelese, directeur adjoint régulation et affaires internationales à l’AMF. Trois éléments clés sont essentiels : la primauté de la déclaration de performance extra-financière des émetteurs, le rôle de la taxonomie environnementale et le fait que tous les reportings exigés finissent par converger au point de vente dans la relation entre le distributeur, le conseiller financier et le client retail quand il s’agit de déterminer les choix d’investissements. Pour le régulateur, être un produit article 8 ou 9 n’est pas une garantie de durabilité. » Pour faire un bon reporting, il faut des standards de remontée de cette donnée extra-financière.
Étude de cas - En quoi les paiements digitaux participent-ils à une économie plus durable ?
Pour Graeme Clark, gérant de portefeuille chez Janus Henderson Investors, « la crise sanitaire a accéléré la transformation numérique tout en prouvant la capacité des sociétés à fonctionner plus efficacement en émettant moins de carbone ». Les innovations digitales ont permis, malgré les confinements successifs, d’assurer la continuité de l’activité économique durant les deux dernières années. A titre d’exemple, les paiements digitaux constituent une innovation majeure dont tous les secteurs bénéficient (santé, finance, éducation, etc.) depuis plusieurs années déjà. Certes, l’utilisation de l’argent liquide dans les paiements avait déjà baissé dans de nombreuses économies avancées avant même le début de la crise, mais, jugés plus pratiques et plus rapides, les paiements numériques ont, quant à eux, connu une croissance fulgurante depuis lors. Ces paiements dématérialisés ont également l’avantage d’être plus durables. Graeme Clark insiste ainsi sur le fait que la numérisation et la durabilité sont inextricablement liées car elles contribuent à réduire l’empreinte carbone des populations et des entreprises.
Si les fintechs connaissent aujourd’hui un tel essor, c’est parce qu’elles ont compris le rôle crucial de la numérisation, qui est à la fois source d’efficience et de durabilité. Elles viennent ainsi pallier les difficultés de certaines banques. Pour Sylvie Malécot, directeur de l’AF2I : « Si vous levez des fonds sur les marchés des capitaux aujourd’hui, on vous posera deux questions : premièrement, quel est votre engagement envers l’ESG ? Deuxièmement : comment faites-vous face aux changements technologiques ? Ce sont des questions distinctes, pour lesquelles vous avez besoin de réponses claires. En revanche, la principale question qui se posera dans les prochaines années est la suivante : comment tirez-vous parti des innovations numériques pour atteindre vos objectifs ESG ? » Les paiements digitaux apportent une réponse claire à cette question car « ils permettent, à travers l’utilisation de transactions sans papier ainsi qu’une plus grande efficacité globale du système et de la logistique de la chaîne d’approvisionnement, de réduire l’empreinte carbone. Cela représente un enjeu ESG majeur ».
Étude de cas - L’intérêt pour les investisseurs de maîtriser le sujet de la biodiversité
Les enjeux du climat sont internationaux. La France a plusieurs longueurs d’avance dans ce domaine, notamment grâce à la loi du 8 août 2016, qui définit pour la première fois dans le Code civil ce qu’est la biodiversité.
La biodiversité est un sujet important à traiter du point de vue de l’investisseur. « Historiquement, lorsqu’un investisseur analyse une entreprise, il regarde essentiellement le travail et le capital, précise Augustin Vincent, responsable de la recherche ESG chez Mandarine Gestion. Avec la biodiversité apparaît la notion de capital naturel, à savoir l’ensemble des stocks que la nature nous propose et qui vont ensuite être retraités dans les entreprises dans le cadre de leurs activités. En tant que société de gestion, nous nous y intéressons car le PIB mondial dépend à 50 % de la biodiversité et 60 % du capital naturel est dégradé. Tout l’enjeu pour nous consiste à intégrer cette érosion de la biodiversité dans nos systèmes de valorisation des entreprises. »
L’objectif consiste à se doter en base de données afin de bien cerner tous les enjeux de l’entreprise vis-à-vis de la biodiversité dans les deux sens : l’impact des investissements sur l’environnement et comment l’érosion de ce capital naturel aura un impact sur les entreprises dans lesquelles nous investissons (double matérialité sur la biodiversité).
Quels données, méthodes et outils pour évaluer la biodiversité ?
« Aujourd’hui deux grands types de mesures émergent pour évaluer l’impact des portefeuilles financiers sur la biodiversité : une mesure de richesse de la diversité qui mesure le nombre d’espèces différentes dans un espace donné et une mesure d’abondance qui va calculer la taille de la population des différentes espèces, souligne Clément Lavallez, consultant associé, investissement durable chez Amadeis. L’indicateur MSA mesure l’évolution de l’abondance moyenne des espèces entre un état non perturbé et aujourd’hui. » Par ailleurs une douzaine d’outils et d’indicateurs sont en cours de développement comme le Global Biodiversity Score ou le Corporate Biodiversity Footprint. Le cadre réglementaire se met également en place avec l’article 29 en France et la SFDR qui interviendra dans un an.
Grand Prix Humpact Emploi France
La mission d’Humpact, agence de notation extra-financière, est de montrer qu’il est possible d’allier réussite économique et préservation de l’emploi sur nos territoires. Humpact fournit aux investisseurs, qu’ils soient institutionnels ou particuliers, les outils nécessaires à la compréhension de l’impact sociétal de leurs investissements.

Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse et de l’engagement - « œuvrer pour une économie plus sociale et plus humaine »
Les fonds à impacts sont des accélérateurs de la transformation en faveur de l’environnement. L’Etat donne un cap, des normes. Mais il faut aussi faire confiance à notre jeunesse qui est également très active et militante sur le sujet. Il n’y a pas d’âge pour s’engager et prendre sa part dans la préservation de l’environnement. Chacun a son rôle à jouer et une capacité d’action. Aujourd’hui, les fonds à impact mettent en exergue la responsabilité environnementale. Mais que fait-on de l’impact social ? Comment le valorise-t-on ? Comment le mesure-t-on ? Comment allons-nous plus loin ? Ce sont les enjeux de la jeunesse actuelle quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne car nous sommes tous à la recherche de sens. Ce sens ne peut plus se vivre chez soi de manière individualisée si nous travaillons par ailleurs dans une entreprise qui ne s’engage pas en la matière. Nous devons accompagner les jeunes dans leur capacité à être des citoyens acteurs. L’économie crée de la richesse, un modèle social. Nous pouvons faire en sorte que cette économie soit la plus responsable et humaine possible avec un partage des richesses plus juste mais surtout de l’emploi en France et de qualité. Il faut pour cela de la convergence entre les lieux de formations, les emplois des jeunes et les entreprises.
Organisé pour la deuxième année, le Grand Prix Humpact Emploi France, sponsorisé par Talence Gestion, récompense les entreprises cotées créatrices d’emploi ayant déployé les politiques sociales les plus vertueuses en France.
Cinq trophées ont été remis selon les catégories suivantes :
– Grand Prix Humpact Emploi France (gagnant toutes catégories confondues)
– Parité femmes-hommes
– Jeunes
– Seniors
– Personnes en situation de handicap.
Les nominés du Grand Prix Humpact Emploi France 2021 étaient les suivants :
- Jeunes : Eiffage, Engie, Icade
- Seniors : Derichebourg, Guerbet, ID Logistics
- Personnes en situation de handicap : Biomérieux, Crédit Agricole, Hermès
- Parité femmes-hommes : FDJ, Suez, TF1
- Emploi : Hermès, Soitec, Veolia
Les prix ont été remis par :
- Didier Demeestere, président-fondateur de Talence Gestion
- Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de l’Engagement du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports
- André Coisne, co-fondateur d’Humpact
- Hugues Franc, co-fondateur d’Humpact
Les lauréats du Grand Prix Humpact Emploi France 2021
Emploi : Hermès
Olivier Fournier, directeur général en charge de la gouvernance et du développement des organisations chez Hermès (remis par S. El Haïry).
Jeunes : Engie
Le prix a été remis à Rachel Compain, directrice développement social et diversité chez Engie, par Didier Demeestere, président-fondateur de Talence Gestion.
Seniors : ID Logistics
Le prix a été remis à Guillaume Delaval, directeur RSE chez ID Logistics par Hugues Franc, co-fondateur d’Humpact.
Personnes en situation de handicap : Biomérieux
Christine Guétat, coordinatrice références handicap chez Biomérieux, le prix lui a été remis par Hugues Franc, co-fondateur d’Humpact.
Parité femmes-hommes : TF1
Le prix a été décerné à Cécile Monthiers, directrice du développement des talents du Groupe TF1, par Didier Demeestere, président-fondateur de Talence Gestion.
