
Alfred Le Léon, head of ETF Distribution France, JP Morgan AM
Après un exercice 2020 historique en termes de collecte, comment s’est comporté le marché mondial des ETF depuis le début de l’année ?
Sur ce marché, il est devenu habituel de parler d’« année record ». Même si le cru 2021 n’est toujours pas achevé, il est d’ores et déjà acquis qu’il ne dérogera pas à la règle. Sur les sept premiers mois d’exercice, la collecte mondiale a en effet dépassé 700 milliards de dollars, soit quasiment la totalité collectée sur l’ensemble de l’année 2020 ! Cette dynamique est perceptible aux Etats-Unis, premier marché des ETF, mais aussi en Europe, où la collecte nette a atteint 150 milliards de dollars entre janvier et septembre, contre environ 120 milliards sur les 12 mois des deux années précédentes.
Grâce à cette dynamique, l’encours global des ETF pourrait très bientôt franchir la barre fatidique des 10 000 milliards de dollars – dont 1 400 milliards de dollars sur les marchés Ucits. Ces encours devraient continuer de progresser, au point de culminer à 15 000 milliards de dollars d’ici 2025 selon certaines prévisions.
Quels moteurs entretiennent la dynamique actuelle ?
Historiquement, les investisseurs se sont tournés vers les ETF afin de bénéficier d’une exposition aux principaux indices de capitalisation boursière sur les actions internationales. Ce type de stratégie, dite indicielle ou passive, continue de représenter la majorité du stock d’actifs sous gestion (AUM), soit plus de 75 % aujourd’hui. Pour autant, sa part ne cesse de reculer, au profit d’autres types de stratégies. Le premier facteur de cet engouement tient à la thématique ESG, qui intéresse un nombre croissant d’investisseurs. C’est notamment le cas en Europe, où près de 40 % de la collecte des neuf premiers mois de cette année concernait des ETF incorporant des critères à dimension ESG. Il faut probablement y voir un effet du règlement européen Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFRD) qui, entré en vigueur en mars dernier, impose aux gérants une transparence accrue en ce qui concerne le contenu des produits RSE qu’ils commercialisent. Marché de niche à l’origine, l’ESG devient progressivement le standard.
Les ETF obligataires représentent le deuxième moteur. Alors que beaucoup s’attendaient à ce que l’écosystème ne résiste pas en cas d’épisode d’extrême volatilité sur les marchés financiers, la crise sanitaire a démontré le contraire. Autre signe majeur de cette adoption, l’utilisation par la Réserve Fédérale Américaine des ETF obligataires dans le cadre de son programme de rachat d’actifs. Forte des bénéfices qu’elle offre (transparence, efficience opérationnelle et économique, etc.), cette typologie d’instruments pèse désormais près de 25 % des AUM. Une part appelée selon nous à augmenter, elle aussi.
Quelles thématiques les porteurs d’ETF obligataires ciblent-ils ?
L’ensemble des segments bénéficient de cet engouement, la dette émergente et le crédit à haut rendement sont particulièrement plébiscités.
Quel dernier moteur avez-vous identifié ?
L’une des tendances marquantes observées des deux côtés de l’Atlantique concerne la montée en puissance des ETF encapsulant une stratégie active. Il faut dire que ceux-ci présentent l’intérêt de pouvoir fournir une exposition sur mesure aux investisseurs avec à la clé, pour ces derniers, toute une série d’avantages : ils peuvent contribuer à réduire le risque du portefeuille. Par exemple, ils peuvent limiter l’exposition aux entreprises surévaluées et augmenter l’exposition aux valeurs plus attractives, plutôt que de s’en tenir aux pondérations des indices. Il convient cependant de noter que la génération d’alpha n’est pas garantie et celle-ci peut être négative.
Les ETF actifs présentent aussi l’avantage de fournir une exposition ciblée à des critères d’investissement spécifiques et d’intégrer les points de vue ESG d’un analyste fondamental et ce notamment grâce à leur indépendance par rapport à l’indice.
Dans ce contexte, la percée des ETF actifs ou smart beta n’aurait rien de surprenant. Selon l’étude Trackinsight Global ETF Survey 2021, ceux-ci pourraient concentrer près de 40 % des encours d’ici 2023.
Quelles innovations le marché des ETF réserve-t-il dans les mois à venir ?
L’ESG, l’obligataire et la gestion active devraient rester au cœur des développements futurs de ce marché. Avec, certainement, une prime aux ETF qui combineront ces trois caractéristiques. Mais d’autres nouveautés ne sont pas à exclure. En effet, la plupart des investisseurs prennent seulement conscience des opportunités que peut offrir cette technologie. En ce sens, les ETF s’imposent incontestablement comme la plus grande innovation que l’industrie financière ait connue durant ces deux dernières décennies.
L’ESG, l’obligataire et la gestion active devraient rester au cœur des développements futurs de ce marché. Avec, certainement, une prime aux ETF qui combineront ces trois caractéristiques. Mais d’autres nouveautés ne sont pas à exclure. En effet, la plupart des investisseurs prennent seulement conscience des opportunités que peut offrir cette technologie. En ce sens, les ETF s’imposent incontestablement comme la plus grande innovation que l’industrie financière ait connue durant ces deux dernières décennies.