2025 : rien ne va plus, faites vos vœux !
Où donc iront les marchés, eux qui aiment tant à se projeter, sans prendre trop de risques (bien sûr) ? Vers les vrais chefs sans doute : les Etats-Unis, le dollar, les leaders technologiques et boursiers – qui sont toujours les mêmes. Comme nous vivons en effet une situation terriblement complexe, d’autant plus que les rapports politiques dits « de force » sont plus interdépendants et instables que jamais, on peut penser que les marchés vont parier sur les colosses aux pieds les moins argileux ! La course aux armements deviendra celle aux bunkers d’épargne. Voici le moins incertain, pour les mois qui viennent.
Etats-Unis : Donald Trump a retenu de son premier mandat qu’il lui faudrait aller très vite au début de son second. Ceci avant que les machines politiques, médiatiques, juridiques et surtout bureaucratiques… ne se mettent à freiner son triple programme : protéger, simplifier et moderniser le pays, pour être de loin le premier de tous. Les marchés ont évidemment épousé cette perspective, en ce qu’ils voient plus chez Trump 2 une accentuation des choix de Biden, avec cette étrange alliance entre Américains trumpiens de la Prairie et foucades d’Elon Musk. Ce seront plus d’emploi et de croissance, avec au moins autant d’inflation, pensent-ils. Ce sera donc une Bourse qui monte avec Apple, Nvidia et le bitcoin, dans l’espoir que la technologie américaine vaincra, aidée par la dérégulation et le rapatriement d’activités stratégiques, depuis la Chine et Taïwan. Les Etats-Unis s’embarquent dans une voie plus en avance sur les autres, d’autant qu’ils les freinent par droits de douane et embargos interposés. Meilleurs vœux de succès mondial pour eux ? Et nous ?
«La Banque centrale européenne devra résister à un jeu de forces internes et externes plus opposées que jamais»
Chine : Xi est sous la pression externe des droits de douane américains et des sanctions sur les exportations de leurs puces. Mais il est aussi sous la pression interne d’une croissance qui interroge, avec ces logements inachevés qui pèsent sur les comptes des banques, des mairies, des régions, et des ménages qui en espèrent un supplément de retraite… quand ils pourront les louer. L’effet mathématique de ces pressions agrégées est la montée du déficit budgétaire, avec comme solutions, plus politiques que monétaires, des baisses de taux, mais elles pourraient dissuader des achats et des encaisses en renminbi. Meilleurs vœux pour parier dessus, en achetant la Bourse de Pékin !
Zone euro : la Banque centrale européenne (BCE) devra résister à un jeu de forces internes et externes plus opposées que jamais. Elle devra continuer à baisser ses taux vers 2,75 % pour soutenir la croissance car l’inflation est à 2,2 %, presque conforme à son mandat unique à 2 % ! Certes, à l’intérieur, les salaires dans les services font de la résistance mais, à l’extérieur, les Etats-Unis augmentent les droits de douane sur les voitures allemandes, ce qui pèse sur la croissance du pays, tandis que la Chine, frappée elle aussi par les taxes américaines, déverse en Europe ses surcapacités, « pour se renflouer ». Moins de croissance et d’inflation : la récession ? Sans compter la guerre en Ukraine et le déficit en France qui font monter les taux longs. Alors, profiter d’un Black Friday boursier : quels vœux !
France : Premier ministre est un emploi en CDI, avec I pour Indéterminé, ce qui est vrai, pas pour Infini. Faillite française à l’horizon ? Non, pour la bonne raison que la BCE interviendra pour l’empêcher : la France est too big to fail, car sa chute serait celle de l’euro. C’est le calcul secret, au-delà des angoisses affichées, et c’est pourquoi la Bourse et les taux longs tiennent et que l’on peut continuer à avoir des dépenses au-delà de 510 milliards d’euros contre 380 milliards de rentrées, selon le projet de budget (refusé) pour 2025. Combien de temps va-t-on dépenser un tiers de plus que nos ressources annuelles, avec une dette publique détenue à 55 % en mains étrangères et une Bourse à 50 %, sans économiser ? Vœux 2025 : vivement 2026 !
Jean-Paul Betbèze, économiste, diplômé d’HEC, docteur d’Etat agrégé de sciences économiques. Il a commencé sa carrière dans l’enseignement en tant que professeur d’université, notamment à Paris II-Panthéon Assas à partir de 1987. Entré en 1986 comme directeur d’études au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), il rejoint trois ans plus tard le Crédit Lyonnais comme directeur des études économiques et financières, puis en 1995, comme directeur de la stratégie. En 2003, il est promu conseiller du président et du directeur général de Crédit Agricole, puis directeur des études économiques et chef économiste. Il a crée sa propre structure de conseil en 2013. Il est membre du Cercle des économistes.
Du même auteur
Une politique monétaire par temps de guerres ?
En temps de guerre, les politiques monétaires doivent s’adapter. Regardons la Russie, Israël ou les…
2024, après 1968 et 1981 : quand les marchés prennent le pouvoir
Des dizaines de milliards (100 dans la foule d’estimations ?) pour le programme « de droite », qui…