
Allemagne année zéro
Le désengagement américain de l’Europe, annoncé par les émissaires de Donald Trump à la Conférence sur la sécurité de Munich (MSC), est un tournant historique. Les Etats européens sont pressés d’investir massivement dans la défense et il leur faut donc dégager des ressources. C’est un défi supplémentaire pour l’Allemagne, dont la politique budgétaire est contrainte par la règle du « frein à l’endettement » inscrite dans sa Constitution.
Les fonds spéciaux « hors budget » seront vraisemblablement une nouvelle fois mis à contribution. Peu après le début de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, Olaf Scholz avait fait voter un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser l’armée allemande. Fin 2024, il restait moins de 10 milliards disponibles. Friedrich Merz, le très probable futur chancelier, a déclaré peu après la MSC que l’Allemagne devra relever la part de ses dépenses de défense dans le PIB de 2 % à 3 %, sans préciser l’horizon. Pour donner un ordre de grandeur, pour atteindre cette cible à partir de 2026, il faudrait budgéter une enveloppe minimale de 200 milliards d’euros sur les cinq prochaines années.
La création d’un nouveau fonds doit être avalisée par une majorité des deux tiers au Parlement, une procédure qui prendra du temps. L’impact économique n’est donc pas attendu avant 2026. Les études empiriques montrent que les investissements publics ont un multiplicateur nettement supérieur à 1 en moyenne sur cinq ans. Toutefois, les dépenses de défense ont un multiplicateur plus faible dans la plupart des pays européens, compte tenu du fait que de nombreux équipements militaires sont importés. Les dépenses militaires allemandes ont augmenté de 24 % en 2024 (soit de 16 milliards d’euros ou 0,4 % du PIB). Mais cela n’a pas suffi à faire sortir l’économie de la récession. La question militaire n’est qu’un détail du défi allemand.
Didier Borowski est responsable de la recherche sur les politiques macroéconomiques au sein de l’Amundi Investment Institute. Auparavant, il a exercé plusieurs fonctions : responsable de la stratégie Taux et Changes, co responsable de l’équipe de Stratégie et Recherche économique, responsable de la macroéconomie puis plus récemment responsable global views. Avant de rejoindre Amundi, il était économiste et stratégiste senior de Société Générale Asset Management (2000-2009). Didier Borowski a commencé sa carrière au sein de la Direction de la Prévision du Ministère de l’économie et des finances. Il a également exercé les fonctions d’expert auprès de la Commission européenne. Didier Borowski est Docteur ès sciences économiques. Il a été Professeur associé à l’Université Paris Nord (2007-2011) puis a enseigné plusieurs années à l’université Paris-Dauphine.
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