Ce que la théorie économique nous dit de la politique américaine

Publié le 10 février 2017 à 17h53    Mis à jour le 3 mars 2017 à 17h14

Patrick Artus

Il est aujourd’hui très probable que l’administration Trump va mettre en place à la fois une relance budgétaire et des mesures protectionnistes (droits de douane sur un certain nombre de produits et de pays d’origine des importations des Etats-Unis) dans une situation de plein emploi. L’analyse économique nous donne un message très clair sur les conséquences de ce type de politique : il y a déficit extérieur, forte appréciation du taux de change, hausse des taux d’intérêt, hausse de l’inflation. Les marchés financiers et l’économie américaine se dirigent bien aujourd’hui dans cette direction.

On s’attend à voir apparaître aux Etats-Unis une relance budgétaire et des mesures protectionnistes dans une situation de plein emploi. Le plein emploi est visible non seulement à un niveau très faible du chômage mais aussi à l’accélération des salaires (presque + 3 % sur un an pour le salaire médian ; + 6 % sur un an pour les plus bas salaires). Dans cette configuration, même s’il n’y a pas de forte relance de l’investissement public en infrastructures, la probabilité qu’il y ait une baisse très importante de la taxation des profits des entreprises, pouvant correspondre à presque 2 points de PIB de baisse de cet impôt, est très grande, car cette politique est la manière pour Donald Trump d’inciter les entreprises à créer des emplois aux Etats-Unis.

Par ailleurs, des mesures protectionnistes (droits de douane sur certains produits ou sur les importations depuis certaines origines) seront certainement prises. Que nous dit l’analyse économique traditionnelle des effets d’une relance budgétaire et de mesures protectionnistes mises en place au plein emploi ?

S’il y a plein emploi, la production nationale ne peut pas augmenter. Puisque la relance budgétaire accroît la demande intérieure, pour rééquilibrer le marché des biens et services sans hausse de production, il faut à la fois une hausse des taux d’intérêt (qui réduit ex post la demande intérieure) et un déficit extérieur (une contribution négative du commerce extérieur à la croissance). Le déficit extérieur nécessite une forte appréciation du taux de change, puisqu’il faut qu’elle compense de plus l’effet de la hausse des droits de douane. La hausse des taux d’intérêt, enfin, réduisant la demande de monnaie, il faut une hausse des prix pour rééquilibrer l’offre et la demande de monnaie.

Il est intéressant de voir que l’économie américaine et les marchés financiers réagissent bien de manière conforme à cette analyse. Au quatrième trimestre 2016, la croissance des Etats-Unis est modeste, voisine de la croissance potentielle (2 % environ), et la contribution du commerce extérieur à la croissance est négative, situation normale au plein emploi. L’inflation anticipée, les taux d’intérêt anticipés à court terme et les taux d’intérêt à long terme augmentent ; le dollar s’apprécie. Ces évolutions, encore timides aujourd’hui, devraient donc s’amplifier.

Patrick Artus Membre du Cercle des Economistes

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Devenu en 1998 directeur de la recherche et des études de Natixis, il est promu chef économiste en mai 2013. Depuis septembre 2024, il est conseiller économique d'Ossiam. Il est également membre du Cercle des Economistes.

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