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De l’intérêt du non-coté
Le non-coté a le vent en poupe, mais la recherche commence à peine s’y intéresser. Elle cherche à comparer les performances des fonds spécialisés dans ces titres avec celles des valeurs cotées, mais la comparaison s’avère complexe entre titres liquides et titres illiquides.
Le non-coté a le vent en poupe. Rien qu’aux Etats-Unis, l’ensemble des fonds représente environ 14 % des placements en actions et connaît une croissance annuelle de l’ordre de 14 % (chiffres de 2022) avec des levées annuelles qui sont passées de quelque 50 milliards de dollars au début du siècle à plus de 350 milliards aujourd’hui. Ce succès n’est pas sans attirer les critiques, notamment sur les gains réalisés par les gérants des fonds, dont les carried interests depuis le début du siècle auraient dépassé les mille milliards de dollars. Plusieurs arguments militent pour la classe d’actifs et les travaux scientifiques pour mieux appréhender ses avantages et ses différences se développent, et ce malgré une rareté relative de données. Que nous apprennent ces recherches portant sur l’ensemble des fonds accessibles aux Etats-Unis, marché leader de ce segment ?
Plusieurs présentations faites au récent séminaire d’Inquire Europe tentent de lever le voile sur les performances des fonds non cotés et leurs possibles explications. Per Strömberg, expert suédois de ce sujet, considère que la supériorité du dispositif provient d’une part d’une meilleure gouvernance, grâce à l’implication directe des gérants dans les entreprises dans lesquelles ils investissent ; et d’autre part dans le fait que les cibles choisies par les fonds recèlent un meilleur potentiel de performance que l’ensemble du marché. Il en résulte une meilleure efficacité opérationnelle (de l’ordre de 15 % relativement aux moyennes sectorielles) et des performances financières surpassant également celles des actions cotées, en moyenne de quelque 5 % annuels, mais avec une très grande dispersion selon les années et les gérants. Le désavantage pour l’investisseur final serait l’illiquidité, l’asymétrie d’information et une variabilité accrue, comme c’est le cas par exemple pour les petites valeurs. Les frais de gestion sont de l’ordre de 2 % sur les engagements et un partage de performance, en général au-dessus de 8 % de performance, d’environ 20 %, données qui peuvent varier d’un fonds à l’autre.
Andrei Gonçalves va un pas plus loin dans la comparaison avec les entreprises cotées, en tentant de prendre en compte plusieurs effets, l’illiquidité et le lissage des valeurs notamment. En effet, au-delà de l’impossibilité de vendre, sauf avec une décote sur un marché secondaire encore naissant, les investisseurs reçoivent des valorisations financières lissées qui n’intègrent pas nécessairement les nouvelles que les marchés cotés répercutent immédiatement dans les cours. En étudiant l’ensemble des fonds de buy-out (entreprises achetées à crédit) et le venture capital (entreprises naissantes) sur la période 1987 à 2022, il obtient les résultats suivants : les performances brutes relatives aux fonds liquides (alpha) seraient de 8 % et 12 % respectivement, mais corrigées des effets de lissage et de liquidité, elles s’établiraient à 2 % et 3 %, donc correspondant aux primes de risque des petites valeurs relativement aux grandes.
Des performances très variables selon les fonds
Comparaison n’est pas raison dit-on parfois. Le lissage permet de diminuer la volatilité apparente, ce qui peut être diversement apprécié, positivement par certains investisseurs mais perçu comme dangereux ou trompeur par d’autres. Ainsi, vouloir à tout prix comparer les titres liquides et les autres n’est pas nécessairement pertinent. Il appartient à chaque investisseur de bien analyser les besoins et risques de liquidité au passif de son institution et de tirer profit, quand c’est possible, des primes offertes par les différents placements, notamment les primes de liquidité. Le récent engouement pour le non-coté est sans doute lié à de très substantielles performances, surtout des meilleurs gérants, qui auraient tort de les cacher ! Il est peut-être également attribuable à une diversité de sensibilités des investisseurs au regard des désavantages intrinsèques à la classe d’actifs.
Mais est-ce vraiment une classe d’actifs à part entière ? L’importance des gérants, leurs apports en expérience et en management, qu’ils font payer au travers d’une structure coûteuse relativement aux gérants des marchés cotés, a pour conséquence une grande variabilité des résultats des entreprises qu’ils gèrent et des performances de leurs fonds. Attention donc à ne pas prendre l’arbre pour la forêt !
Private equity, governance, and liquidity : A simple framework and implications. Per Strömberg, Inquire Europe Seminar Valencia, octobre 2014.
The Private Capital Alpha. Gregory Brown, Andrei S. Gonçalves et Wendy Hu, Inquire Europe Seminar Valencia Valencia, octobre 2014.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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