«Déflation compétitive» et pérennité de l’euro ne font pas bon ménage
Malgré l’amélioration conjoncturelle, la zone euro reste fragmentée. Une fois de plus, les critères de convergence nominale (inflation, taux d’intérêt, dettes et déficits) ont été privilégiés aux critères de convergence réelle (PIB par habitant) dans les politiques d’ajustement. La recorrélation des cycles économiques entre les pays de la zone et le début de défragmentation financière qui l’accompagne (baisse des spreads souverains) ne doivent pas occulter l’accroissement des divergences réelles au cours des six dernières années : le PIB par tête est au plus haut depuis plus de 20 ans en Allemagne tandis qu’il est retombé, en Italie, sur son niveau de 1997 et qu’il n’a toujours pas retrouvé, en France, son niveau de 2007.
Paradoxalement, les pressions déflationnistes résultent pour partie des efforts simultanés réalisés pour «défragmenter» la zone euro. Assainir les finances publiques et comprimer les coûts salariaux unitaires dans les pays périphériques ont été les principaux objectifs assignés aux autorités. Leur poursuite a eu pour effet de renforcer l’excédent courant de la zone euro. Ce n’est donc pas un hasard si l’augmentation de ce dernier s’accompagne d’un ralentissement de l’inflation (le parallélisme est particulièrement frappant).
Il est peu probable que l’inflation remonte sans changement de politique économique. En l’absence de marges de manœuvre budgétaires, la BCE devra intervenir pour créer les conditions d’une (re)convergence réelle entre les économies, avec une double priorité : endiguer la pression haussière sur l’euro et garantir des taux d’intérêt réels faibles pendant une période prolongée. Au final, il lui faudra utiliser les outils dont elle dispose pour respecter son mandat (ramener l’inflation à 2 %). Stabilité macroéconomique et pérennité de l’euro sont à ce prix.
Didier Borowski est responsable de la recherche sur les politiques macroéconomiques au sein de l’Amundi Investment Institute. Auparavant, il a exercé plusieurs fonctions : responsable de la stratégie Taux et Changes, co responsable de l’équipe de Stratégie et Recherche économique, responsable de la macroéconomie puis plus récemment responsable global views. Avant de rejoindre Amundi, il était économiste et stratégiste senior de Société Générale Asset Management (2000-2009). Didier Borowski a commencé sa carrière au sein de la Direction de la Prévision du Ministère de l’économie et des finances. Il a également exercé les fonctions d’expert auprès de la Commission européenne. Didier Borowski est Docteur ès sciences économiques. Il a été Professeur associé à l’Université Paris Nord (2007-2011) puis a enseigné plusieurs années à l’université Paris-Dauphine.
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