Dévaluer l’euro à tout prix
Après le mois de mai, où il avait atteint son plus haut niveau depuis trois ans, l’euro s’est déprécié de près de 10 % par rapport au dollar. Et bien que la BCE n’ait pas comme objectif officiel la dévaluation de l’euro, cette baisse est la réponse jugée appropriée pour relancer le crédit et surtout lutter contre la déflation.
Le taux de change constitue bien l’un des canaux de transmission de la politique monétaire : d’après la BCE, si cette dépréciation de 10 % de l’euro devenait permanente, elle ferait remonter l’inflation de 0,40 % à 0,50 % et la compétitivité des exportateurs s’en trouverait améliorée. En revanche, la progression concomitante des prix à l’importation pèserait sur la consommation privée.
Dans une guerre des monnaies qui ne dit pas son nom, la Banque centrale du Japon (BoJ) mène une politique extrêmement agressive de dépréciation du yen (- 40 % contre dollar sur deux ans) en doublant sa base monétaire depuis janvier 2013. Néanmoins, sa bataille contre la déflation est loin d’être gagnée, car l’inflation défalquée de la hausse de la TVA peine à excéder 1 %. De plus, les effets peuvent même s’annuler, car la BoJ et la BCE menant des politiques monétaires similaires, l’évolution du cours euro/yen se neutralise depuis le début de l’année.
Le renforcement du dollar est aussi le reflet d’actions divergentes. La Fed prépare la normalisation de ses taux directeurs. Ainsi, l’accroissement du différentiel de taux d’intérêt à deux ans entre les Etats-Unis et la zone euro, aujourd’hui à 0,65 %, explique en grande partie le mouvement de la parité de change.
En réaction, la Chine a stoppé l’appréciation programmée du yuan.
Cette nouvelle tectonique des plaques monétaires fait peser un risque de dérapage incontrôlé des devises, chacun voulant gagner la course à la dévaluation compétitive. Mettant de côté son orthodoxie, la BCE s’y est élancée. Il n’est donc pas trop tard pour sous-exposer l’euro dans les portefeuilles.
Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.
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