Excès de confiance
La récente convergence des taux des dettes gouvernementales en zone euro n’est-elle pas excessive ? Les tensions d’il y a trois ans avaient justement souligné plusieurs points faibles des dettes gouvernementales et de l’Union monétaire de la zone euro. Certes, les craintes de défaut de grands émetteurs comme l’Italie ou l’Espagne étaient exagérées. Les niveaux de taux pour les titres à dix ans au-dessus de 7 % se sont révélé être de très belles opportunités maintenant que ces niveaux se situent en dessous de 3 %. S’il est heureux que les pays les plus touchés par la crise comme l’Irlande ou le Portugal aient retrouvé un accès aux marchés, le taux de 4,95 % obtenu par le gouvernement grec pour sa récente émission illustre à mon sens l’insuffisant discernement de certains acheteurs.
Les progrès effectués sous la pression des marchés sont indéniables. Meilleures politiques budgétaires, plus grandes crédibilités des programmes de réductions de dettes, meilleur contrôle collectif pour éviter les dérapages des pays les moins rigoureux. Une véritable harmonisation du contrôle bancaire avec la clarté des conséquences pour les porteurs de titres, plus (trop ?) grand coussin de fonds propres et stress tests beaucoup plus conformes aux pratiques de gestions des risques. Enfin, une banque centrale engagée, active en paroles et en actes même si les insuffisances, en matière de change ou de lutte contre les risques déflationnistes, sont fréquemment discutées.
Mais chacun a le sentiment que cela ne suffira pas. Sur le front de la croissance, l’effet dépressif de la rigueur imposée n’a pas été contrebalancé par les mesures structurelles permettant un meilleur potentiel de croissance. La transition vers une économie privée plus dynamique est encore modeste, même si désormais nul ne conteste le rôle central des entreprises en la matière. Surtout, le fédéralisme européen n’est pas à l’ordre du jour comme la campagne pour le Parlement européen le montre. Sans mécanisme communautaire plus avancé, et les propositions ne manquent pas, le retour des doutes produira les mêmes effets. Excès de dispersion après l’excès de convergence.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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