Le blog de Arnaud-Guilhem Lamy
La boussole des marchés obligataires est déréglée
L’Eonia vient de fêter ses 5 ans de taux négatifs et le moins que l’on puisse dire c’est que les marchés en ont perdu leur latin. Le taux 10 ans allemand ne suit plus le calcul simpliste «croissance plus inflation». De 1999 à 2007, le taux 10 ans allemand était en moyenne de 40 points de base inférieurs à ce calcul seulement. Les écarts pouvaient varier fortement mais il restait une relation de long terme avec la croissance et l’inflation. Depuis que l’Eonia est négatif, cette relation ne fonctionne plus, les taux restant constamment et fortement en dessous de la formule (270 points de base en moyenne depuis fin 2014). Les anticipations de baisse des taux ou de quantitative easing ont pu être une raison amenant les taux longs à des niveaux très négatifs. Mais aujourd’hui, le consensus est fort pour indiquer que la BCE n’a plus beaucoup de cordes à son arc. D’aucuns argumenteront qu’il est bien peu sage de regarder la croissance et l’inflation actuelles et que les taux doivent refléter la croissance et l’inflation futures et ils auront raison. Cependant, même si le FMI et la Commission européenne ont revu récemment leurs prévisions de croissance et d’inflation à la baisse pour 2020 et 2021, celles-ci restent au-delà de 1,2 % et donc très loin de toute idée de récession ! N’ayant plus d’ancrage fondamental pour les taux, les investisseurs se focalisent uniquement sur les variations, ce qui explique les réactions exagérées face aux différents tweets et nouvelles géopolitiques. Ces mouvements erratiques devraient rester la norme, avec un taux 10 ans évoluant entre -0,70 % et 0 %, et ce tant que la BCE conserve la même politique et que l’économie ne s’améliore pas nettement.
Arnaud-Guilhem Lamy est responsable des stratégies obligataires euro aggregate au sein de BNP Paribas Asset Management.
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