Le difficile allégement de l’impôt sur les sociétés
Aveugles ou consentants, les gouvernements français ont toujours orienté l’impôt sur les sociétés (IS) dans le même sens : on laisse des taux nominaux beaucoup plus élevés que dans les pays voisins, mais on en allège le coût par une succession de niches qui réduisent fortement la base de l’impôt. Les chiffres parlent. Avec un taux d’IS de 36,7 % (avant même la contribution exceptionnelle et la contribution sur les bénéfices distribués), la France a le taux nominal le plus élevé de l’Union européenne. L’Allemagne est à présent à 29,8 %, l’Italie à 27,5 %, le Royaume-Uni à 23 %, pour prendre des pays comparables.
Par contre, le taux effectif français, tel que mesuré par exemple par le rapport de l’IS au PIB, reste raisonnable : 2,3 % du PIB, contre 2,6 % pour l’Allemagne et 3,1 % pour le Royaume-Uni (chiffres de 2011).
Même si ce chiffre bas résulte en partie d’une rentabilité insuffisante des entreprises françaises, cette stratégie est mauvaise, outre le fait qu’il n’y a que la France à l’appliquer. Il faut dire très fort que les taux nominaux ont leur importance. Plus élevés que dans les pays comparables, ils envoient un message erroné aux investisseurs internationaux, soit que ceux-ci en restent à la vision première du taux affiché, soit qu’ils se disent que le climat des affaires n’est décidément pas bon en France, puisque le gouvernement a peur d’afficher devant son opinion publique tout geste en faveur des entreprises pour, par-derrière, leur restituer l’argent.
C’est aussi une belle illusion sur la puissance de l’instrument fiscal quand, à coup d’exemptions, d’allégements partiels, de seuils ou de taux différenciés, le politique se lance dans un micromanagement de l’économie. Les mesures se détruisent l’une et l’autre, et la complexité et l’instabilité de l’ensemble font la joie des conseillers fiscaux, au détriment des petites entreprises à qui manquent les moyens de s’y retrouver.
Il faut donc baisser le taux nominal de l’impôt.
Le gouvernement Valls serait prêt à s’y résoudre, mais il veut en même temps réduire les impôts sur le chiffre d’affaires (suppression de la C3S) et supprimer les cotisations sociales famille à la charge des entreprises. C’est beaucoup en période de disette budgétaire.
S’ajoute à ce casse-tête le fait qu’il cède aux sirènes des économistes qui, à la suite de Francis Kramarz et Pierre Cahuc, disent chiffres à l’appui que les réductions de charges les plus efficaces pour l’emploi sont celles qui allègent le coût du travail des bas salaires. L’emploi primant dans l’agenda politique sur la compétitivité, on cherchera donc des allégements du côté des entreprises qui emploient beaucoup de personnes peu qualifiées, c’est-à-dire les services, la distribution ou le transport, moins du côté des entreprises industrielles. Et donc quelques dégrèvements supplémentaires, mais pas de baisse de l’IS.
C’est déjà cette logique qui a présidé à la mise sur pied du CICE et qu’on veut reproduire à nouveau. Quelle ironie que malgré leurs discours argumentés sur l’importance d’un système fiscal stable, simple et transparent, les économistes français ont plutôt œuvré récemment à le rendre plus opaque encore !
D’autant que cette logique ne vaut qu’à court terme. Sur le long terme, les modèles économétriques sont bien incapables de mesurer des élasticités de l’emploi, qui embarquent quantité d’autres facteurs. Le doute devrait venir de la simple observation des faits : on applique, depuis le gouvernement Balladur en 1993, une politique systématique de subvention fiscale aux bas salaires, sans que l’emploi des non-qualifiés s’en porte beaucoup mieux. Ce faisant, on nie les effets de cascade sur l’emploi, y compris pour les non-qualifiés, d’entreprises prospères et compétitives sur le marché national et à l’exportation.
Il est temps de changer le fusil d’épaule. Et d’aller vers la baisse du taux de l’IS. Et pour laisser une place aux allégements de cotisations sociales, il faut accompagner cette baisse d’un fort élargissement de la base taxable. Cela signifie une revue sévère de quantité de niches, y compris peut-être le CIR (crédit d’impôt recherche), aux effets incertains. Il faut de plus intégrer le CICE aux cotisations sociales, là aussi pour en réduire le taux facial. Que CICE et CIR soient maintenant devenus populaires chez les chefs d’entreprise n’est pas le signe qu’il s’agit de bonnes mesures ; c’est l’expression de la défiance des entreprises vis-à-vis du gouvernement, qu’ils jugent incapable, s’ils renoncent à ces avantages, de faire la compensation en baisse de l’IS. A lui de les démentir.
Aveugles ou consentants, les gouvernements français ont toujours orienté l’impôt sur les sociétés (IS) dans le même sens : on laisse des taux nominaux beaucoup plus élevés que dans les pays voisins, mais on en allège le coût par une succession de niches qui réduisent fortement la base de l’impôt. Les chiffres parlent. Avec un taux d’IS de 36,7 % (avant même la contribution exceptionnelle et la contribution sur les bénéfices distribués), la France a le taux nominal le plus élevé de l’Union européenne. L’Allemagne est à présent à 29,8 %, l’Italie à 27,5 %, le Royaume-Uni à 23 %, pour prendre des pays comparables.
Par contre, le taux effectif français, tel que mesuré par exemple par le rapport de l’IS au PIB, reste raisonnable : 2,3 % du PIB, contre 2,6 % pour l’Allemagne et 3,1 % pour le Royaume-Uni (chiffres de 2011).
Même si ce chiffre bas résulte en partie d’une rentabilité insuffisante des entreprises françaises, cette stratégie est mauvaise, outre le fait qu’il n’y a que la France à l’appliquer. Il faut dire très fort que les taux nominaux ont leur importance. Plus élevés que dans les pays comparables, ils envoient un message erroné aux investisseurs internationaux, soit que ceux-ci en restent à la vision première du taux affiché, soit qu’ils se disent que le climat des affaires n’est décidément pas bon en France, puisque le gouvernement a peur d’afficher devant son opinion publique tout geste en faveur des entreprises pour, par-derrière, leur restituer l’argent.
C’est aussi une belle illusion sur la puissance de l’instrument fiscal quand, à coup d’exemptions, d’allégements partiels, de seuils ou de taux différenciés, le politique se lance dans un micromanagement de l’économie. Les mesures se détruisent l’une et l’autre, et la complexité et l’instabilité de l’ensemble font la joie des conseillers fiscaux, au détriment des petites entreprises à qui manquent les moyens de s’y retrouver.
Il faut donc baisser le taux nominal de l’impôt.
Le gouvernement Valls serait prêt à s’y résoudre, mais il veut en même temps réduire les impôts sur le chiffre d’affaires (suppression de la C3S) et supprimer les cotisations sociales famille à la charge des entreprises. C’est beaucoup en période de disette budgétaire.
S’ajoute à ce casse-tête le fait qu’il cède aux sirènes des économistes qui, à la suite de Francis Kramarz et Pierre Cahuc, disent chiffres à l’appui que les réductions de charges les plus efficaces pour l’emploi sont celles qui allègent le coût du travail des bas salaires. L’emploi primant dans l’agenda politique sur la compétitivité, on cherchera donc des allégements du côté des entreprises qui emploient beaucoup de personnes peu qualifiées, c’est-à-dire les services, la distribution ou le transport, moins du côté des entreprises industrielles. Et donc quelques dégrèvements supplémentaires, mais pas de baisse de l’IS.
C’est déjà cette logique qui a présidé à la mise sur pied du CICE et qu’on veut reproduire à nouveau. Quelle ironie que malgré leurs discours argumentés sur l’importance d’un système fiscal stable, simple et transparent, les économistes français ont plutôt œuvré récemment à le rendre plus opaque encore !
D’autant que cette logique ne vaut qu’à court terme. Sur le long terme, les modèles économétriques sont bien incapables de mesurer des élasticités de l’emploi, qui embarquent quantité d’autres facteurs. Le doute devrait venir de la simple observation des faits : on applique, depuis le gouvernement Balladur en 1993, une politique systématique de subvention fiscale aux bas salaires, sans que l’emploi des non-qualifiés s’en porte beaucoup mieux. Ce faisant, on nie les effets de cascade sur l’emploi, y compris pour les non-qualifiés, d’entreprises prospères et compétitives sur le marché national et à l’exportation.
Il est temps de changer le fusil d’épaule. Et d’aller vers la baisse du taux de l’IS. Et pour laisser une place aux allégements de cotisations sociales, il faut accompagner cette baisse d’un fort élargissement de la base taxable. Cela signifie une revue sévère de quantité de niches, y compris peut-être le CIR (crédit d’impôt recherche), aux effets incertains. Il faut de plus intégrer le CICE aux cotisations sociales, là aussi pour en réduire le taux facial. Que CICE et CIR soient maintenant devenus populaires chez les chefs d’entreprise n’est pas le signe qu’il s’agit de bonnes mesures ; c’est l’expression de la défiance des entreprises vis-à-vis du gouvernement, qu’ils jugent incapable, s’ils renoncent à ces avantages, de faire la compensation en baisse de l’IS. A lui de les démentir.
François Meunier est économiste, ancien président de la DFCG
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