Le risque d’avoir déjà vu
N’utilisons-nous pas excessivement des modèles de risques s’appuyant sur le passé ? A maintes reprises, la crise financière a démontré les dangers d’une trop grande sophistication. Quand les données disponibles pour effectivement mesurer l’amplitude des risques manque, on se souviendra longtemps du taux de défaut des subprimes estimé sur quelques années… La volatilité connaît, elle aussi, des cycles, et ne s’avère pas aussi stable que l’on voudrait le penser. L’indice de volatilité Vix n’est-il pas passé de plus de 50 % pendant la crise à quelque 10 % ces derniers temps ? Enfin, les corrélations entre les actifs peuvent varier considérablement entre leurs bornes fixées par les statistiques entre - 1 et + 1. Risk on/risk off nous a habitués à une corrélation inverse entre obligations et actions, mais l’inflation créera des situations plus complexes où les deux classes d’actifs sont sujettes à des baisses concomitantes, comme les années 1970 l’ont montré.
Les seuls risques qui devraient nous préoccuper sont ceux du futur. Or la situation des fondamentaux et des marchés n’est jamais tout à fait reproductible. Dans les facteurs différentiants de la phase actuelle, l’activisme des banques centrales est probablement le plus évident. L’arrêt des interventions là-bas et le début potentiel de celles-ci ici vont perturber considérablement la structure des volatilités et des corrélations. Leurs interventions qui ont été bénéfiques vont laisser les marchés avec des acteurs dont les besoins et les objectifs ne sont pas les mêmes. Le deuxième facteur différentiant est la globalisation marquée par la place plus grande des marchés émergents, économiquement et financièrement, tant en matière d’émissions que d’investissement. Et, bien sûr, de nouveaux risques géopolitiques, économiques et financiers vont émerger ou s’amplifier. Est-ce que la très faible volatilité actuelle ne va pas inciter à de nouvelles formes de prise de risques excessives ? La volatilité des actifs réels est-elle suffisamment appréhendée ?
Investir, c’est considérer le futur, les futurs à vrai dire. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les risques passés, dans un certain sens, pas davantage.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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