Les conséquences de la «théorie de la surchauffe»
Les grandes banques centrales (Fed, BCE, Banque d’Angleterre, Banque du Japon…) maintiennent une politique monétaire expansionniste alors que le taux de change est très bas (Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon) ou baisse très rapidement (zone euro). Cette stratégie peut être appelée «théorie de la surchauffe» : le maintien d’une politique monétaire très expansionniste au plein-emploi provoque la surchauffe de l’économie, ce qui a, selon cette théorie, des effets favorables : retour sur le marché du travail de personnes qui l’avaient quitté (c’est-à-dire hausse du taux de participation), gains de productivité plus rapides. L’idée est que, la politique monétaire restant expansionniste, la demande de biens et services est stimulée, ce qui pousse les entreprises à essayer de satisfaire ce supplément de demande, soit en attirant de nouvelles personnes sur le marché du travail, soit en augmentant leur productivité.
Quelles sont les conséquences sur les marchés financiers de la mise en œuvre de la «théorie de la surchauffe» par les banques centrales ?
De manière évidente, il en résulte que les taux d’intérêt à court terme et à long terme sont anormalement bas compte tenu de la position cyclique de l’économie. Les autres conséquences dépendent fortement du fait de savoir si cette politique est couronnée ou non de succès.
Si elle réussit, la croissance reste forte (grâce à la hausse du taux d’emploi et à celle des gains de productivité), l’inflation reste assez faible (avec le retour de nouvelles personnes sur le marché du travail), tout ceci étant extrêmement favorable au marché des actions.
Si elle échoue, la demande forte de biens et services ne peut pas être satisfaite par la production nationale, il y a retour de l’inflation et dégradation du commerce extérieur, d’où hausse des taux d’intérêt, dépréciation du taux de change et chute du marché des actions.
Les banques centrales, en adoptant la «théorie de la surchauffe», font donc un pari audacieux.
Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Devenu en 1998 directeur de la recherche et des études de Natixis, il est promu chef économiste en mai 2013. Depuis septembre 2024, il est conseiller économique d'Ossiam. Il est également membre du Cercle des Economistes.
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