Les marchés obligataires ou le principe de contradiction
Les excellentes performances des actifs obligataires, tels que le crédit corporate ou les titres d’Etats périphériques européens, ne sont pas remises en cause par les incertitudes liées à la confrontation entre la Russie et l’Occident sur la crise ukrainienne.
Cependant, le reflux général des taux d’intérêt provoque des situations contradictoires. Ainsi, l’Espagne, notée BBB, se refinance à cinq ans à 1,60 %, alors que le gouvernement américain, pourtant noté AAA, doit payer 1,68 % sur la même échéance.
Aux Etats-Unis, malgré la réduction des achats de titres par la Fed basée sur une hypothèse de croissance soutenue, les taux des Treasury à dix ans ont diminué depuis le début de l’année, de 0,40 % à 2,60 %. Certes, cette baisse s’explique en partie par une nouvelle réglementation qui incite les fonds de pension à acheter davantage de titres longs, mais elle résulte aussi d’opérations de couverture de certains investisseurs qui, à l’inverse, jugent l’action de la Fed prématurée.
Dans la zone euro, la BCE promet une politique non conventionnelle visant à contrer le risque de déflation. La perspective de cette stimulation monétaire devrait faire remonter les taux longs. Au contraire, les rendements baissent, et bien au-delà du strict effet de la désinflation, comme l’indiquent les taux réels du Bund allemand à dix ans, redevenus négatifs à - 0,10 %.
De son côté, l’euro affiche une force insolente, alors que, des deux côtés de l’Atlantique, les différentiels de cycle économique et de taux d’intérêt futurs sont supposés favoriser le dollar. En fait, l’attrait pour l’euro provient en grande partie de flux de repondération des acteurs internationaux.
Souvent, les marchés émettent des signaux contradictoires lorsque de nouvelles idées d’investissement sont testées. Ce phénomène révèle un prochain retournement de tendance. Il est donc temps de prendre ses profits et de réduire quelque peu le risque dans les portefeuilles.
Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.
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