Marché du travail : le dialogue social doit changer, en France comme en Italie

Publié le 17 avril 2014 à 15h27    Mis à jour le 3 juin 2014 à 12h30

Jean-Paul Betbèze

Quand un problème n’a qu’une solution, on finit toujours par la trouver. C’est ce qui vient d’arriver en Italie et en France et s’appelle « réforme du marché du travail ». Quand un pays n’a plus de monnaie nationale, il ne peut la dévaluer. Quand un pays a trop de dette publique, il doit diminuer son train de vie. Ceci implique de faire bouger des fonctionnaires et d’en réduire le nombre : la réforme du marché du travail public s’impose. Quand un pays a trop de déficit extérieur, il doit augmenter sa compétitivité. On peut rêver et parler « compétitivité hors coût », qualité, innovation, encore faut-il en avoir les moyens. Ce n’est pas le cas. Donc la compétitivité coût doit faire la différence, autrement dit la maîtrise des salaires et la baisse des charges. La réforme du marché du travail privé est décisive.

Derrière les programmes d’économies privées et publiques mis en avant par Matteo et Manuel, rien ne marchera si le dialogue social ne change pas, avec des objectifs de transparence et d'organisation clairs. Les marchés financiers ne suivront pas.

Quand Matteo Renzi vient présider aux destinées de l’Italie, c’est après des années de tensions et de crise, de croissance zéro et de chômage persistant. Ceci malgré les mesures courageuses de Mario Monti. Avec Matteo, c’est très rapidement une baisse des impôts et le paiement accéléré des arriérés aux entreprises (70 milliards d’euros en quatre mois !). Ce sont aussi des privatisations, plus des dépenses d’infrastructure et de soutien aux bas salaires. Le volet social s’ouvre ainsi, avec l’idée de flexibiliser le marché du travail, notamment par des contrats courts et des contrats d’apprentissage.

Quand Manuel Valls vient pour changer de rythme et de climat en France, c’est après des mois de tensions et de crise, de croissance faible et de chômage croissant. Ceci malgré des premières mesures de baisse de charges et de flexibilisation du marché du travail, mais c’est trop peu, trop embrouillé, pas assez assumé. Manuel Valls avance encore aujourd’hui avec un jeu complexe de milliards de charges en moins pour les entreprises (11 milliards de baisses d’impôts et charges après les 20 du CICE) et de milliards de dépenses publiques en (50 milliards sur trois ans). Tous ces milliards améliorent techniquement les perspectives et nourrissent les débats. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans le climat qui va naître (ou non) dans l’entreprise sur les conditions d’information et de formation pour expliquer la situation, la nécessité des profits et pour trouver d’autres modes d’intéressement à la croissance en poursuivant la modération des salaires.

Ce qui se joue en Italie et en France, comme au Portugal et en Espagne avant, c’est une remontée de la part des profits dans la valeur ajoutée. Mais une remontée différente. Heureusement, elle ne va pas se faire, comme au Portugal et en Espagne, sous la pression du risque de faillite, puisque la confiance des marchés est là et qu’il faut la renforcer. Il faut continuer à réduire le risque Italie et maintenir le risque France en spread par rapport aux taux allemand. Il faut permettre en même temps une remontée de l’inflation pour réduire le taux réel de la dette et le spread réel par rapport à l'Allemagne. En même temps, il faut que les salaires ne suivent pas cette remontée de l’inflation. Il faut donc poursuivre la dévaluation salariale. Les derniers chiffres illustrent le problème : l’Allemagne s’endette à 10 ans à 1,5 %, mais à 0,5 % en termes réels (inflation à 1 %), la France s’endette à 2 % mais à 1,4 % en termes réels (inflation à 0,6 %) et l’Italie qui s’endette à 3,1 % s’endette encore à 2,7 % en termes réels (inflation à 0,4 %), ce qui reste insoutenable.

Rien n’est possible si la confiance ne se renforce pas sur les marchés, une confiance qui dépendra surtout cette fois des conditions du dialogue social. Jusqu’à présent l’acceptation Renzi est bonne et l’acceptation Valls prometteuse.

C’est alors que survient la question du SMIC. Pavé (Gattaz) dans la mare par rapport au SMIC France à 1445 euros, à comparer à 1292 en Allemagne (à partir du salaire horaire minimum à 8,5 euros), 1217 en Angleterre ou 753 en Espagne. Certes le Luxembourg est à 1921, mais seul. Maintenant les marchés vont regarder comment on s’y prend. Quand on ne peut plus dévaluer la monnaie, il faut réévaluer les rapports sociaux.

Jean-Paul Betbèze Professeur émérite à l’université Panthéon Assas

Jean-Paul Betbèze, économiste, diplômé d’HEC, docteur d’Etat agrégé de sciences économiques. Il a commencé sa carrière dans l’enseignement en tant que professeur d’université, notamment à Paris II-Panthéon Assas à partir de 1987. Entré en 1986 comme directeur d’études au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), il rejoint trois ans plus tard le Crédit Lyonnais comme directeur des études économiques et financières, puis en 1995, comme directeur de la stratégie. En 2003, il est promu conseiller du président et du directeur général de Crédit Agricole, puis directeur des études économiques et chef économiste. Il a crée sa propre structure de conseil en 2013. Membre du Cercle des économistes.

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