Quand l’arbre monétaire cache la forêt budgétaire
Les marchés se focalisent sur le niveau du taux terminal de la Fed et de la BCE au point d’occulter la politique budgétaire. L’envolée des taux d’intérêt est pourtant derrière nous. Le rythme de la hausse des prix hors alimentation et énergie (l’inflation sous-jacente) va graduellement baisser en 2023 et 2024. Le ralentissement s’annonce certes lent, compte tenu des pressions salariales et des faibles gains de productivité. Mais la conclusion est déjà claire pour les banques centrales : la fin du durcissement monétaire se rapproche à grands pas.
En revanche, l’incertitude budgétaire est plus élevée cette année, notamment en Europe. D’une part, parce que les Etats sont loin de finaliser la réforme de la gouvernance budgétaire européenne. Depuis 2020, les règles du pacte de stabilité et de croissance sont suspendues. La clause de sauvegarde expire en fin d’année. La procédure proposée par la Commission européenne en novembre dernier, qui repose sur des négociations bilatérales avec les Etats membres, est rejetée par plusieurs pays, qui la jugent trop laxiste. D’autre part, la réponse européenne à l’Inflation Reduction Act américain patine. Elle repose à ce stade sur une proposition d’assouplissement des aides d’Etat qui sont susceptibles d’engendrer de profondes distorsions de concurrence au sein du marché unique. Sans surprise, les pays qui ne disposent pas des ressources budgétaires nécessaires s’opposent. La priorité est de mobiliser les ressources existantes.
Ces deux questions divisent profondément les Européens et se retrouvent de ce fait imbriquées. L’avenir de l’Europe repose bien plus sur les réponses qui leur seront (ou pas) apportées cette année que sur la politique monétaire.
Didier Borowski est responsable de la recherche sur les politiques macroéconomiques au sein de l’Amundi Investment Institute. Auparavant, il a exercé plusieurs fonctions : responsable de la stratégie Taux et Changes, co responsable de l’équipe de Stratégie et Recherche économique, responsable de la macroéconomie puis plus récemment responsable global views. Avant de rejoindre Amundi, il était économiste et stratégiste senior de Société Générale Asset Management (2000-2009). Didier Borowski a commencé sa carrière au sein de la Direction de la Prévision du Ministère de l’économie et des finances. Il a également exercé les fonctions d’expert auprès de la Commission européenne. Didier Borowski est Docteur ès sciences économiques. Il a été Professeur associé à l’Université Paris Nord (2007-2011) puis a enseigné plusieurs années à l’université Paris-Dauphine.
Du même auteur
Remboursement de la dette NGEU : un défi pour la nouvelle Commission européenne
Juridiquement, l’ensemble des fonds disponibles au titre du plan Next Generation EU (NGEU) doivent…
Le CBAM pourrait-il passer à la trappe si Donald Trump est élu ?
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism, CBAM)…
Le prochain Parlement européen pourra-t-il s’entendre sur la dette commune ?
Le Parlement européen a voté récemment en faveur des nouvelles règles budgétaires. Ces dernières…