Que nous suggère la courbe des taux américaine ?
La Banque fédérale américaine est en train de réduire ses achats de titres obligataires, pour s’arrêter définitivement en octobre. Beaucoup d’investisseurs prévoyaient une poursuite de l’ajustement à la hausse des rendements, comme cela avait été le cas mi-2013, lors de l’annonce par Ben Bernanke. Or, depuis le début de l’année, les taux à dix ans des bons du Trésor américain ont baissé de 3,05 % à 2,45 %, alors même que les intervenants de marché anticipent un relèvement des taux directeurs à partir de juin 2015. En conséquence, la courbe des taux s’aplatit.
Après le trou d’air du premier trimestre, les indicateurs avancés d’activité montrent que l’économie outre-Atlantique s’accélère progressivement. Mais le marché n’adhère pas aux projections de croissance de la Fed à 3,10 % en 2015.
De surcroît, le discours ultra-«dovish» de Janet Yellen et sa révision de 4 à 3,75 % du niveau d’équilibre de long terme des Fed Funds contribuent à l’aplatissement de la courbe, via la baisse des forwards eurodollar postérieurs à 2017.
A court terme, les investisseurs craignent surtout une remontée précoce des taux directeurs dans un contexte économique vulnérable. Ils se disent que plus la Fed relève rapidement ses taux, plus bas sera l’objectif final. Cette vulnérabilité se lit dans le taux à terme dix ans dans dix ans, qui ne s’élève qu’à 3,40 %. En faisant l’hypothèse d’une inflation stabilisée à 2 %, la croissance implicite serait de l’ordre de 1,50 %. Elle est éloignée à la fois des prévisions citées plus haut et de la croissance potentielle, évaluée à 2,25 %.
Ainsi, nous pouvons affirmer que la courbe des taux américaine met en garde la Fed contre les risques induits par une normalisation précipitée de sa politique monétaire, alors que les stigmates de la crise persistent. En matière de positionnement des portefeuilles obligataires, nous restons donc à l’aplatissement.
Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.
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